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Annoncée à Tavance comme un ouvrage plein de science, de recher- ches nouvelles et de curieuses révélations, elle fut d'abord une terrible menace pour quelques fidè- les qui se demandèrent s'ils étaient condamnés à voir des coupables dans des religieux qu'ils s'é- taient habitués jusqu'ici à regarder comme des victimes de l'impiété , de l'illusion et de la fai- blesse. Publiée ensuite avec grand fracas, elle fut ouverte avec avidité, avec une joie méchante par les hommes qui se sont fait un triste besoin de combattre l'Église dans la personne des Jésuites, avec anxiété par les vrais chrétiens qui ont depuis trois siècles le secret de cette guerre déloyale. Aujourd'hui, nous avons à bénir le Ciel de cette publication. L'accueil que lui a fait partout la presse catholique, est un des plus consolants symptômes de la communion de pensées et de 1 — *) sentiments qui règne parmi nous. Impossible dé- sormais de nous faire prendre le change sur les vrais intérêts de TËglise; impossible de nous im- poser encore le rôle ridicule et insensé des brebis qui livrent aux loups leurs gardiens et leurs dé- fenseurs. Nous avons le sens des promesses et des menaces de l'impiété , et nous ne voulons ' pas plus nous laisser prendre à ses cauteleuses sé- ductions, qu'effrayer pai" ses clameurs irritées. , C'estque nous nous sommes instruits aux leçons de l'histoire* Le xvni^ siècle est un drame infernal qui se déroule tout eqtier à nos regards. Nous en savons le principe, l'intrigue, les diverses péripé. Ui^, et l'épouvantabledénouement. La destruction 4es JésMiites n'a été qu'une de ces péripéties. Je*- té^ au milieu de ce drame^.incertaÎQs, comme il i^rrive toujours, sur le dénouement final, n'ayant P93 tout le secret des ipaçbini&les^ nos pères ont pu $e inéprendre mv leur^ intentionscriminelieset ^ prêter innocemment à leui: horrible jeu. Mais, pour pous, l'il^usipp serait folÎQ,. si elle n'était pas çoupa})le. En France, il y a qççlques années à peine;, n'ayons-nqus pai^ assisté au spectacle de 1769 et de 1773 ? Moins la d^irnière catastrophe, p'avons-npus pas vu sC; reproduira touteis leç.pha- ses de k guerre aifx Jésuites^ jusqu'aux eflfor^s tci]t^^,,§ur un Pape pour obtenir un nouveau bref tfaboiitîon? — 3 — Oe u est doiio pas parmi nous que le P. Tfaei'^ nWy qui serait disposé, croyons-nous^ à sacrifier encore les Jésuites, si venaient à se renour^ler les terribles circonstances où fut jeté le pontificat de Clément XIV, trouvera dès dupes ou des complj- ces« Son livre seul, avec ses aveux naïfs, ses per^ pétuelles contradictions , nous détournerait de prêter jamais les mains à une pareille entreprise, comme il nous empêche de souscrire à Tacte éb condamnation dressé contre les Jésuites dans le passé5 ainsi qu'au bill d'indemnité et surtout auK éloges accordés à leurs bourreaux et aux exécii** teurs des hautes œuvres de la philosophie» Notre pensée n'est pas de revenir sur l'exâmeh général du livre du P. Theiner (1)» mait seule^ ment d'en discuter quelques points qui ûous,|mi- raissent mériter une attention particulière. Pour être itaieux compris, rappelons la pensée^mère de louvrage. II. . Cet ouvrage est ofoina une apologie de Clé- ment Xiy .qu'un lourd pamphlet contre M. Créli- neauJoly et contre les hommes à la défense des* quels il a voué sa plume. Cette conviction résulte (I) Gel exunen général a été fait paf nous dsM la BibUo- graphie catholiqtiê, numéros de mam et d'avril iSSSé — Ces articles, réanisi depuis en brochure, sont reproduits dans Tap- pcudice du présent ouvrage « ^ 4 — pour nous d'informations sûres et précises, et de Tétude attentive que nous avons faite de cette polémique. Pour se débarrasser dans l'avenir des révélations compromettantes de M, Grélineau-Jo- ly, on a voulu le tuer dans son passé d'écrivain, ôter à l'avance tout crédit aux travaux qu'il pré- pare, en dépouillant de leur autorité ses ouvrages antérieurs. Parmi ces ouvrages, il en était un sur- tout qui avait été fécond en scandales, et qui gênait singulièrement les hommes disposés à recommencer, à un moment donné, la campagne de 1 769 : nous voulons parler du livre publié en 1 847 sous le titre de Clément XIV et les Jésuites. C'est donc contre ce livre que le P. Theiner ré- solut de diriger ses coups. Son but, dès lors, fut mojns de réhabiliter Clément XIV que de décré- diter M, Crétineau-Joly. De là le caractère de son ouvrage, qui, sous cette inspiration, est devenu un faclum plutôt qu'une histoire. Pour défen- dre les Jésuites, M. Crétineau avait attaqué Clément XIV ; pour défendre Clément XIV, le P. Theiner attaquera les Jésuites. Oui, malgré les protestations contraires, dont tout lecteur attentif suspectera la sincérité, ce sont bien les Jésuites et, par contre-coup, M. Crétineau-Joly, que le P. Theiner veut battre en ruine. Car, s'il n'eut voulu que défendre Clément XIV, que venger sa mémoire d'accusations fausses ou exagérées • élaîl-il donc obligé de remplir ioules ses pages des insinuations les plus perfides contre la Com- pagnie de Jésus? Comme nous Tavons dit ail- leurs, il n'était pas nécessaire que les Jésuites fussent démontrés coupables pour que le Pape, dans sa àuprème puissance, eût le droit de les sa- crifier. Il suffisait qu'il crût, victime d'une illu- sion qu'explique le malheur des temps, leur im- molation nécessaire au besoin de TEglise, Mais ce n'est pas assez pour le P. Tlieiner de recourir à ce moyen de défense : il lui faut édifier son apologie sur la honte de la Compagnie de Jésus. A toutes les pages de son livre, en effet, il cher- che à prouver que la destruction des Jésuites était alors opportune, légitime, et même nécessaire. Dans ce dessein, il ne néglige aucune occasion de les présenter, tantôt par voie d'insinuation, tantôt par voie d'affinnation positive, comme déchus de leur antique gloire, quelquefois comme coupa- bles. C'est donc un procès en règle contre la Com- pagnie qu'a entrepris le P. Theiner, afin d'être en droit de conclure que Clément XIY, en la sup- primant, n'obéit qu'à l'inspiration de Dieu et de sa conscience, qu'au désir de procurer le plus grand bien de l'Eglise, et non pas, comme le prétend M. Crétineau-Joly, aux obsessions aveu- gles et coupables des Cours Bourbonniennes, ni aux faiblesses de son caractère. — 6 — Mais sur quoi le nouvel accusateur des Jésuites fondéra-l-il son réquisitoire? Il ne pouvait les re- présenter comme déchus de leur Institut dans un temps où on les accusait d'y être trop fidèles, où les Cours,n'osailt pas encore en venir à une deman- de de suppriession, exigeaient des modification» dans les règles de la Compagnie. D'un autre côté, comment jeter même un soupçon sur leurs mœurs que leurs plus ardents ennemis ont toujours res- pectées? Enfin, un prêtre, un Oratorien, ne pou- vait reprendre les attaques modernes qui se rer tournent contré tous les Ordres religieux ; il ne {Kiuvait crier contre la morale relâchée^ recourir à tant de mënsonge&dont la généalogie est si.hon- ieùsé, dérolier leurs calomnies aux protestants, àtix jstnsénistés, aux parlementaires, refaire, en xiù mot, la Morale pratique des Jé$uite$ ç\x les Éktfàiis des assêrtiom. Ce n'est pas pourtant qu'il ne fasse quelques emprunts |i ces vastes en-* cyclopédîës de mensonges,' mais U les donne sousi là forme d*un on dit; qu'il ne prenne soin de puiser quelques traits rouilles dans les arsenaux» d*iihe philosophie antichrétienne, mais il semble avoir honte de s'en servir, et c'est toujours par la ittaîn d'autrui qu'il les décoche. En quoi donè consiste son système ? Le. voici : Il attaqué les Jésuites dans leur science,^ ^ms leur enseignement i dans leurs succès, af|q d*en con- — 7 — dure qaiU étaient alors inutiles aux lettres, que l'éducation dépériisalt entre leurs mains, que la jeâbessa sortait dé leurs maisons désankiée con^ tPé J-efrébr, incapable dé défendhe sa foi «?e€ édat^ soit dans lé monde, sort dans les rangs du saèenloee. ^^ Laissons4e plutôt parier kii<>ioéttie j puià nous réduirons ^es aecusatioiis à quelques points principaux. ^ m. Il s'agit de la guerre que le roi de Portugal déclara à la Société de Jé^s. Le P. Tbeiner ajoute: << JJQsé de Seabra de Sylva, avocat aussi savant )» qu'habile et fiscal de la couronne, çntreprit de » justifier sur ce point tous les actes de son squ«* » veratn. Il fit précéder cette justification d'up n tableau historique de l'influence que les Jésui* « tes, depuis leur entrée en l\>rtugal jusqu'à leur n expulsion, avaient exercée sur l'Ëglise, sur \^ » société, sur les sciences, et enfin sur l'État lui* » ipôme. Cet ouvrage (1) est peut-être le plus » ifaportant de tous ceux qui ont été publiés coiii- » troda Compagnie de Jésus Quoiqu'il soit renv- (i) Il a pour titre : Deduzione Cronoloçfica^ çtc. Il est di- rifS contré l'ÉglUte^ autant que contre h Société de Jésus. Lès fmillBQiis: lias plus acharnés de l'Eglise romaine y sont vantas çonuiQl^ io$ hommes les plus religieux et les plus ^ayants^ cmnme les sages libérateurs du genre humain, etc. Et c'est à » pli de falsifications et des plus odieux men« x> songes, ce livre contient néanmoins plusieurs n accusations sévères, dont la réfutation complète » serait très- difficile. Seabra attaqua la Société » de son côté le plus vulnérable, et chercha à x> démontrer comment, au lieu de favoriser les » sciences, elle avait plutôt entravé et même » étoufle le grandiose essor qu'elles prenaient » versle commencement du seizième siècle. Pour » prouver cette accusation exagérée, il portait à » l'appui les grands théologiens qui avaient jeté » tant d'éclat au concile de Trente, et qui, par D leur doctrine et par leur sainteté, avaient non- » seulement édifié mais étonné les Pères de cette » sainte assemblée. Le Portugal, disait-il, depuis » que les Jésuites s'y étaient emparés de l'éduca- » tion, et surtout depuis qu'ils avaient envahi les » célèbres universités d'Evora et de Lisbonne, et » évincé partout le clergé séculier du haut ensei- » gnement théologique, n'avait plus à montrer » aucun théologien de quelque renom dans les • rangs du clorgé séculier, et moins encore dans » la prélature et même l'épiscopat. Tous les sa- » vants que le Portugal avait produits depuis , )> lors, étaient Jésuites, et par conséquent en grande » partie perdus pour l'Eglise, pour les sciences » et pour l'Etat lui-même. Enfin, il démontre la » grande décadence dans laquelle étaient tombées — 9 — » les sciences au moment où les Jésuites furent » renvoyés du Portugal (1). » On voit bien que le P. Theiner épouse les ac- cusations de Seabra. Seulement, pour ne pas en assumer tout l'odieux, il les laisse dans sa bou- che et y apporte quelques légers correctifs. C'est encore à la faveur d'un on dit, sa correction fami- lière, qu'il fait passer une accusation semblable, lancée contre les Jésuites d'Espagne : « Charles III , • dit-il, portait un vif intérêt au progrès des » sciences, et protégeait surtout les Universités » d'Âlcala, SalamanqueetValladolid,jadissicé- M lèbres et qui, rfisa/^-on, avaient, sousladirec- » tion des Jésuites, singulièrement déchu (2) de » leur splendeur première. Ces académies reçu- » rent une réforme et un nouveau plan d'étu- » des (3). H Dieu bénisse, dirait ici M. de Maistrc, la parti- cule on^ qui se prête si complaisamment à toute sorte d'insinuations méchantes et d'odieux men- songes, et semble en rester seule responsable ! Cependant le P. Theiner a quelquefois le cou- rage d'attaquer en son propre nom, en face, sans (i) Tom. I, pag. 93, 94. (2) Nous citons textuellement, et nous no prenons pas plus pour notre compte les solécismes du traducteur, M. Tabbé do Geslin, que les erreurs et les cdomnies du P. Tiiciuer. (3)Toni/ll, pag. 190. - 10- se cacher lâchemeat demère un Seabr^ ou un on dit. Cest ainsi que, revenant au Portugal et à la prétendue réforme introduite par Pombal dans Içs Universités, il reprend pour lui-même les ac- cusations du fiscal de Joseph I : « Pombal^ dit- » il, s'occupait avec intelligence de relever de, » leur décadence les sciences théologiques et pro- D faneS} dont l'étude, à cette époque, était gr^o- » dément négligée. L'Université de Coïmbre reçut D une nouvelle forme adaptée aux besoins du » temps et une extension considérable. Le roi )» avait confié cette grave afiaire au ministre et au » tribunal de censure , dont le président était le » cardinal da Cunha, lequel, dans la plus par- I) faite intelligence avec le nonce apostolique, tra- » vaillait à la grande œuvre de la régénération » scientifique et littéraire du Portugal, etc. (1). » Mais ce n'est pas seulement en Portugal et en Espagne que les Jésuites avaient été infidèle^ à feur auguste mission et avaient laissé dépérir çn-^ tre leurs mains les sciences et les lettres, Ij^ décadence se faisait alors sentir, à en croire le P. Theiner, dans toutes les maisons d'éducation^ dans toutes les Universités qu'ils dirigeaient. Ainsi, en 1769, l'archevêque électeur de Colo- gne, Maximilien Frédéric, projetait de fondei* à ^1) Tom.n. pag. 190, i9i. — M -T Munster un séminaire et une Université pour i*é^ ducation du clergé et de la jeunesse catholiques, « lie besoin de semblables institutions était im- M mense : les jeunes gens appartenant aux classes » nobles et aisées étaient alors, lorsqu'ils vou- » laient se livrer aux hautes études, obligés, soit » de fréquenter les Universités protestantes voi- » sines, soit de se rendre dans des Universités» » catholiques très-éloignées. Quant aux jeunes » gens de familles pauvres, ils étaient entièrement » privés de ce bienfait. La fréquentation des Uni* » versités protestantes, dans ce temps surtout où M l'incrédulité cl le rationalisme avaient jeté de » si profondes racines, était remplie de dangers » pour la jeunesse catholique. Les Jésuites avaient ^ k]^ vérite une sorte d'Université à Paderborn ; » ipais, ainsi que tous les établissements de ^ même nature qu'ils dirigeaient alors en A)le- X» magne, celui-ci ne répondait plus aux hautes p exigences des sciences. Cette Université) 4'ail- j» leurs, était toute théologique. L'histoire, les x> antiquités, la haute philosophie, la littérature » classique, latine et grecque, la médecine) I9 » botanique, le droit, les sciences économiques » et les autres branches de l'instruction supé-r » rieure, qui étaient cultivées par les ()rotestants » avec tant de distinction, y manquaient entière- » ment. Ce prince de l'Eglise mérite d'autant — 12 — M plus la reconnaissance des catholiques d'Aile- » magne, qu'il fut le premier qui songe&t à remé- » dier à cet urgent besoin, et à faire remonter » de nouveau les sciences catholiques au niveau » de leur antique gloire et de leur splendeur » d'autrefois (1). » Le mal était si profond, que l'archevêque dut songer à un autre établissement pour son diocèse. En effet, « le clergé séculier, quoique son édu- n cation fiât eiclusivement confiée aux Jésuites, >ï se trouvait alors dans le plus profond degré » d'ignorance. Ce pasteur vigilant voulait remé- M dier aussi à cet inconvénient, et fonder à Co- M logne un séminaire dans lequel les prêtres » devaient être élevés conformément aux obliga- » tions de leur état et se perfectionner dans la » piété et les sciences (2). » « La réforme de l'éducation du clergé occupait » alors en Allemagne tous les esprits, parce que, » prétendait-on (voici revenir la commode et » complaisante particule), celle que donnaient » les Jésuites était très-défectueuse et ne répon- » dait ni aux besoins du temps ni à ceux de la » science (3). » Marchant donc sur les traces de l'archevêque de Cologne, l'électeur de Bavière (1) Tom. I, pag. 297. (2) Tom. I, pag. 598. (3) Tom. I, pag. 423. — 13 — voulut ériger à Ëbersberg un grand séminaire dans lequel devaient être formés des prêtres, prédicateurs, professeurs, catéchistes, mission- naires et autres ministres de l'autel. U est vrai que cet électeur de Bavière, si zélé pour l'instruc- tion et la réforme du clergé, projetait dès lors, comme le dit immédiatement après le P. Thei- ner, de rompre avec Rome, d'introduire des in- novations malheureuses dans la discipline et la constitution de FËglise, et c'est pour cette œuvre sans doute qu'il trouvait insuffisante l'éducation des Jésuites. Si par besoitis du temps il faut en- tendre ce besoin de schisme qui travaillait alors l'Allemagne, nous avouons nous-mêmes qu'elle n'y répondait pas et qu'elle était très-défec- tueuse. Les Jésuites sont détruits, mais Frédéric II, de Prusse, et Catherine II, de Russie, s'opposent à la publication et à l'exécution du hvetDominus ac Redemptor. Parmi les motifs que faisaient va- loir ces souverains pour conserver dans leurs États les enfants de saint Ignace, ils mettaient en avant celui-ci : qu'ils manquaient d'ecclésiastiques suf- fisamment instruits pour l'éducation de la jeu- nesse. Rien que d'honorable pour les Jésuites, ce semble, dans le motif allégué par Frédéric et Ca- therine. Voyons comment le P. Theiner saura le retourner contre eux» « Nous devons, mallieureu- — u — » sèment, diUil, à notre grande douleur, avouer » que cette raison était fondée ; mais. . . elleétisut » en même temps pour les Jésuites, et surtout eh I» Alleniagne,ie plus amer reproche. Là, ils avaient 9 eu entre les mains l'éducation de toute la jeu - » nessé catholique, tant séculière qu'ecclésiàâti- » que. Pourquoi ti'avaient-ils pas formé deshofû- » mes qui pussent les remplacer, ou du moinâ j[)àr- » tager l'enseignement avec eux? Ce ne sont |)as » les ennemis, mais les amis sincères de la Sô- ') ciété de Jésus, qui se demandent Texplication I» du fait suivant. Lorsque les Jésuites entrèretit » en Allemagne, ils y trou vèrent de grands (héolo- » giens, qui, avec un invincible courage, faisaient » victorieusement front à toutes les attaques des » prétendus réformateurs ; comment donc est-il » arrivé , lorsque , par une disposition par- » ticulière de la Providence divine^ ils durent » quitter cette même Allemagne, qu'ils n'en aient » pas laissé un seul après eux? Depuis le seizième » siècle, c'est-à-dire depuis que les Jésuites y n ont pris possession exclusive de l'enseignement » de la jeunesse séculière et ecclésiastique, aucun » pays du monde chrétien n'est aussi pauvre que » l'Allemagne en écrivains catholiques de quelque ^ réputation, qui soient sortis des rangs du clergé » séculier. — La Compagnie de Jésus peut mon->^ B trer des savants Jésuites d'une grande re-^ — 15 — b nôiAttiée j elle a ti'availlé en Allemagne avec de » tnrànifiques succès et la bénédiction du Ciel ; K» elle a opposé, pendant près de deux siècles, » fttt torrent impétueux de la Réforme une forte >i digue, cela est vrai ; mais ce qui est y rai aussi, » c'est qu'elle n'a produit dans le clergé séculier » que peu d'hommes réellement remarquables. » On pourrait à peine en citer un seul. — Ajoutez ^ k cela cette triste circonstance, que les Jésuites, » dans les derniers temps de leur existence, » avaient dans TEmpire, plus encore que dans les » autres pays, comme la France, l'Italie, le Por- » tugal et l'Espagne, perdu une grande partie de » leur ancienne vigueur. Leurs collèges étaient » bien déchus de leur gloire d'autrefois , et n n*avaient plus guère d'hommes remarquables » parmi leurs professeurs. Lorsque Frédéric II « entra en Silésie, il avait des Jésuites la plus M haute opinion; mais il ne fut pas peu surpris, » lorsque, dans leurs Universités et dans les col- » léges dirigés par eux à Breslau, il ne trouva n parmi les professeurs de la Société que des » hommes d'une étonnante médiocrité, et de-* » manda pour cette raison au reeteur de l'Uni- » versité et au cardinal prince-évéque, de faire >i venir aussitôt, soit de France, soit d'Italie, » quelques Jésuites instruits* En Autriche on » élevait des plaintes universelles sur la décadence — 16 — » de leurs établissements. Marie-Thérèse elle- » même, qui d'ailleurs n'était nullement dé- » favorable à la Société de Jésus, se vit en 1759 » obligée de remédier à cette même décadence » des études dans l'Université de Vienne, dirigée » jusqu'alors exclusivement par les Jésuites, et » de leur enlever, par un édit du 10 septembre » de cette année, avec plusieurs chaires impor- » tantes de théologie, celles de logique, éthique, » métaphysique et histoire , pour les confier en » partie à des prêtres séculiers, en partie à des » religieux de différents Ordres. — L'Université » catholique fondée à Munster, en WestphaUe, » par l'archevêque-électeur de Cologne et Clé- » ment XIV, avait pour but, ainsi que nous l'avons » vu déjà, de remédier à la grande faiblesse des » études parmi le clergé séculier, faiblesse dont » on se plaignait encore fortement dans ces ré- » gions. Si la révolution ecclésiastique qui, en » 1760, avait déjà fait de tels ravages sur le ter- » rain de l'Église catholique en Allemagne, a pu » faire depuis de si rapides et de si effrayants pro- » grès, c'est dans cette décadence des études et )» cette ignorance du clergé séculier, sa consé- n quence naturelle, que nous devons en chercher A; la cause. Cette révolution a grandi sous les yeux » des Jésuites ; mais à cette époque ils avaient » perdu la vigueur suffisante pour la combattre, 1 plus encore celle qui eûl été nécessaire pour » l'arrêter, et à plus forte raison pour la vaincre, » Cette révolution n'avait besoin, pour lever par* li^ tout sa tête triomphante, que de h main d'uii » audacieut qui k déchaînât. Cet audacieux ^ut » le malheurèut Joseph II, qui, après la mort de n sa pieuse mère, se mit à la tête de ce mouve- é ment impie. — Ce que Ton ne peut pas assez » déplorer^ c'est que cette décadence des études » catholiques soit arrivée à une époque où Itt D science et la théologie protestantes prenaient un » si vigoureux essor, développaient une si grande » vitalité littéraire, et menaçaient, par leur pré-> 9 coce penchant vers le rationalisme, non-seule*^ I» ment le cathdicisme, mais le protestantisme n lui-même, ainsi que tout christianisme positif. r^ Ce mouvement terrible surprit à Timproviste le » clergé catholique, d'ailleurs impuissant à lui » résister. Qui pourrait donc être surpris qu'il n^ l'ait en partie entraîné daiïs son cours, et que » lesthéoli^ens catholiques de cette époque, qui » avaient dû se former par leurs propres études, » se soient laissé éblouir par la science trompeuse » et fausse àeê théologiens protestants, et se soient » même, pour ainsi dire, jetés entre leurs bras? n — Nous ne voulons pas arrêter plus longtemps » nos regards sur ce douloureux tableau de l'état » dans lequel se trouvait le clergé catholique, 2 — 18 — » surtout eu Allemagne, au moment de la sup- » pression des Jésuites. Ce spectacle lui rappelle- >/ rait trop vivement son ancienne abjection, et y> serait trop douloureux aussi pour la Société de » Jésus, d'ailleurs si respectable et si bien méri- » tante de l'Eglise. Nous ne voulons pas dire 9 pourquoi les catholiques n'ont eu presque au- » cune part à ce grandiose essor que prit, depuis » la moitié du siècle passé, notre splendide litté- » rature nationale. Cet essor, nous devons l'a- » vouer à notre honte, est tout entier l'œuvre n des protestants; et nous, catholiques, nous » n'avons à produire pas même un seul grand »> poète de cette époque. —Mais c'est assez rappe- la 1er notre humiliation passée. Remercions le Sei- » gneur de ce que le clergé séculier d'Allemagne, » depuis plus de vingt années, après avoir passé » par l'école de dures expériences , d'humilia- h tions et d'égarements, s'est enfin, grâce à Dieu, » relevé à sa hauteur première^ et peut aujour- » d'hui non-seulement se mesurer avec la science » protestante, mais encore lui disputer le pre- » mier rang. — Les Jésuites eux-mêmes se trou- » vaient, au moment de leur suppression, dans » le même état dlnfériorité scientifique que le » reste du clergé. Ceux d'entre eux qui se sont, » vers la fin du siècle passé et au commence- >i ment de celui-ci, distingués dans le domaine — 19 — )» des sciences, se sont foraiés presque tous après » la suppression de leur Institut. Il est donc à ja- » mais déplorable que les Jésuites et leurs amis » ne cessent de répéter dans leurs ouvrages, et » même de nos jours, surtout en France et en » Italie, de telles exagérations au sujet de leur » prétendue grandeur lors de la suppression. Ces D sortes d'hyperboles ne peuvent que nuire à la T» Société dans Fesprit des gens d'intelligence et » de ceux qui savent les faits (1). » On voit maintenant la tactique du P. Theiner dans son Histoire du Pontificat de Clément XIV. Il incrimine la victime pour justifier les bour- reaux, et le Pape, qu'une fatale illusion a poussé à se faire l'instrument de leurs haines et l'exé- cuteur de leurs projets impies. De toutes les accusations de ce long plaidoyer, deux seulement sont capables de faire impression sur un es- prit sérieux : l'une rétroactive , par laquelle le P. Theiner attaque la conduite des Jésuites après leur suppression, cherche à leur enlever une gloire que ne leur ont pas refusée leurs plus cruels ennemis, la gloire d'une résignation hé- roïque à la sentence du Saint-Siège, afin de jus- tifier après coup toutes les mesures violentes qui furent prises contre eux ; l'autre que nous l'a- (4) Tom. H>pag. 404-406. — 20 — Vous laissé tout à l'heure formuler et dévelop- per à loisir. Quaut à la première , peut-être y reviendroDS-nous un jour ^ et chercherons^nous à remettre au front des Jésuites cette couronne de soumission et d'obéissance qu'il a voulu leur arracher ; pour le moment ^ nous dotons nous borner à traiter k question de la décadence lit* téraire et scientifique dont il les accuse. Pas d'accusation ^ comme on l'a vu y plus constante sous sa plume; il y revient sans cesse; il s'y étend avec une évidente complaisance, nous di- rions volontiers avec une sorte d'acharnement; Quelque déduisante qu'elle puisse paraître à un certain nombre de lecteurs , nous n'avons pas voulu l'afTaiblir et nous avons cité in extenso les pages qui la contiennent.  cette accusation nous pourrions d^abord op^ poset une fin de non-recevoir. Quand même nous avouerions au P. Theiner que les Jésuites ^ au milieu du xvm*" siècle, étaient un peu déchus de leur ancienne gloire scientifique et littéraire, que pourrait-il en conclure en faveur de sft thèse? Il veut prouver, en effets que leur suppression était alors Qpportune et même nécessaire* Or> mérite-t-on d'être dépouillé, proscrit, mis à mort pour ne pas porter i^§ei^ haut i^i grand iu>in> pour ne pas soutenir avec assez d'éclat un glorieux passé? A ce compte, que serait-il resté debout au xvni* siècle? Tout, à cette fatale épo- qi}e, n'était-il pas plus ou moins déchu : royauté, no))les$e, clergé, Ordres religieux? Quoi! la royaifté devait-elle monter sur l'échafaud du 21 janvier, pour n'être plus la royauté de Char- }emagne et de saint Louis ? Fallait-il condamner la noblesse aux sanglantes proscriptions de la Terreur, parce que dans son'àme ne vibrait plus comme autrefois la voix de l'héroïsme et de l'honneur ? Fallait-il supprimer le clergé parce qu'il ne comptait plus dans ses rangs de Bos- suet et de Fénelon ; les Dominicains, parce qu'ils n'avaient plus de saint Thomas ; les Bénédictins, parce que l'âge des Mabillon et des Mont&ucon était passé; les Oratoriens eux-mêmes, parce qu'ils n'offraient plus à l'admiration du monde de Malebranche ouj de Massillon ? Que prouve* raient donc, encore une fois , les assertions du P. Theiner, fussent-elles vraies et démontrées? une seule chose : que les Jésuites eux-mêmes n'avaient pas su se soustraire à la délétère in- fluence de cette malheureuse époque, qu'ils n'a- vaient pas échappé à la décadence universelle qui gagnait alors les institutions , les sciences, les lettres et les arts. Au moins leur resterait*il cette gloire unique, la plus pure de toiles, celle — 22 — d'avoir conservé intacte leur foi catholique au milieu de cette incrédulité générale ^ de cette fièvre de schisme et d'hérésie, qui pénétrait jus- que dans le cloître, jusque dans le sanctuaire; celle d'avoir préservé de toute tache leur robe d'innocence dans la boue immonde de ce siècle, au sein de cette corruption qui empoisonnait tant de communaufés religieuses. Pourquoi donc les frapper de préférence, eux, non moins fidèles que les autres religieux à leur illustre passée et beaucoup plus orthodoxes et plus purs ? Car re- marquons bien que, pour avoir le droit de les détruire, surtout avec tant de violence et de barbarie, il ne suffisait pas qu'ils fussent des- cendus au-dessous de leur niveau d'autrefois ; il fallait encore quMls fussent démontrés coupa- bles et dangereux : coupables! qui l'a prouvé? qui le dira? Le P. Theiner lui-même osera-t-il le soutenir? Dangereux! à qui? à quelle institu- tion civile ou religieuse ? Serait-ce aux gouver- nements qu'ils protégeaient contre l'esprit de révolte ? à l'Eglise qu'ils défendaient avec tant d'abnégation et de dévouement? Ils n'étaient dangereux qu'à la révolution et à l'incrédulité, qui comprirent , en effet, qu'elles ne pouvaient envahir le monde qu'après avoir renversé cette digue. Admirons encore les singulières distractions — 23 — du P. Theiner et les inconséquences de sa logi- que. A l'en croire, les Jésuites avaient laissé dé*- périr entre leurs mains les sciences religieuses. Leurs collèges et leurs Universités n'étaient plus adaptés aux besoins du temps. Leur enseigne- ment était frappé de la plus désolante stérilité. Nulle part ils n'avaient formé de professeurs capables de les remplacer dans ces chaires qu'ils occupaient si mal. Souverains, Ëvêques , ne sa- vaient à qui confier la jeunesse qu'il fallait in- struire dans la religion et dans les lettres^ ou préparer aux fonctions du saint ministère. Dans les rangs du clergé séculier, ignorance complète. Pas un homme remarquable, pas un écrivain qui pût défendre l'Eglise à une époque où le protestantisme et l'irréligion la combattaient de toutes armes, et la provoquaient surtout avec tant d'audace et de vigueur sur le champ de ba- taille de la science. De cette peinture , si elle était vraie , un homme de sens conclurait que l'Eglise devait, en pareille circonstance, redou- bler d'énergie , grouper toutes ses forces , les réunir en faisceau contre le mal, puisqu'elle n*a- vait plus d'individualités puissantes; et, par ces efforts combinés, chercher à vaincre l'ennemi. Ces conclusions du bon sens ne seront pas celles du P. Theiner. Voici les siennes : Les Jésuites ne suffisaient pas à leur tâche : donc on devait — 24 — les détruire ! L'armée catholique , alors qu'elle comptait dans ses rangs et les Jésuites » et le clergé séculier formé par leurs soins^ et les au- tres Ordres religieux, ne pouvait tenir tète à l'en- nemi : donc, pour lui procurer la \ictoire, il fallait lui enlever ses meilleurs, ou, si Ion veut, ses moins mauvais soldats ! Privée des Jésuites, il ne lui restait plus, on le dit avec bonheur et triomphe , que des recrues impuissantes , mai instruites, mal disciplinées : n'importe, c'était d'une tactique habile de diminuer ses forces, et le général qui a fait ce chef-d'œuvre d'art mi- litaire est un Alexandre! — Il n'y a que le P. Theiner pour raisonner ainsi! V. Mais nous sommes loin d'avouer qu'au mi- lieu du xvm** siècle, les Jésuites et leur ensei- gnement fussent tombés dans cet abîme où le P. Theiner les contemple avec une feinte dou- leur qui ressemble fort à de la joie. Reprenons ses accusations, et tâchons de réduire à quel- ques propositions générales les longues décla*» mations que nous avons transcrites. Si nous ne nous trompons, on peut les ramener à ces trois chefs principaux : 1 "" Les Jésuites ont été les témoins impuis- sants, sinon les auteurs, de la décadence des — 25 — études et des sciences en Portugal et en Allé* magne. Dans ces deux pays^ ils n'ont pas su se former des successeurs ; et si eux-mêmes , pen- dant les deux siècles qui précédèrent leur sup- pression, ont compté dans leur sein des hommes remarquables , ils n*en ont pas produit dans le clergé séculier : on pourrait à peine en citer un, f" Au moment de leur suppression , les Je- suites, ainsi que le reste du clergé, étaient dans un état d'infériorité scientifique réelle, du moins en Allemagne , et avaient honteusement aban- donné à l'hérésie le sceptre de la science et des lettres. Ceux d'entre les Jésuites qui ont jeté quelque éclat dans la science vers la fin du der- nier siècle et au commencement de celui-ci , n'illustraient pas la Société au moment de sa suppression, comme le soutiennent les apolo- gistes de sa prétendue grandeur en 1773, mais ils se sont presque tous formés depuis l'aboli- tion de leur Institut. S"" Que les Jésuites fussent déchus à celte épo- que, la preuve en est dans la réforme des Uni- versités qu'entreprirent alors les princes catho- liques. Presque partout on les arracha à leur direction, ou du moins on y fonda des chaires nouvelles pour répondre aux besoins du temps, et, dans un grand nombre de chaires existantes, on remplaça le$ Jésuites par des professeurs — 26 — élraDgers à Tlnstitut qui, sans doute, n'avait su ni étendre son enseignement suivant les exi- gences du siècle , ni maintenir à leur véritable hauteur les sciences qu'il avait embrassées. Pour répondre à ces accusations , suivons les Jésuites en Portugal et en Allemagne. Disons ce qu'ils trouvèrent dans ces pays, ce qu'ils y firent, en quel état ils les laissèrent. Ensuite, esquissons le tableau de la Société de Jésus au moment de sa suppression ; dressons la liste de ses professeurs, des hommes remarquables qu'elle renfermait dans son sein. Enfin, donnons le vrai sens de cette ré- forme des Universités au xviu* siècle, dont on fait tant de bruit ; recherchons si elle eut son prin- cipe dans la nécessité de suppléer à la faiblesse et à l'infériorité des Jésuites, de combler les lacunes de leur enseignement, ou bien dans le désir de propager certaines doctrines auxquelles ils oppo- saient toute l'énergie de leur courage et de leur foi. Cette dernière question est particulièrement curieuse. Il y a là un point intéressant de l'histoire littéraire au xvin* siècle, et c'est ce qui nous a surtout engagé à entreprendre ce travail. Car, au point de vue de la polémique avec le P. Theiner, cette discussion peut paraître surabondante. Le public catholique a prononcé désormais entre les Jésuites et lui. Qu'il multiplie les éditions de r- 27 -^ son livre; qu'il le reproduise en toute langue : il ne fera pas rebrousser Topinion pour la ramener à sa thèse. Il a cru qu'il serait plus habile et plus heureux que tant d'autres dans cette attaque nou- velle contre la Société de Jésus. C'est encore un coup manqué ; qu'il s'en console et qu'il en prenne son parti. Le voilà tombé plus bas dans l'opinion que ces Jésuites , auxquels il s'imagi- nait donner le coup de grâce ! Ah ! ces Jésuites si déchus et si faibles, ils en useront bien d'au- tres ! « Ne disons pas de mal de Nicolas, disait » Voltaire en parlant de Boileau : cela porte 9 malheur. » Le P. Theiner pourrait ( mais un peu tard) appliquer ce mot aux Jésuites. Lais- sons donc là le P. Theiner et son livre ; lais- sons les morts . et revenons aux vivants ! CHAPITRE PREMIER. LES JÉSUITES £N PORTUGAL. I. Le xyi* siècle est, à tous égards, l'âge d or du Portugal. Cette période de splendeur et de ri- cbesse, de conquêtes maritimes et de triomphes littéraires, avait été préparée par les merveilleuses découvertes de la fin du siècle précédent. Don Henri avait imprimé à son pays ce mouvement fiventureux qui allait à la recherche de mondes inconnus. Sa mort (1463) ne le ralentit pas. Déjà Barthélémy Diaz a doublé le cap des Tempêtes (i486). Un peu plus tard (1 497), Yasco de Gama, malgré la révolte des flots et de son équipage, tourne FÂfrique et aborde aux Indes. La route 9st désormais tracée. Alvarès Cabrai s élance sur ses traces (1500), suivi bientôt de Jean delà Nueva (1501). Puis> c'est le tour de François d*Almeyda qui établit la domination portugaise Wt tout le Malabar « Gofin ripdeToit débarquer — 30 — !^ur ses rivages Alphonse d'Albuquerque (1 508). Goa est fondée et de?ieDl la capitale de cette Tasie domination établie à Textrémité do monde par une petite métropole que les flots dont sont bat* tues ses côtes ont invitée à jouer le rôle des an- tiques Phéniciens. Jean de Castro veut consolider l'oeuvre d'Âlbuquerque (1544). Mais déjà les Por- tugais s'étaient amollis sous le ciel voluptueux de rOrient, et lorsque Jean de Castro mourut dan& les bras de François Xavier (1 548), partout éclata la révolte. En vain Ataîde résiste à force d'héroïs- me : il emporte en mourant (1575) tant de gloire et tant de conquêtes. D'ailleurs de graves événe- ments s'étaient accomplis sur le sol de la métro- pole. Don Sébastien périt à la désastreuse bataille d'Alcazar-Quivir (1 578). Il a pour successeur don Henri, un vieillard presque octogénaire. Les débats commencent déjà pour la succession du trône, comme un siècle plus tard , sous le faible (Charles II d'Espagne, on se disputera à l'avance Thérits^e de Charles-Quint. Don Henri meurt ; Philippe II prend les devants et reste maître de sa proie (1580). Dès lors il traite le Portugal ^i pays de conquête et le dépouille à la fois de sa liberté et de ses colonies. Le joug fut si dur, l'a- vilissement si profond, qu'on ne conçoit pas que le Portugal ait pu se relever de sa chute. Il le fit cependant, grâce au patriotisme qu'entretenaient — 31 — toujours daus les cœurs de glorieux souvenii*s, et à la faiblesse des successeurs de Philippe. Sous Philippe IV, le vent de la révolte agile et ébranle la monarchie espagnole. Le contre* coup se fait sentir au Portugal qui se soulève à son tour. Une conspiration est ourdie par un intrigant hardi et une femme de génie, et en 1640 la maison de Bragance s'assied sur le trône. Longtemps encore pourtant il fallut lutter contre l'Espagne, jusqu'à ce qu'on eut assuré la cause de l'indépendance. Mais quand le Portugal fut délivré de ses maîtres et qu'il tourna ses regards versl'Inde^ il vit qu'un autre peuple avait pris sa place. Impuissant à re- couvrer sa riche conquête, il se résigna à ne com- mercer dans les parages oii il avait régné qu*avec la permission des Hollandais. D'ailleurs la fai- blesse de Jean lY, les débordements et la dé* «chéance d'Alphonse VI, auraient entravé ses ef- forts. Sous Don Pedro cependant, et surtout sous Jean V, il vit encore de beaux jours, et ce n'est qu'à partir de la dernière moitié du xvm"" siècle, qu*il a presque perdu son rang parmi les nations européennes. 11. C'est au milieu de ces événements si divers, dont nous avons cru devoir rappeler l'ensemble, que nous allons suivre les Jésuites, pour voir le — 32 — r6ie qu'ils ont jeué^ et la part qui leur rerient de cette grandeur et de cette décadence du For* tugal (1). De tous les royaumes catholiques, le Porti^ se montra le plus empressé à accueillir la Com« pagnie de Jésus. Vers 1540, Jean III, qui Tenait de voir s'ouTrir un monde devant les arqoes por* tugaises, mu en même temps par le désir de ré^ pandre la foi et le besoin d'assurer sa conquête^ Youlot envoyer aux Indes des prédicateurs de l'Evangile. Le nom de la Compagnie de Jésus, le bruit de ses premiers travaux, étaient parvenus jusqu'à lui. Il s'adressa à Ignace, et lui demandt SIX apôtres pour les Indes. La Compagnie né comptait alors que dix membres, et le saint fon- dateur ne pouvait disposer que de Rodriguez ^^ de Bobadilla. Au moment oii ils allaient partir pour le Portugal, Bobadilla tombe malade à Romc^ et François Xavier le remplace. Les deux Pères arrivent à Lisbonne, logent, malgré le roi, dans un hospice public et vivent d'aumônes. Pen*» dant ce temps, ils évangélisrat la capitale et pro- duisent tant de merveilles, que Jean ne peut se résoudre à s'en séparer entièrement : Rodriguez ^1) Nons prévenons ici qœ pour tout ce qui regarde rexis* tence et la conduite des Jésuites en Portug^^ noqs ferons pios d'un emprunt à VHistojh^e de la Compagnie de Jésus, par M. Crétioeatt-lolf . — S3 — reste à Lisbonne, et Xavier seul part pour les Indes. Déjà Rodriguez s'est fait des disciples. Le roi, qui avait été lémoin de leurs œuvres et de leurs i|uccës, songe à leur former dans ses Ëlats un établissement fixe, qui devienne la pépinière de nouveaux apôlres.Du consenlcment de la Cour de Rome, il applique les revenus de quelques béné- fices à Tenlretien d'un collège, et en 1542 le collège est fondé à Lisbonne. 11 réussit au-delà de toute espérance. La même année, on jette les fondements du collège de Goïmbre, le plus bril- lant et le plus riche qu'ait eu la Compagnie dans la Péninsule. Les progrès en furent si rapides, que, dès 1546, Ignace fit du Portugal une pro- vince de la Compagnie, à la tête de laquelle il plaça Rodriguez. Grâce à cette nouvelle et puis- sante organisation, qui était tentée pour la pre- mière fois depuis rétablissement des Jésuites, la Compagnie prit un vaste développement. Au bout de quelques années, Coïmbre comptait cent quarante Jésuites, et pouvait déjà fournir des missionnaires au monde entier, et des maîtres habiles aux autres maisons de l'Ordre, ou même devenir la mère de maisons nouvelles. C'est ^ ainsi que, sur l'avis du célèbre dominicain Louis de Grenade, le cardinal don Henri, évéque d'Evo-* ra^put former un établissement dans son diocèse. 3 .li.i;i.H.ii — 34 — Cependant les fiiTeors de h Cour, Tab qui en était la suite, l'indulgence trop paterndle de Rodriguez, détendent les liens de la discipline ta collée de CMimbre, et font craindre poor l'avenir. AnssitM Rodriguez est changé, et le ooU^ soumis à une réforme. Natal, commis* Mire dans la Ptoinsule, y applique et y essaie les Constitutions. Un noviciat est fondé à Lisbonne, ainsi qu'une maison-professe, et un collège pour les ntemes, qui compta parmi ses premiers pro- fesseurs Emmanuel Alvarez et Cyprien Suarez. Jean III mourait en 1557. Catherine, sa veuve, et le cardinal don Henri songent à donner un Jé- suite pour précepteur à don Sébastien, et Louis Gonzalvès de CameMesl mandé à la Cour. Oon* zalvès tremble et hésite, car il connaît le carac- tère impétueux du prin^, el cette fktale passion pour les armes, qui le perdra lui et sa race. Mais le gèlerai Laynez et François de Borgia croient qu'on ne peut refuser eette grâce au petit-fils du bienfaiteur de la Compagnie, et Gonzalvès devient le premier Jésuite investi de la redoutable fonc- tion de précepteur de roi. Une telle élévation ap- pelait l'orage ; cependant la Compagnie prospère et couvre le Portugal de nouveaux collèges. Pen- dant la peste de 1569, ses membres se dévouent jusqu'à l'héroïsme, meurent martyrs de leur eha- ritéet désarment les haines. Mais de tous les sou ve- — » — m^ le 1^ épUnèrt tAceikï A'un iMénftit^ et feë kilffig»08'r«prmiieiil bot cemfê. Let JtetittMEi êHrigeeleiifc GaàSutàns' d' Aritridie ^ don Henfi, éleimoit te jeyne raodàrqite :il o^en fattait fm tant pmir «iflaniiiier lea jiribiineaét ke cdke»^ Ik afavriântf |K>ertanl rim fait pomf cafitar leaftiwan royale»» GcfdtalfèearaHréaiaté à ht iortuner pm^ stetaet Meif le lerftbld reiponsabiUMr qa'A aflait aMettrir^ AiiaBÎ paa ita bisteriaii poiiiigim m a'edt fMt l'édM> de ees aecwâtiooaqui retei^nreitl daoa le monde entier. G'tst Paaquier qm^ le prii^ ttîar^. daila àoa Catéchisme de» Jésmiêêy donna cerpd à ee» ideidpatioQa, qpie r^étèrtnft enanilë ke janaénîstes et lea parfemeotairaa* Pati|uiet aecnae le§ JéaaMea d'Moii ^ontu détowner à leur piefilla eowome de Pttptegâ), eo wigeêeli ^pi^ yft«aBiirlepoifittalliMt teurOcdAleC étopaiT iwki d'afeîf agi sur don SébeaMeii fiar Ik Mpani» fitieii^ de Vwmr délotiraé dii liiif îege^ el enfin peiMaè ier la ferfe d'Àfrigae eii il monrot. Nduë ne nel» ârréieffem pas à tentée ces âbsilrdilésv dent k caraetère portugaie est une suffisante vé* bittitioD» Jamaia on ne persuadera à personcie epat cette natien> alors aï fière^ ait eônftenti à Se laiiaer go^verder par les Jésuites^ Tens le» tmdbeiN» de Sébadiea^ de sa faouUfe et de son royaume^ s'ea* plîqueot par sen eaaaetàre indompiaUe el ia^ roMbe, eôntle teqndl vmaient ae briser tons tes — 36 — efforts de (jonzalvès. Le précepteur en gémit dans toutes ses lettres, comme dans toutes aussi il parle de ses démarches pour faire allier le jeune monarque à une des familles royales de TEurope. Mais THippolyte portugais refusait toujours, et lorsqu'enfîn il allait entrer dans la famille de Philippe H, il mourut sur la terre d'Afrique. L'Espagne s'est rendue maîtresse du Portugal. Sous la domination espagnole, les Jésuites gar- dèrent toute leur influence, et virent se multi- plier leurs collèges et leurs richesses. Cependant la race autrichienne dégénérée, qui bientôt fai- blira sous le fardeau de la monarchie diminuée de Charles-Quint, ne pouvait porter deux cou- ronnes. Encouragé secrètement par la France, le Portugal aspire à la liberté. Partout on complote. Louise de Gusman est Tàme d'une conspiration dont Pinto est le bras. Le duc de Bragance seul reste étranger et indifférent à une entreprise dont il doit pourtant recueillir le profit. Les princes de sa famille, Louise surtout, connaissant Tinfluence des Jésuites, cherchaient à se les rendre favora- bles. Portugais et honorés de la confiance et des faveurs du roi d'Espagne, partagés entre leur pa- triotisme et leur reconnaissance, les Jésuites de- meurèrent neutres et attendirent. Quelques-uns des plus ardents se laissèrent seuls emporter par Tamour de l'indépendance. La révolution éclate. — 37 — Le Provincial défend à ses subordonnés d*y pren- dre part, et, à Texception de cinq ou six, tous obéissent. La maison de Bragance triomphe. A peine est-elle assise sur le trône, qu'elle accorde aux Jésuites toute sa confiance : ils deviennent ses ambassadeurs, ses prédicateurs, ses directeurs de conscience. Les Jésuites avaient accepté, suivant leur politi- que ordinaire, le fait accompli. Jean IV s'était fait leur protecteur; et, en retour, soit en Portugal, soit dans les pays d*Outre-Mer, ils avaient affermi son empire. Non content de les combler de ses bienfaits et de leur donner la direction de toute sa famille , il fait entrer Fernandez , son confes- seur, au conseil privé. A la mort de Jean IV, en 1656, la tutelle d'Alphonse VI est confiée à sa mère; et Fernandez garde son poste. Louise veut même le faire Grand-Inquisiteur, seconde dignité du royaume, mais incompatible avec les vœux de profès : Fernandez refuse. Cependant Alphonse est devenu majeur. Un des premiers actes de ce monarque, si précocement dépravé, est d'éloigner sa mère. Il reste alors li- vré à son mauvais génie, le comte de Castel- Melhor, qui, après l'avoir abruti, lui fait épou- ser, en 1663, Marie-Isabelle de Savoie-Nemours, celle qu'on appelait Mlle d'Aumale. Dans cette cour dépravée, entre son ignoble époux et l'ioft» — 3« ^ fAme ilastel-^lielhor^ Marie n'a tqœ à&nimanB : un yieux prote^iaot , fe manichal de ScbxMnj^ei^ éL 1q Pèr6 FrdoçoU de YiKe« Jie guide desa jeumsse. Ott 6«t la ftutte de ce drame^ AlphoDfie ^ ooor dmiieié à^ne abdication forcée, ût son bèmdùa Pedm« de^eoii régent du royaume, épouse Marie de Savoie. A ce drame on a voulu donner jpour a«t^ iimpmk K de Yilk* Peut-^èbre Vestril Ifisté ^tr^^aer un p^u trop loin tpsat aon affeo^ ti#ii i^tl^^ifielle pour la jeune reine ; nuus^ à jpoup SMT, ée n'est pas lui qni joue le rôle primâpa] : lii acteui^ réels furent la politique et J'ionour^ r^mbitign ^ h dipknwlile, 3ei Cortès et ie pm^ fk^ Quoi 4iu'il m mi9 téUi9 j^volntion dafalaii» «'«ipena fds la ^à^adence^to iPoriaigal^jpji i^ ^ufity M eonii^aiBe, àmmt h téfs/mte A^ém F«#o. S^ms Ji«w V^mn M(ii^eamir,iapni6péfité l4iiJI^9iie ^'a«i»nit mfmi^ ïïsmau^ iUmwesimr l»mnç¥itwre dç Pwb/^ {i\ ie ica? dmal Pacoa raconte qu'en 1795, 1^ P'^rfaigaês ^artewit '^i^ (19»^ 4iree i^dD^bousiawie d^ 4^ pwœ. iç.leim V^ 9 'lifo^te ^aeca, esiMlÂtli^haime M ac^ inaiâDwa i) |l'4dîfîci^ iauasi^uëles ^q^e foagnîfiqiies^ S^U i> ffKQtectenr des ^câeni^s *€i dea «rts, leJbieiifaîr- » If^r 4es églises, M médtaie tàre ^muxiie » tm-^ fidèle ^ joi lut domé par îiuMiamw (1) (JSSuvres eomptétes du cardindt Pacm^ tom. «i, pag. lelsttiv. — 39 — » tel Benoit XIV. Sous son règne le Porlugtl » fut si florissant et si richei qu'on pouvait appli-^ )> quer à ce prince les paroles de TEcriture au » sujet de Salomon : «( Que de son temps l'argent » devint commun comme les pierres. » m. Ces deux princes cependant , don Pedro et Jean V, si ambitieux de la gloire et de la prospé^ rite de leur pays , si éclairés sur ses véritabkê intérêts, si instruits des causes de son passé ma- gnifique et de son affaiblissement postérieur^ n désireux de lui préparer un brillant avenir, en^ vironnèrent les Jésuites des mêmes bienfaits que leurs prédécesseurs , et leur rendirent toute leur influence. Don Pedro alla jusqu'à nommer son confesseur Emmanuel Femandez député aux Cor* tes, dont toutefois le général des Jésuites, Oliva^ lui interdit l'entrée. Gomment ces princes ne vi* rent-ils pas ce que les ennemis des Jésuites ont si bien vu depuis : que cette haute influence aocor» dée aux enfants de Loyola avait amené, allait consommer la décadence du Portugal ? D'abord, c'est qu'ils étaient beaucoup moins frappés que les philosophes modernes de cette décadence que l'on a si singulièrement exagérée, puisque, comme nous venons de le voir, le Portugal, sous le règne de ces deux princes, vit encore de si — 40 — beaux jours; ensuite et surtout, cest qu'ils re- connurent, ce que reconnaîtront avec eux tous les hommes qui voudront étudier sans passion l'Iiis- toire de ce pays, à savoir que tes Jésuites n'ont en rien contribué, ni df^ près ni de loin, à son affai- blissement successif, qu'ils 1 ont retardé, au con- traire — sans pouvoir entièrement l'arrêter — par leur apostolat et leur enseignement. On a exagéré leur action politique, on a voulu voir leur main dans tous les actes du gouvernement, tandis qu'en réalité ils ne se sont mêlés aux événements que dans leurs rapports avec la religion. Pour qui fouille attentivement l'histoire, les causes de Taf*- faissement du Portugal ne sont pas difticiles à découvrir. La première en date est la corruption qui s'introduisit en Portugal avec les richesses des Indes. Les descendants d'Alphonse d'Âlbu*- querque, amollis sous le ciel d'Orient ou plongés dans les délices de l'orgueil et de la volupté sur le sol de la métropole, ne songèrent plus qu'à jouir ; et loin d'étendre ou de protéger leurs conquê- tes, ils préparèrent une proie pour l'étranger. Par leur prédication, par leur direction, par leur exemple, les Jésuites luttèrent contre cette cor- ruption. Vains efforts! le Portugal était ivre. Viennent alors la minorité de Sébastien et ses fo- lies aventureuses, puis le règne éphémère et dé- crépit d'un cardinal octogénaire^ enfin la con- — 41 — quête espagnole. Certes ce ne sont pas lee Jésuites qui ont poussé Sébastien sur le fatal champ de bataille d*Alcazar-Quivir, qui ont donné au car- dinal Henri ses quatre-vingts ans et sa faiblesse y qui ont ouvert le Portugal à l'étranger. La con- quête et Toccupation du Portugal par TEspagne pendant soixante ans, voilà la vraie cause deTaf- faissement de ce pays. Avec sa nationalité il perd son énergie première, son principe vital. D'ailleurs, pendant cette longue période d'escla- vage, l'Espagne l'écrase et l'épuisé. Pour l'affai- blir et le dominer avec plus de facilité, elle laisse les Anglais et les Hollandais lui enlever ses colo- nies. Elle tend à l'effacer peu à peu de la liste des peuples, et à le faire oublier, comme individualité nationale, du reste de l'Europe : dans les traités qu'elle conclut avec les autres puissances, pas une clause en faveur du Portugal, pas une mention même de ce malheureux pays. Que pouvaient faire les Portugais? Efféminés déjà, nous l'avons vu, par la corruption, dépouillés de leur patrie et ne voulant pas résister au profil de leurs con- quérants, ils se laissèrent dépouiller de leurs con- quêtes ou luttèrent avec moll( s^e. Et pourtant ce peuple corrompu, abâtardi par soixante ans d'es- clavage, avait conservé un tempérament encore si robuste, bien que les Jésuites eussent régné un siècle sur lui, qu'en 1640 il put secouer le — 42 — joug et sQutenir une lutte de trente ans contre l'Espagne, Mais l'Angleterre et la Hollande avaient achevé leur œuvre de larron; et tout occupé à s^ défense intérieure, le Portugal ne put recouvre? que la moindre partie de ses possessions d'Outre- Mer; comme aussi, au milieu des agitations et des anxiétés d'une guerre nationale^ il ne put songer à relever les institutions, les sciences et les let*- tres, travail qui demande la paix et la sécurité de l'indépendance. Dans de telles conjonctures, que devaient, que pouvaient faire les Jésuites? Répa- rer le mal à l'intérieur par Tapostolat, par l'éduca- tion et par le conseil ; étendre au-delà des mers, par le moyen des missions, l'influence du Portu- gal : et c'est ce qu'ils ont fait. Mais rétablir les choses sur l'ancien pied, rendre au Portugal sa prospérité intérieure et sa domination transatlau^ . tique, ramener, en un mot, l'âge d'Emmanuel-le» Fortuné et de Jean III, c'était œuvre impossible, le Portugal eût-il eu à sa tète un roi de génie, et dans son sein tous les grands hommes qui l'a- vaient illustré jadis dans la guerre, dans la science et dans les lettres. Le bonheur du Portugal avait été de prendre les devants dans le grand mouve*> ment de l'Europe moderne , alors que les autres nations, occupées ailleurs, et n'ayant pas encore l'extension qu'elles prirent depuis, ne pouvaient songer à lui disputer l'empire des mers. Au miUeu -- 43 — dm Jettes 0t àù9 agitations religieuses du xvj^ siè^ cla^ en dehors desquelles il se trouva placé, il pul, saos être inquiété par des voisins jaloux, eonserr Yfft et développer sa grandeur et sa gloire. Mais lorsque le calme se fit en £ur(^, que les grandes nations se furent assises , le Portugal devait dé-^ dioir, parce qu'il ne trouvait pas dans son petit territoire des ressources suffisantes pour lutter çonlre d'avides et injustes agressions, La pro- digieuse prospérité du Portugal au xvi* siècle était un véritable phénomène, et, par conséquent» (pielque chose d'essentiellement éphémère. Cod<^ çoitnon au milieu du xvo^ siècle, entre l'Espagne, l'Angleterre, la Hollande et la France, avec le grand développement politique, maritime et lit- téraire de quelques-uns de ces pays, le Portugal d'Emmanuel et de Jean IIJ, d'Âlbuquerque, de Jean de Castro et d^ Gamoens ? Cessons donc de demander aux Jésuites une Qsuf re chimérique» Ne les accusons pas d'un af- fietihlissement nécessaire et qu'ils n'ont pas amené ; louon8«*le6, au contraire, d'avoir empêché une complète décadence et d'avoir contribué à la prospérité relative dont jouit le Portugal sous Pedro et sous Jean V. Or, rappelons-nous que Jean Y prolongea sa vie et son règne jusqu'en 1750, c'est-à-dire jusqu'à la veille de l'expul- sion des Jésuites. Nous ne savons donc trop ni — 44 — oo ni quand placer cette action délétère qo'Hs auraient exercée sur les destinées du PdrtogaL Sans doute, dans les dernières annéi*s de Jean V^ la prospérité publique reçut de graTes atteintes; mais, afec le cardinal Pacca (I), cherchoos-en la cause dans les maladies continuelles qui a&i- blirect le corps et Fesprit de ce prince, et noo dans la funeste influence des Jésuites. Le règne de Joseph K, ou plutôt de Pombal, ce grand ennemi des Jésuites, est la TéritaUe q>oque de la décadence complète du Portugal. Joseph, prince faible et soupçonneux, timide et immoral, le Louis XV de la Péninsule, semblait destiné, comme son contemporain de France, à devenir le jouet des intrigants corrompus. Pom- bal comprit ce caractère et résolut de Texploiter. Jean Y, qui le connaissait, Tavait écarté du pou- voir après la triste mission qu'en 1743 il avait remplie à Vienne. Mais à peine Joseph I*' est-il monté sur le trône, que Pombal se glisse, par sa femme, dans la faveur de la reine, par son hypo- crisie, dans Tamitié des Jésuites, et, gràceàcetfe double protection, il parvient au ministère. Dès lors il songe à réaliser «on projet de renouveler l'œuvre de Henri Vlll, de détacher de Rome le Portugal pour y faire régner le jansénisme et la (1) Mmaires sur la Nonciature du Portugal^ loc cît — 45 — philosophie. Mais à ce projet les Jésuites sont un obstacle. A tout prix il faut les perdre. Pombal entoure le monarque de terreurs et fait retentir sans cessé à ses oreilles le bruit de conspirations imaginaires auxquelles il mêle toujours les Jé- suites. Nourri par son ministre de toutes les ca- lomnies contre Tlnstitut, Joseph lui laisse toute liberté d'assouvir ses haines et ses vengeances. Après avoir persécuté les Jésuites au Maragnon et au Paraguay, et détruit leur œuvre mer- veilleuse, Pombal transporte la guerre en Eu- rope. Il veut d*abord obtenir la réforme de rinstitut, en attendant sa destruction complète. Mais sa passion Tobsède et le presse d'en finir. Arrive alors lattentat de 1758. On connaît le reste ; on connaît cette double tragédie, dont le dénouement est l'échafaud des Tavora et la bar- bare proscription des enfants de saint Ignace. Voilà l'homme dont les calomnies contre les Jésuites de Portugal ont défrayé depuis tant d'o- dieuses productions; voilà l'homme qui accusa les Jésuites d*une décadence dont il est le princi- pal auteur. C'est lui qui dissipa les richesses que Jean V avait amassées, et qui, malgré tous ces tré- sors dont il disposa, malgré l'or de ses nombreuses confiscations, ne paya pas ou paya mal les charges publiques, et laissa l'État obéré ; c'est lui qui fit périr en prison, dans l'exil ou sur l'échafaud^ et ~ 46 — let noUet qoi portaient ombrage à son OigOÊik jaloux^ et tant d'hommes qui auraient pu jèMf de Tédat sur leur patrie ; c'est lui surtout qui oo^ Trit le Portugal à l'incrédulité, ce di^s^ni^ » actif des nations, et fit une sanglante ironie èa titre de très-fidèle^ dont son souverain était t9i^ vêhi« C'était briser avec le glorieux pasiè do Portugal, rompre la chaîne de ses tradition^ rck* ligieuses, changer son tempérament jusqu'itorft si catholique. Les grands monarques qui l'ataieiit autrefois gouTerné, avaient mis leur gloire dam leur défouemeht à l'Église et au Saint-^ége; et au dire du cardinal Pacca, qui traduit la passâe d*un historien portugais, la grande prospérité dH leur règne fut une récompense temporale de'Ieof^ zèle pour la propagation de la foi, qu'ils étenftî^ rent en Afrique et dans les Indes avec pHfi^ d'ar^ deur que leur propre domination. « Que lesé^rl^ » vains irréUgieut, ajoute Pacca(f),cesseiil donc >^ de nous répéter que rabaissement et la déM^ » dence du Portugal sont dus aux principes catlio-* jf liqueset à l'influence de la Cour de Ronie(noM ri ajouterons : et des Jésuites).» C'est le cotitrair^ qui est vrai : c'est l'incrédulité qui a tué lePorttt- gai. C'est à partir de Pombal que ce triste pays it'a plus de rang parmi les nations, plus de vie propm^ (1) LfMlo dt. V ^ 47 — qu'il n*est, suivant l'énergique expression de M. Oétineau-Joly, qu'une sorte de factorerie oti rAngleterre jette le rebut de ses constitutions et de ses manufactures. IV. Si nous étudions llûstoire de la décadence du Portugal au point de vue scientifique et littéraire^ qui doit ici nous occuper spécialement, nous ar- riverons aux mêmes conclusions. A la mort d'Emmanuel-le-Fortuné (1524), écrivain distingué lui-même , commence, avec Jean 111, la période brillante de la littérature por- tugaise. Trois bommes l'ouvrent avec éclat : Sa de Mtranda, Antoine Ferreira et Gil Vicente. Les deux premiers, législateurs du Parnasse portu- gais, joignent Texemple au précepte. Tout en restant originaut, tout en portant la langue na^ tionale à son plus haut degré de perfection, ils introduisent le goût de l'Italie et de l'antiquité. Le monde pastoral est leur vraie patrie, dans la- quelle pourtant ils donnent droit de cité au son- net, à Tode et à Tépître, en souvenir de Pétrar- que et d'Horace. Ces deux hommes s'attachèrent à la correction classique des idées et du langage ; ils devinrent l'oracle de la critique, le modèle des poètes, et formèrent une école qui eut de nombreux sectateurs. — 48 ^ Gil Yicente, acteur et auteur comme Molière; Gil Vicente, que ses compatriotes ont nommé le Piaule portugais, est le père de la poésie dra- matique en Europe, si Ton excepte Tltalie. 11 devient le chef d'une nombreuse école et le mo- dèle que Lopez de Vega et Calderon, auxquels il est antérieur de près d*un siècle, suivront en le perfectionnant. Pendant que dans ses comédies, ses tragi-comédies, ses Autos sacrés et profanes, composés selon 1^ goût de son temps et de son pays, il s'abandonne à tous les caprices de son imagination, Miranda et Ferreira fondent fécole dramatique classique par l'imitation des anciens. Ferreira compose son Inez, la seconde tragédie régulière de l'Europe (la Sophonisbe de Trissin est la première). Ces poètes et leurs disciples sont certaine- ment très-remarquables; mais rien pourtant chez eux qui remue fortement le cœur et l'imagina- tion. Le Portugal, disons-le hardiment, ne pro- duisit au XVI'' siècle qu'un seul homme de gé- nie, Camoens, l'Homère de son pays. Aussi ne connatt-on guère que lui en Europe; le reste est pour les érudits. Outre sa force supérieure, son mérite et sa gloire c'est de s'être identifié avec ce qui faisait la grandeur de son pays, dont il est la poétique personnification. Par sa vie comme par son poème, il en embrasse toute la brillante — 49 — histoire : né sous le règne d'Emmanuel4e-For« tuné, il meurt en 1579, le lendemain, en quel« que sorte, de la désastreuse bataille d'Alcazar • Quivir. Voilà un grand nom et une grande ceuvre, car les Lusiades sont en date la première épopée de l'Europe , la première peut-être en mérite, s'il fallait en croire un juge compétent, Frédéric de Schlegel. Pendant cette période, l'histoire prend le ton de l'épopée. Ces mers inconnues que sillonnaient les vaisseaux portugais, ces mondes immenses qui s'ouvraient à une noble ambition , ces in- nombrables armées dont triomphaient quelques hommes, ces richesses fabuleuses qui affluaient à tous les ports de la Péninsule, tout cela trans- portait les imaginations à ces époques primitives immortalisées par la poésie d'Homère, où l'Oc- cident se précipitait sur l'Orient, où le petit peu- ple grec renversait les colosses de l'Asie. D'ail- leurs, la plupart des historiens de ce temps ou avaient visité ces régions nouvelles, ou avaient entendu les récits merveilleux des voyageurs. Ainsi Jean de Barros, le Tite-Live portugais, avait été gouverneur des établissements des Indes avant d'en raconter la découverte avec élégance et grande pureté de langage. De là , l'enthou- siasme qui imprègne sa narration, enthousiasme qui passa peut-être dans l'âme de Camoens, et 4 — M bâ imfiiê^ ks Lmm ê det ; car ks AmRfef pini<^ rMt sn an avaitf le départ du grand poète pour Gm. Diego de G>uto, THérodote du INirtiigalt q« eontiDua Barros, arait lui-même visité les Indes et TAfrique. Fernand d'Albuquerque com» posa pait-éire ses Cammentaires sor les guerres de l'Inde arec les maléhanx recneillis par sott illustre père. Parmi ks hommes célèbres de oe temps, n'ou- bboDS pas Jérôme Osorio, que la facilité et Vè* loqueDee de son langage, Télégance de sa lati- nité ont fait surnommer le Cicéron du Portugal; André de Bes^sde, le plus grand antiquaire du x?i* sîède^ etc. Puis, que de notions de Toya- ges^ que de romans, que d'écrits de morale, que d'ouTn^es en tout gmire fit naître cette iéconde époque I Voilà certainement un beau ^ècle littéraire. Répétons pourtant qu'il ne compte qu'un sad homme de génie. C'est asez dire qu'on a exa- géré l'éclat que jetèrent alors les lettres, comme on a beaucoup exagâré, nous Talions voir biei^ tôt, feur décadence postérieure. Un mot seule^ ment des sciences religieuses, qui auraient alors été si profondes et si brillantes. On parle de grands Uiéolc^iens, qui auraient étonné par leur savoir les Pères du concile de Trente. Le car- dinal Pacca iui-mtoie rappelle cette gloire du — 51 — Portugal (1). 11 est pourtant vrai qii# ^fi homaies éminents se réduisaient à peu prte i don Diego Payva de Ândrade, bon théologien, auteur de traités contre les hérétiques et pour la défense du concile de Trente, mais depuis long- temps oublié; à Frère François Foreiro^ Domi- nicain j que saint Charles Borromée garda à Rome pour travailler au Catéchisme romain^ qu*on appelle aussi Catéchisme du concile da Trente; au Père Jérôme Oleastro, autre Domi- nicain, savant dans les langues anciennes rt auteur de commentaires sur rËcriturei ^t à don Barthélémy des Martyrs^ archevêque de Braga, plus renommé encore par sa piété que par sa science. Quant à Henri de Saint-Jérôme^ à Louis de Soto Maior, nous en apprenons pro«- bablement les noms à quelques-uns de nos lec» teurs les plus érudits. La conquête espagnole , nous l'avons asseii dit. fut, à tous égards, fatale au Portugal. Ce- pendant, si elle n^amena pas, comme nous l'a- vons vu, une décadence politique et militairt aussi complète qu'on l'a prétendu, il est plut vrai de dire que les sciences et les lettres fleu** rirent encore depuis sur ce sol qu'elles avaient illustré, et qu'elles comptèrent, jusqu'au miUeu (i) Mimoirei, etc., pag. 35i. — 52 — du iTîii* siècle^ un grand nombre d'hommes re- ttiarqnables. Un genre pourtant disparut à peu près entière- ment de la littérature portugaise : le genre dra- matique. Après la conquête, en dehors de la Cour, on cessa d'abord de se livrer aux jeuT du théâtre ; et lorsqu'au bout de quelques années de calme on voulut 7 revenir, les maîtres étendi- rent leur domination jusque sur la scène, et substituèrent aux Portugais non-seulement leurs auteurs nationaux Lope et Calderon, mais en- eore des acteurs espagnols. Yoilà pourquoi, jus- qu'au xu^ siècle, on oublia la littérature dra- matique portugaise. De plus, la violence, la po- litique^ le désir de plaire firent souvent adopter la langue des vainqueurs, au grand détriment de la langue et de la littérature nationales. D'un autre côté, les Portugais ne voulurent guère connaître que deux genres de poésie : l'é- pùpée et la pastorale ; et encore transportèrent- ils presque toujours la pastorale dans l'épopée, et jusque dans le drame. On conçoit cette prédi- lection pour le genre pastoral sous le beau ciel de la Lusitanie, et en présence de ces magnifi- cences de la nature orientale qui avaient ébloui leurs regards : mais on comprend en même temps que ce genre pastoral, presque toujours faux en lui-même, devenait plus faux encore transporté - 53 - dans l'épopée et dans le drame, et que ce mé- lange confus de genres disparates devait nuira à l'avenir de la littérature. Cependant, répétons-le, pendant les 1 50 ans qui suivirent la conquête, les lettres portugaises ne furent pas sans éclat. L'impulsion donnée par Camoêns produisit encore un grand nombre de poètes épiques : Gorta-Réal , auteur de diverses épopées; Louis Pereira Brandon, qui, dans £/e- giaday déplora la malheureuse bataille d'Âlcazar- Quivir; Manzinho Quebedo, auteur d! Alphonse r Africain; Pereira de Castro, qui, dans VVlys^ sea, poème empreint de couleur antique, chanta la fondation de Lisbonne; Francisco Sa de « Menezès, qui, dans sa Conquête de Malacca^ prit le grand Albuquerque pour son héros; Bras Mascàrenhas, le chantre de Finale; tous ces poètes restèrent très-nationaux au sein d'un pays asservi. Dans la poésie pastorale se distinguèrent spé- cialement Manuel de Yeiga et Rodriguez Lobo, le Théocrite portugais. — Nous pourrions enfler in- définiment cette nomenclature, si nous voulions y faire entrer tous les poètes qui chantèrent pen- dant le xvif siècle. L'analogie du portugais avec la langue latine produisit un grand nombrede poètes latins, comme on peut s'en convaincre par la collection intitu- — 54 — 1^ \ Corpus illustrium Lusitanorum qui latine ^mpÈerunt (8 vol. in-4''). Le plus célèbre est Payva de Andrade, mort en 1 660, auteur d une épopée latine très^remarquable, Cliaidéidos, ou àège dé Ghaul, dont ]a scène se passe aux Indes OfientaleS; comme dans les Lusiades. Pendant ce siècle, l'histoire fut cultivée par Brito, auteur de Mmiarehia Lusitana; Frey Duairte NiÈnezde Liaô; Jacinthe Freyre de Ândrada, bio«* gt^phe de Jean de Castro, un des plus grands éerivains du Portugal ; Louis de Souza , que sa dironique de saint Dominique et sa Vie de Rlrthélemy des Martyrs ont aussi fait mettre au ik)mbre des classiques; Faria de Souza, histo-^- rtèn du Portugal, commentateur de Camoêns, poète lui-même, fécond et laborieux polygraphe^ ifiÛ se vantait d'avoir écrit chaque jour de sa Tié iMite feuilles de papier, chaque page de trente lignes, jusqu'à ce que la mort, en 1649, mit un telhone à cette diligence. Mais^ de tous les polygraphes de cette époque, ié phis célèbre est François Macedo^ élève des Jéisncntes de Coïmbre, d'abord Jésuite lui-^mème, et ensuite Cordelier. Macedo est l'homme éton- nant de son siècle. Passant à Venise, il soutint ttVèe honneur une dispute de omni re scibili^ et termina la dernière séance en improvisant mille Ter* tatins, deux mille selon quelques autesrs. — 55 — Son humeur bouillante, impétueuse et fière fit explosion dans huit autres journées qu'il donna ensuite, et qu'il intitula : les Rugissements Ui- téraires du lion de Saint^Marc. U dit lui-même, à la fin de son Myrothedum morale^ qu'il avait prononcé en pubUc 53 panégyriques, 60 discotin latins, 32 oraisons funèbres, et qu'il avait fait 123 élégies, 115 épitaphes, 212épitres dédica- toires, 700 lettres famiUères, 2,600 poèmes épi* ques, 110 odes, 3,000 épigrammes, 4 comédies latines, 2 tragédies, une satire en espagnol, et en tout 150,000 vers, sans parler d'un grand nombre de consultations sur la théologie, sur le droit et sur d'autres matières. 11 n'y a pas d'exemple d'une telle science et d^une telle fé- , eondité. Dans les sciences ecclésiastiques, on distingue le fameux Antoine Yieira ou» Yieyra, dont nous parlerions bien plus à notre aise s'il n'était pas Jésuite. Les Portugais, dans l'enthousiasme exa- géré qui leur est naturel, ont placé Yieira au- dessus de Démosthènes, de Gicéron, de Bossuet et de tous les orateurs anciens et modernes. Parti du Brésil, où il fit ses premières études et passa les années de sa jeunesse, il vint en Eu- rope, où son talent pour la chaire et pour la di- plomatie lui attira les faveurs et la confiance de Jean lY et de Gément X. Mais toujours il s'àr- — 56 — rachait à cette gloire pour retourner évangéliser le Brésil, où il mourut en 1697. Ses œuvres ont été réunies en quinze volumes in-4'', dont treize contiennent des sermons, et les autres divers opuscules. Quelque jugement qu'on porte sur le goût de Yieira, on ne peut nier qu'il ne soit un des premiers écrivains, le premier peut-être, de sa nation. — N'oublions pas ici Augustin Barbosa, si savant dans le droit civil et cano- nique. Né en 1590, il mourut en 1649, l'année même où Philippe lY, pour récompenser ses services et honorer sa science, Tavait nommé évêque d^Ugento, dans le royaume de Naples. Ses œuvres complètes forment seize volumes in- folio; on y dislingue le grand ouvrage qui a pour titre : llemissiones in loca varia Concilii Tridentini. 11 n'est pas d'écrivain portugais en matière grave dont le nom soit reste plus célèbre. Le xviu« siècle lui-même ne fut pas stérile pour le Portugal, bien que la décadence fût plus sensible^ malgré, dit Pacca, les bonnes études qui se faisaient encore chez les Jésuites (1). L'é- crivain le plus considérable de ce siècle est Eryceyra, le correspondant de Boileau, l'auteur de l'épopée intitulée Henriqueidaj et de l'ITis- toire de la Restauration du Portugal, C'était un (i) Mémoires sur la Nonciature de Portugal, pag. 388. — 57 — homme fort distingué^ quoique les conseils de Boileau n'aient pas pu lui donner le génie. — Vers la même époque, Barbosa-Machado com- posa ses Mémoires sur le roi Sébastietty par ordre de TAcadémie royale historique de Por- tugal, et publia (1741-52) sa grande BibUothè-^ que portugaise (Bibliotheca Lusitana)^ 4 volumes in-folio, où il cite plusieurs illustres écrivains des derniers temps de la monarchie. Enfin, au temps même de la suppression des Jésuites, le Portugal n'était pas dépourvu d'hom- mes capables, et l'on peut citer parmi leurs ad* versaires un de leurs anciens élèves, le célèbre théologien Antoine Percera de Figheredo, qui malheureusement mit son beau talent et son ri- che savoir au service de Pombal et du jansé<* nisme. Mais ce qu'on doit dire sans crainte d'être démenti, c'est que, à partir de la destruction des Jésuites, les sciences et les lettres allèrent toujours en déclinant, jusqu'à ce qu'elles quit- tassent entièrement la terre malheureuse du Portugal, a A Lisbonne, dit le cardinal Pacca(l), il ne parut plus un seul ouvrage digne des hon- neurs de l'annonce, et encore moins de la tra- duction. » Nous sommes heureux de pouvoir citer ici l'autorité du P. Theiner. Rendant compte, '1 ) Loco cit. , — 58 — en 1836; dans les Annales deâ sciences religieux ses de l'abbé de Luca, des Mémoires du savant et pieux cardinal, il arrive à la réforme de TU- niversité de Coïmbre opérée par Pombal, et alors il s'exprime ainsi : a Les professeurs de l'Université de Coïmbre ont donné le dernier coup à la vraie science en Portugal... Le gou- vernement de Pombal et ses conséquences en Portugal sont la plus victorieuse apologie de la Compagnie de Jésus. Sous l'empire tyrannique de ce ministre, les sciences tombèrent dans un état de barbarie dont elles ne sont pas encore relevées (1). » Pour achever ce tal^leau des sciences et des lettres en Portugal et de l'influence de la Com-^ pagnie de Jésus, il nous faudrait parler ici de la réforme de l'Université de Coïmbre, à la* quelle nous venons de faire allusion, et dire quels hommes comptaient alors dans leurs rangs les Jésuites de la Péninsule. Mais comme nous devons traiter bientôt d'une manière générale de la réforme des universités au milieu du xvm*" siè-^ cle, et de l'état scientifique et littéraire de la Com- pagnie au moment de sa suppression, nous ren- voyons, pour plus d'unité et pour éviter les (1) Jnnales des Sciences religieuses (1836), lora. ii, pag. i77, 180. — 59 — redites, les détails sur ce double sujet, qui autre* ment auraient dû trouver ici leur place. Ce cha- pitre et le suivant : Les Jésuites en Allemagne y n'auront donc leur complément que dans les deux derniers chapitres de cette brochure. CHAPITRE SECOND- LES JÉSUITES EN ALLEMAGNE. I. Lorsque Luther parut^ le clergé d'Allemagne offrait l'exemple de tous les débordements : plus de foi, plus de mœurs. Rien d'épouvan- table comme le tableau que les auteurs con- temporains nous retracent de l'état du clergé allemand, au moins du clergé séculier, à cette époque ; et, lorsqu'on a jeté les yeux sur ce triste spectacle, on comprend aussitôt les progrès de l'hérésie. Aussi, à la mort de Luther, toute l'Al- lemagne s'était éprise de ses doctrines. La pa- role séduisante de Mélanchthon, les prédications ardentes de Bucer, de Carlostadt, de Bullinger, avaient achevé l'œuvre de destruction ; et prin- ces et royaumes s'étaient détachés de l'unité catholique. Déjà les sectes se multipliaient sur cette terre infortunée ; les anabaptistes, surtout, se disposaient à l'abîmer dans des flots d'erreur et de sang. Au dire de Ranke , historien protes- -es- tant, qui s'appuie sur des statistiques fournies par des diplomates de Tépoque, on ne comptait déjà plus un dixième de catholiques dans les États de la maison d'Autriche, qui sont aujour- d'hui presque entièrement catholiques romains. C'est que l'hérésie ne rencontrait pas de digue qui pût arrêter sa marche envahissante : tout, au contraire, corruption et ignorance du clergé, ambition et convoitise des grands, fanatisme et apostasie des peuples, contribuait à grossir et à étendre son cours.  dix théologiens protes- tants de renommée, à peine trouvait-on à op- poser un seul théologien catholique. Quels étaient, en effet, à cette époque les dé- fenseurs de l'orthodoxie? Au moment où les Jésuites entrèrent en Allemagne, en 1540, celui des adversaires de Luther qui a laissé le nom 1^ plus connu, était Jean Eckius ou Ëck, profes- seur de théologie à l'université d'Ingolstadt , mais il allait disparaître de l'arène, car il mou- rut en 1543. Eckius joua le rôle principal dans toutes les disputes pubhqûes des cathoHques avec les luthériens. 11 était l'ân^e et la voix de toutes les conférences. Nous le trouvons à la diète d'Augsbourg en 1538, à la conférence de Ratisbonne en 1541, et partout il disputait la victoire à Luther, à Carlostadt, à Mélanchthon, grâce à l'étendue de sa science, à la vigueur d« — 63 — iâ li^îque^ à la facilité de son langage. — Jeao Coehlée ou Cochleau8, né en 1 479, mort chanoine de foeslau en 1552, est, après Eckius, le plus célèbre champion du catholicisme; mais, dit Feller, il n'était ni aussi estimé par lescatho* liques, ni tant craint par les protestants, parce qu'il s'attachait plutôt à réfuter les erreurs qu'à établir solidement les vérités contestées. L'Ordre de saint Dominique descendit dans l'arène avec les deux Faber et Ambroise Storck. Jean Faber, né en Souabe vers 1470, dut à son zèle contre l'erreur le surnom de Marteau des hérétiques et l'évêché de Vienne, où il mourut en 1541 . L'autre Faber, nommé Jean comme le pré» cèdent, son compatriote et son frère en religion, est beaucoup moins célèbre. 11 mourut en 1570. Ambroise Storck est, avec Jean Gropper, le seul théologien allemand qui ait paru avec dis^ tinction au concile de Trente. Il y assista en qua- lité de théologien de l'archevêque de Trêves et y brilla par son éloquence. Il mourut à Trêves ea 1557 avant la troisième reprise du concile. Ainsi en fut-il de Gropper, archidiacre de Cologne : il mourut en 1559, à Rome, oii il s'était rendu à la sollicitation de Paul IV, qui fit de vains efforts sur son humilité pour l'élever à la pourpre romaine- C'est à la session de 1552 que Gropper, qui avait Mé conduit à Trente par l'archevêque de Colo- — 64 — gne , Adolphe de Schauembourg , manifesta de nouveau les talents et Térudition qu'il avait déjà révélés dans plusieurs colloques ou conciles provinciaux, et se distingua par ses connaissan- ces profondes en théologie dogmatique et par sa science étendue de Thistoire, de la tradition et de la discipline de FEglise. Ainsi, tandis que tous les pays de la chrétienté, la France, l'Italie, le Portugal, la Belgique, l'Es- pagne surtout, avaient fourni un grand nombre de thélogiens illustres au concile de Trente, l'Al- lemagne y fut à peine représentée par deux ou trois hommes dont le nom ait survécu. Car ré- veillerions-nous le moindre souvenir chez les plus instruits de nos lecteurs , en prononçant les noms de Henri Gothard et de Georges Hocheuvaster, prêtres séculiers et docteurs en théologie, de Léonard Haller, procureur de Févèque d'Eichslet? N'oublions pas pourtant de consigner ici celui de Nauséa, successeur de Fa- ber sur le siège de Vienne, prédicateur et contro- versiste, qui mourut à Trente pendant la durée du concile, en 1552. Ajoutons eniîn aux quelques noms que nous avons cités celui de Jules Pflug, évéque de Naûmbourg, ami de Ganisius et com- pagnon de ses combats et de ses travaux, et nous aurons la liste à peu près complète des hommes qui illustrèrent le plus l'Allemagne dans les - 65 — sciences théologiques, à une époque où l'Europe chrétienne abondait en personnages éminents par leur savoir et leur piété. L'Allemagne était donc pauvre en comparaison des autres contrées catholiques, et c'est pour cela que les souverains et les évéques allemands empruntèrent ann étrangers plusieurs des théologiens qui les repré- sentèrent au concile de Trente. Ainsi le duc de Bavière y envoya le Père Govillon, Jésuite belge ; l'évêque d'Augsbourg, au défaut du Père Lefeb* vre sur lequel il avait d'abord jeté les yeux, choisit pour ses orateurs les Pères le Jay , Olave et Ca- nisius. Les Archevêques de Saltzbourg et de Prague prirent pour leurs théologiens, Tun, le dominicain Ninguarda, milanais, l'autre, le véni- tien Elysée Capys (1). L'Allemagne était alors frappée d'une telle stérilité, qu'en 1551, lors- que le P. Ganisius arriva dans la capitale de l'Autriche, bien que Faber et Nauséa, pontifes pieux et bons théologiens, eussent occupé ce siège, il y avait plus de vingt ans que FUniver- sité de Vienne n'avait fourni aucun sujet digne d'être promu aux saints Ordres. (1) En revanche, nul prince, nui évêque, hors rAllema- gne^ ni le Pape, ni même l'Empereur ne députèrent à Trente de théologiens allemands. Sur 360 docteurs environ, qui as- sistèrent au concile, TEglise germanique n'en compte guère que 10. 5 — 66 — Ne noua étonnons donc pas qu9 les Jésuites^ à peine arrivé» dans le» provinces germaniques, < aient été appelés de toutes parts pour donner un nouveau lustre aux Universités, et surtout pour y relever renseignement théologique. Le cardi* nal Truchscs, évéque d'Augsbourg, songeait à ramener son Université de Dillingen à son but primitif. Pour l'aider dans cette œuvre, il avait d'abord appelé le célèbre Dominicain Pierre dé Soto. MaisSoto quitta bientôt Dillingen poyr se rendre en Angleterre, et de là au concile de Trente, où il mourut en 1562. Privé de ce con- cours, et ne trouvant pas autour de lui de théo^ logiens capables de remplir ses vues, le cardinal prit une mesure extrême : il congédia tous le^ professeurs de son Université, pour la confier entièrement aux Jésuites. Un arrangement posi- tif fut conclu à ce sujet, à Botzen, entre les com- missaires allemands et italiens du cardinal et de la Société. Les Jésuites arrivèrent en 1563 à Dil- lingen, et prirent possession des chaires (1). lien fut de même pour rUniversitéd'ingolstadt* Nous lisons à ce sujet dans les Annales de cette Université : « Le sérénissime duc (de Bavière) Guillaume, voyant la Faculté de théologie telle- ment tombée depuis la mort de Jean Eckius (i) Ranke, Histoire de la Papauté, t. IIÏ, p. 38. — «7 — qu'elle av^it à peine un seul professeur capable^ écrivit celte année (1548) au souverain Pontife Paul III, pour qu'il envoyât d'Italie à son école dlngolstadt, qu'il désirait renouveler et pour- voir de très-bons professeurs^ des théologiens excelleiits et éprouvés^ dont le besoin se faisait vivement sentir dans ce temps de révolution ro^ ligieuse. Cette demande du prince fut confiée à Rome au neveu du Pontife, le cardmal Alexan- dre Farnèse, qui traita avec Ignace de Loyola, général de la Société de Jésus^ pour envoyer en Bavière trois théologiens. Ce furent Pierre Cani^ sius, Claude Le Jay, et Alphonse Salmeron (1). » Tels ont été. avec Gaudan, Luc Pinelli, Peltan, Govilion, Alphonse de Pisa, Jérôme deTorrèset le célèbre Grégoire de Valentia, tous étrangers à TAIIemagne, les premiers professeurs Jésuites de rUniversité d'Ingolstadt. Les Allemands ne vm- rent que plus tard : d'abord Thyrée, élève du collège Germanique; puis Tanner, Laymann et plusieurs autres dont le nom est encore illustre dans les annales de la théologie. L'historien j^nh testant Ranke avait donc raison de dire ; a La (i) Annales Ingolstadiensis Aeademix inchoati a Valen- tiM Rotmaro et Joanne Engerdo, etc., 4 vol. in-é® (1788); t h p. 208. — Voiqi comment Rotmarus termine l'élogi d«» Canisius qui, arrivé à Ingolstadt en 1549, fut nommé en 1550 recteur de l'Université : « Ego unum dixero : Lumen eéi Bostro tempore intêr doctores Ecclesi». » (T. I, p. il5.j — 68 — doctrine théologique de la Papauté n'avait pres- que plus de croyants chez nous. Les Jésuites vin- rent pour la rétablir. Qu'étaient les Jésuites, lorsqu'ils arrivèrent chez nous? Des Espagnols, des Itahens, des Néerlandais : on ignora pendant longtemps le nom de leur Ordre ; on les appelait des prêtres espagnols. Ils occupèrent les chaires et trouvèrent des élèves qui embrassaient leurs doctrines. Ils n'ont rien reçu des Allemands; leur doctrine et leur constitution étaient achevées et formulées avant qu'ils n'apparussent chez nous. Nous pouvons donc considérer les progrès de leur Institut chez nous comme une nouvelle interven- tion de l'Europe romaine dans l'Europe germa- nique. Ils nous vainquirent sur le sol allemand ; ils nous arrachèren tune partie de notre patrie ( 1 ). » II Tel était l'état de l'Allemagne lorsque les Jé- suites y pénétrèrent. Maintenant qu'y firent-ils? Quel service y rendirent-ils à la religion et à la science? On l'a déjà pu pressentir par nos der- nières paroles. A peine arrivé en Allemagne, Le- febvre , le premier Jésuite qui y soit entré, voyant combien seraient stériles les conférences de Worms pour lesquelles il avait été mandé, • (i) Histoire de la Papauté^ t. îîf, p. ^4. — 69 — s*occupe aussitôt d'une œuvre plus fécondo. Il réforme le clergé, dont les mœurs corrompues contribuaient plus que les luthériens aux pro- grès de Fhérésie. Worms change de face. Puis c'est le tour de Spire, de Ralisbonne, de Nurem- berg, Envoyé en Espagne, Lefebvre a pour succes- seurs Claude le Jay et Bobadilla qui, eux aussi, ré- génèrent le clergé et le peuple. Le Jay devient Toracle des évoques. De retour en Allemagne* Lefebvre reprend son apostolat. Il renouvelle Mayence, où il gagne Ganisius à la Compagnie, il empêche Cologne de suivre son archevêque dans l'apostasie, et laisse ensuite Ganisius et les autres Jésuites y poursuivre son œuvre. Ganisius se rend ensuite à Vienne, où depuis vingt ans , comme nous l'avons dit, le sacerdoce catholique ne trouvait plus à se recruter. Grâce à lui, le sanctuaire n'est plus désert, les peuples entendent retentir à leurs oreilles la parole catholique ; lui- même les instruit dans la foi orthodoxe à l'aide de son fameux catéchisme , qui a eu plus de 500 éditions. En même temps il est l'âme de toutes les diètes, il est chargé de diverses nonciatures, il combat les hérétiques et répond aux Centuries de Magdebourg. La foi se réveille alors au cœur des princes et du clergé, et de tous côtes on appelle les Jésuites. Ils semblent se multiplier et sont par- tout. « En un si petit nombre d'années, s'écrie — 70 — f^i ledôctairLeopold Ranke, quels progrès ettra« ôfClînaîres avait faits la Soci^^té de Jésus I En I55S, les Jésuites n'avaient encore aucune situa- fioti fixé en Allemagne : en 1566, ils occupaient la Bavière, le TyroK la Frapconie et la Souabe, une grande partie des provinces Rhénanes, l'Au^ triche ; ils avaient pénétré en Hongrie, en Bohdfûe et en Moravie. On s'aperçut aussitôt des effets dé leur influence : en 1561, le nonce du Pape assure qu'ils gagnent beaucoup d'âmes et ren- dent un grand service au Saint-^iégè. C'était là première impulsion durable antiprotestante que feçut l'Allemagne ( I ). » Ainsi, les Jésuites ont arrêté le protestant- tisnte envahissant et victorieux, et l'ont refoulé ÉanÈ les États du Nord. Ils lui ont arraché une feule de populations chrétiennes et en ont ramené d'autres à la foi catholique. Dans une assem-* blée des nobles de Bohème, le burgrave Jean de Lobkowilz s'écriait : « Ah ! si la Compagnie de Jésus eût été instituée un siècle plus tôt, et si elle eAt pénétré dans notre Bohème, nous ne saurions pas aujourd'hui ce que c'est que l'hérésie. • Et le duc de Bavière disait d'elle en Tinrestissant d'un collège : « C'est en grande partie à la Société que notre pays de Bavière doit le rétablissement fi) Histoire de là Papùiité, t. Hl, p. 39. — 71 — db la foi de nos ancêtres, ébranlée par les mal- heurs des temps actuels. » Il n'y a pas jusqu'au sceptique et insouciant Montaigne qui n'ait re- marqué et constaté l'action des Jésuites en Alle-^ magne : « Je crois, dit-il^ qu'il ne fut jamais confrérie et cors parmi nous qui tint un tel ranc, ni qui produisit enfin des effaicts tels que fairont ceus ici« Si leurs desseins continuent, ils possè- dent tanlost toute la chrétianté. C'est une pépi- nière de grans hommes en toutes sortes de gran- deur. C'est celui de nos membres qui menasse le plus les hérétiques de notre temps (1). » Ce grand mouvement catholique opéré par les Jésuites est tellement incontestable^ qu'il a été reconnu môme par leurs ennemis : « Après Dieu^ avoue Gas«» pard Schopp, un de leurs plus ardents adver- saires, c'est aux Pères de la Compagnie que la religion catholique est redevable de n'avoir pas été entièrement exilée de T Allemagne (2). » Et à cTeux siècles de distance^ le docteur Léopold Ranke, avec une franchise qui l'honore et qui rend ses aveux si dignes de confiance, attribue aux Jésuites la réaction catholique en Allemagne et la renaissance de la vraie foi. a En Pologne^ dit- il, les écoles des Jésuites étaient fréquentées (1) Voyages de Montaigne e^i Allemagne et en Italie y en i»80 et 1581, p. 666 (édit. du Panthéon). (î) In notis ad Poggianum, l. IV, p. 42S. — 72 — principalement par la jeune noblesse. Bientôt nous voyons ces disciples des Jésuites entre- prendre la conversion de la jeunesse bourgeoise dans les villes restées protestantes. Mais le ca- tholicisme fit surtout sentir son influence aux gentilshommes. Le collège de Pultovsk comp- tait quatre cents élèves, tous de la noblesse. L'impulsion générale qui était dans l'esprit du temps, l'enseignement des Jésuites, le zèle ré- cemment réveillé dans tout le clergé^ les faveurs de la cour, tout concourut à disposer la noblesse polonaise à rentrer dans le sein de rËglise(l). » Mais c'est dans toutes les provinces de la Ger- manie que se fait sentir la contre-réforme. « Le changement si rapide, continue Ranke, et pour- tant si durable qui eut lieu dans ces contrées, est extrêmement remarquable. Doit-on en con- clure que le protestantisme n'avait pas encore bien pris racine dans les masses, ou doit-on at- tribuer cette révolution à l'habile propagande des Jésuites? Du moins, ils ne manquèrent ni de zèle ni de prudence. Vous les voyez s'étendre successivement dans tous les lieux qui les envi- ronnent, séduire et entraîner les masses. Leurs églises sont les plus fréquentées. Se trouve-t-il quelque part un luthérien versé dans la Bible, J 1 Histoire de la Pap(ndêj t. IV, p i:^. — 73 — dont renseignement exerce de Tenipire sur ses voisins ? ils emploient tous les moyens pour le convertir, et presque toujours ils réussissent, tant ils sont habitués à la controverse! Ils se montrent charitables, guérissent les malades, cherchent à réconciher les inimitiés, engagent par des^serments sacrés ceux qu'ils ont ramenés à la foi. On voit les fidèles se rendre, sous leurs bannières, à tous les pèlerinages, et des hommes qui, il y a un instant encore, étaient d'ardents protestants, se mêler à ces processions (1). » Au même endroit de son ouvrage, le docteur luthérien parle de la gloire qu'eurent les Jésui- tes de former non-seulement des princes ecclé- siastiques, mais aussi des princes temporels, qui devinrent ensuite autant d'apôtres voués à la res- tauration catholique. On peut donc dire que c'est principalement aux Jésuites que les provinces Rhénanes, la Hongrie, l'Autriche et la Pologne du- rent, au xvr siècle, la conservation de leur foi. Or, il en fut toujours ainsi jusqu'au milieu du xvn® siè- cle ; et lorsque le traité de Weslphalie vint apporter une entrave si fatale aux progrès du catholicisme en Allemagne, en y donnant droit de cité au pro- testantisme, les Jésuites ne désespérèrent pas de l'avenir de la vérité, et ils lutteront encore avec \\) !bid., p. -iO. — 74 — avantage, eu continuant à prêcher la parole da salut, et en ouvrant partout des écoles. Les écoles avaient été déjà un de leurs plus grands moyens de propagande. Comme on l'a pu pressentir par quelques-uns des détails qui précè- dent, ce n'était pas seulement par l'apostolat, par les travauiLdu saint ministère, ni même par la con- troverse avec les protestants , qu'ils préservaient les fidèles ou ramenaient les égarés, mais encore par l'enseignement et Téducation de la jeunesse. D'abord ils travaillèrent sur la jeunesse desti- née au service des autels et formèrent un clei^é allemand. Nous verrons bientôt s'il sortit de leurs mains un grand nombre de docteurs et de sa^ vants; mais toujours est-il qu'il en sortit une foule de prêtres pieux et zélés, une foule d'apô«- tres qui se répandirent ensuite dans toutes les contrées de la Germanie pour conquérir les peu- ples à la foi et à la vertu. Le P. Theiner écrivait en 1833, dans ses Imlilulions d'éducation ecclé*- HÏastique (1) : a Puisse cet ouvrage vous appren- dre (il s'adresse aux évêques d'Allemagne) à ap- précier les services qu'une Compagnie célèbre a rendus à l'éducation du clergé et de la jeunesse en général! C'est à l'aide des membres de cet Or- dre distingué que nos ancêtres ont sauvé le trésor fi) T. I, p. i65. — 75 — de la foi et la lumière de la science. Que ne doit pas rAIlemagne aux Jésuites sous ces deux rap- ports! y» Ainsi, au dire du P. Theiner, cène sont pas Seulement les vertus ecclésiastiques, mais en- core la science que les Jésuites auraient fait nai*- tre au sein du clergé allemand. Mais quand ils se seraient bornés à former des sentinelles vigi- lantes pour garder le dépôt sacré de l'orthodoxie, des lutteurs intrépides pour combattre Terreur et défendre la vérité , des prêtres vertueux et pieux pour servir de digue au torrent de la cor- ruption qui entraînait les peuples, n'auraient -ils pas rendu les plus émi/ients services et rempli la mission dont la Providence semblait les avoir chargés en Allemagne? Qu'importe donc que, dans les rangs du clergé séculier, on compte plus OU moins de savants sortis des écoles des Jésuites, 6t quelle conclusion pourrai t*on en tirer contre eux? D'abord, ne parlons pas des hommes de gé- nie. « Le génie, dit excellemment le comte de Maistre, ne sort d'aucune école ; il ne s'acquiert nulle part et se développe partout; comme il ne reconnaît point de maître, il ne doit remercier que la Providence (1^. » Il y aurait une égale fo- lie, ajoute le grand écrivain, à faire hommage aux Jésuites du génie de Descartes, de Bossue t (i) De l'Église gallicane, liv. I, ch. v. — 76 — et de Condé, qu'à renvoyer à Port-Royal la gloire de Pascal et de Racine. Il ne s'agit ici que de ces hommes qui, avec des facultés ordinaires^ du loisir et du travail» arriventà une science émi-^ nenle. Or, qui ne comprend que, pour l'appari- tion dans le monde de pareils hommes, il ne suf- fit pas de maîtres savants et dévoués. La science demande du temps, de la volonté, et cette longue patience que quelques-uns confondent avec le génie. Or, au miheu des agitations continuelles de l'Allemagne, alors qu'il fallait être toujours sur la brèche pour tenir tète à l'ennemi, toujours veiller sur les peuples pour les empêcher de pasr ser à l'hérésie, toujours les soutenir par la pa- role, les fortifier par les sacrements, se multi- plier en un mot, avec les dangers et les besoins de la cause catholique, oii trouver ce loisir, ce calme, ces longues et patientes études qu^exige la science? N'est-ce pas par là qu'on a cent fois expliqué l'infériorité relative du clergé contem- porain comparé au clergé du xvu® siècle? A- t-on songé à en faire un crime au zèle de nos évoques pour l'instruction de leurs clercs, à la science et au dévouement de nos professeurs de séminaire ? Du reste, il est faux qu'en dehors de l'Ordre des Jésuites, l'Allemagne n'ait pas produit un grand nombre d'hommes distingués dans la science. Le P. Theiner a publié une liste d'é- lèves sortis du collège Germanique fondé à Rome par saint Ignace de Loyola. Or, parmi ces élè- ves, presque tous Allemands, on comptait, à la fin du xvm* siècle, 24 cardinaux et le pape Grégoire XV, 6 électeurs du Saint-Empire, 19 princes, 21 archevêques, 121 évoques titu- laires, 100 évoques in partibus infidelium, 46 ab- bés ou généraux d'Ordre, 11 martyrs pour la foi, 13 martyrs de la charité, et 55 élèves, ajoute le P. Theiner, illustres par leur piété et leur érudition. 11 remarque même que, parmi ces hommes, tous distingués de leur temps, un cer- tain nombre, évêques, prôtres ou religieux, étaient des écrivains de mérite. Dans ce nombre citons : Jean Kéry, successivement évêque de Sirmich et de Veitsen, philosophe et historien; André lUiès, évêque de Transylvanie; Pierre Binsfeld, coadjuteur de Trêves; Sigismond Zel- 1er, coadjuteur de Freissingen ; Jean Vanoviczy, évêque de Cardona; Viclor Milelus, chanoine de Breslau ; Gérard Vossius, prévôt de Tongres, savant hellénisle et latiniste, qui le premier fouilla dans les bibliothèques de Rome, et tra- duisit en latin plusieurs anciens monuments des Pères grecs ; Gaspard Mallechich, prieur général de l'Ordre de Saint-Paul; Jean Gothard, cha- noine de Passau; Robert Turner, savant pro- — 78 — fesseur de TUniveraté dingolstadt; Mathiai Faber, célèbre prédicateur, d'abord curé, mort sous rbabit de Jésuite; Âudré Fomerus, cha*^ noine de Wurtzbourg; Ferdinand Grieskirker, célèbre écrivain, dit Theiuer; Pierre Bolla, Marquard Hergoth, Frédéric Fomer, Barthel, Michel-Ignace Schmidt, et tant d'autres. C'est ainsi que l'Allemagne fournissait des jeunes gens au collège Germanique, qui les lui renvoyait prêtres instruits et vertueux. Par leur chasteté et leur modestie, ils répondaient aux reproches que les novateurs ne cessaient d'adret ser aux mœurs du clergé, et à leurs calomnies contre le célibat ecclésiastique ; par leur piété à l'autel, ils vengeaient les saints Mystèrestlu mé- pris auquel les avait exposés Firrévérence d^ prêtres; par leur sobriété et leur désintéresse*- ment, ils prolestaient contre le reproche fait au clergé de n'aspirer qu'aux richesses et aux jouis- sances; par leur science, enfin, ils dissipaient les soupçons d'ignorance qui pesaient sur lui, et rendaient les novateurs plus timides dans les défis qu*ils portaient de répondre à leurs ob-* jections subtiles. On conçoit donc que l'Âlle* magne se soit prise d'une admiration affectueuse pour le collège Germanique, et qu'elle y ait en- voyé non-seulement l'éhte de sa jeunesse, mais encore des membres de ses plus illustres famit* — 79 — las, des Ferdiirand de Bavière, des comtes d'Ha- rach, des Dietrichstein, des Thun, des Furs^ temberg, des Metternich. des Esterhazy, des Frankenberg, des Waldslein, des margraves de Bade, des Wartenberg, des Holstein. Mais ce n'était pas seulement au collège Gcr^ manique que les Jésuites formaient à la science la jeunesse qui aspirait au sacerdoce : dans toute TAllemagne catholique ils se livraient aux mé-^ mes soins et obtenaient les mêmes succès. « Ils travaillaient surtout, dit encore Léopold Ranke, au [lerfectionnement des Universités. Leur am-^ bition était de rivaliser avoc la célébrité des Uni- versités protestantes. Toute la culture scientifique de cette époque reposait sur Tétude des langues anciennes. Ils les cultivèrent avec un nouveau zèle, et en peu de temps on crut pouvoir cora-^ parer les professeurs Jésuites aux restaurateurs mêmes de ces études. Ils cultivèrent aussi d'autres sciences: François Kosler enseigna à Co- logne l'astronomie d'une manière aussi agréa- ble qu'instructive. Mais les doctrines théolo- giques étaient, bien ent'jndu, le sujet principal de leur enseignement; ils s'y livraient avec la plus grande activité, même pendant les jours de fîtes; ils ressuscitèrent Tusage des exercices de thèses, sans lesquels, comme ils disaient, tout enseignement est mort. Ces exercices, qu'ils — 80 — rendaient publics, étaient pleins de eoQvenance^ de politesse, d'instruction, et les plus brillants que Ton eût jamais vus. On ne tarda pas à se persuader qu'à Ingolstadt l'Université catholique était parvenue au point, du moins en théologie, de pouvoir se mesurer avec toute autre Uni ver « site de l'Allemagne. Ingolstadt obtint (à la vé- rité dans un sens opposé) une influence semblable à celle qu'avaient eue, pour la Réforme, Witteni- berg et Genève (I). » Est-il possible (pi'avec un système d'enseigne- ment si fortement oi^auisé, les Jésuites n'aient pas produit dans le clergé séculier des hommes re- marquables ? Sans doute, nous l'avons assez dit, ils songèrent plus et durent plus songer à former des prêtres pieux, zélés, suffisamment éclairés, que de véritables savants; et nous voyons en ef- fet que, depuis l'époque de leur entrée en Allé* magne jusqu'au temps de leur suppression^ il sortit de leurs écoles une foule de prélats vertueux qui poussèrent Théroïsme jusqu'au martyre de la foi et de la charité (2) . Mais en même temps, ils (i) Hisloire de la Papuulé, t. 111^ p. 40. (2) Pour nous en tenir à l'époque mêipe de la suppression^ signalons avec le P. Tliciner, au tom. H de ^es Institutions d'éducation ecclésiaaiique, les cardinaux Migazzi, archevêque de Vienne, et Frankenberg, archevêque de Malines^ Tun des plus illustres prélats du xvni« siècle; le prince Esterbazy, > — 81 — ne négligèrent pas les intérêts de la science. On objecte qu'au moment de leur abolition, après avoir eu entre les mains l'éducation de toute la jeunesse catholique, ils n'avaient pas formé des hommes qui pussent les remplacer, ou du moins partager l'enseignement avec eux. Cette objec- tion n'est pas nouvelle ; déjà elle avait été adressée aux Jésuites par les jansénistes, rédacteurs des Nouvelles ecclésiastiques. — Qu'est-ce à dire? Les Jésuites avaient-ils pour but, comme des di- recteurs d'écoles normales, de former des mat- 1res, des professeurs, c'est-à-dire de se créer des successeurs? Devaient-ils y songer, alors qu'ils occupaient presque toutes les chaires importantes, qu'ils trouvaient si facilement à se recruter dans leur sein, et que rien ne pouvait leur faire soup- çonner les mesures violentes et injustes qui les arracheraient un jour à leur enseignement? Il pou- vait exister, il existait réellement parmi les élèves des Jésuites beaucoup d'hommes très-instruits, mais qui n'étaient pas pour cela des professeurs capables ; car le professorat exige, outre la science, évêque d'Agram, en Hongrie, homme de venus vraiment apostoliques; Kerens, d'abord Jésuite, puis évêque de Neustadt : tous pontifes pieux et zélés, qui s'opposèrent comme un mur d'airain aux entreprises schismatiques de Joseph H, et sau- vèrent la loi catholique en Belgique et en AUeniagne. Voir Picot, Mémoires pour servir à l hhtoire ecclésiastique, t. iv, p. m^, G — 82 — une nptilyde sp^ialç, uoe dire^tiçp ViQi(c>rieni possédés par les Jésuites ne suffiraient pas pour payer autant de professeurs libres; que les fonds qui passent de l'administration des particuliers l^ans l'administra lion du souverain rendent beau- coup moins (1). ê III. Nous savons désormais ce qu'était rAHemagne lonque leç Jésuites y entrèrent, ce qu'ils y ont fait : il ne nous reste plus , pour achever ce chapitre , Kiu'à nous demander en quel état ils Tout laissée. A l'arrivée des Jésuites, T Allemagne, nous l'avons vu, était la contrée catholique de l't^u- iwpe la plus pauvre en théologiens. A leur départ, elle était, à Texception peut-être de l'Italie, je aol où) gràçe h eux , les études sacrées , Ecriture aainte^ théologie , droit canonique, florissaient Wiiec le plus d'éclat et de vie. Ici, nous entendons bien crier au paradoxe, et ce cri d*étonnement et ^'incrédulité n'a rien qui nous surprenne. Au milieu du xvm' siècle , Tattention des hommes était tournée d'un autre côté» surtout dans TAlie- jQiagne qui naissait à la Utiérature, produisait (1) Collombet, Hist. de la suppression des Jésuites^ tom . H» p. 194. — 84 — tous ses grands poètes, et nous concevons qu'on ait été peu frappé de travaux moins brillants, presque toujours solitaires, et qui n'ont pas le pri- vilège de passionner les masses. D^ailleurs les es- prits ne rêvaient alors que nouveautés bruyantes, n aspiraient qu'à un avenir chimérique, et ne de- vaient jeter qu'un regard de dédain (s Ils Fy jetaient toutefois) sur des études qui se renfer- maient dans ce calme et majestueux passé où la vérité religieuse a fixé son séjour. Enfin la Révo- lution, qui est venue peu après, a promené ses tlots sur tous ces grands souvenirs et en a effisicé presque entièrement la trac^. Tâchons pourtant d'en retrouver quelques vestiges, et cherchons premièrement en dehors de la Société de Jésus. Tout d'abord se présente à nous Forster ou Froben, de l'Ordre de Saint-Be- noit, professeur de philosophie et d'Ecriture sainte à l'Université de Salzbourg et à l'abbaye de Saint-Ëmmeran, dont il fut élu prieur en 1750, et prince-abbé en i 762. De cette époque à sa mort, arrivée en 1 791 , il s'efforça de faire fleurir dans son abbaye les sciences qu'il avait toujours ai- mées, et qu'il avait honorées par sa profonde éru- dition et par ses écrits. Vient ensuite Georges- Christophe Neller , auquel des thèses sur toutes les sciences, soutenues à 22 ans, avec éclat et succès, tinrent lieu de toute autre épreuve et. mé- — 85 — ritèrent le titre de docteur en théologie. Déjà connu par diverses fonctions et de remarquables travaux, Neller fut successivement pourvu de la chaire de droit canon et de celle de droit public à l'Université de Trêves, où il mourut en 1783, après avoir publié un grand nombre de disserta- tions sur des matières d'érudition et de critique. — Neller avait eu pour professeur à Wurtzboui^ Jean*Gaspard Barthel (1), qui revêtit successi-* vement, dans la principauté de ce nom, toutes les dignités qui sont ouvertes à un ecclésiastique séculier. 11 y mourut en 1771. Barthel, un des canonistes les plus distingués du xvm* siècle, se signala encore par son amour pour le Saint-Siège et sa haine contre le protestantisme. Il réforma l'enseignement du droit canonique, et tout en maintenant les principes généraux de la science, il la réduisit à une forme appropriée à la consti- tution de TÂllemagne. — Passons plus rapidement devant HermannScholliner, qui, après avoir pro- fessé la théologie avec distinction, devint direc- teur général des études parmi les Bénédictins de Bavière, et fut chargé, à la place de Pfeffel, de rédiger les Jfonumen^a Boïca; Georges Lienhart, moins illustre encore par sa naissance que par sa doctrine ; Benoit Oberhauser, Bénédictin, mort en (i) Barthel avait été élève des Jésuites. Il en fut ainsi pro- bablèitaent de plutiieui's autres théologiens de cette époque. -^ 86 — 17^6, bon thédlogien et savant canonise ^ mftii ^i eut le malheur d'embraser les opinions de Fébronius ; Martin Gerbert^ mort en 1 793, autre Bénédictin qui les dombattit , et se distingua pair une science vaste et variée qui brille dans sèà nofnbreux ouvrages ; Paulin Erdt^ religieux Fran<» ciscain,morten 1800^ qui a lutté avec zèle contre tel inérédulès; Antoine de Goritz, Gapuciri, ifiort en 1784» auteur de pltisieurë savants ouVragèl * Mt la théologie morale et sur les monuments profanes et sacrés. Nous pourrions encore prolonger Cette lîsté^ û nôitis voulions ^ joindre lés noms de plusieurs àUti'es théologiens de talent qui, par ambition^ «mbfâssèfent les idées nouvelles, comoie dé Stock et Hâuttenstraueh, dont nous parlerons plus tard en traitant de la réforme des Universités) lel Bénédictins Danzer et Braun ; le Carme dé^- éhftussé Dereser, plus connu sous le nom dé Thaddée de Saint^Adam; Euloge Schtiëidèr^ élève des Jésuites de Wdrtzbourg, prédicateur à AUgsbôui'g et à Stuttgard/ professeur à Bonn> fais âi'dent révolutionnaire en France, où if fUf déea^iitéen 1794. Nous tenons provisoirement dans roiUbre la partie la plus brillante de ce tableau^ Qui^quA riche, en effet, que fût alors le développement de la science sacrée au sein du clergé séculier — 87 — •t dans les dii^ers Ordres religieux, c'était pârnui Uà Jésuites qu'elle avait les plus nombreui et les plus illustres adeptes. Mais notre plan noul contraint encore à renvoyer ce qui concerne la Compagnie de Jésus aux chapitrés qui traiteront de son étal scientifique au moment de la sup-^ pression et de la réforme des Universités alle^ mandes. Nous verrons bien mieux alors si l'ÂU lemagne était, à cette époque, déshéritée de profonds théologiens^ de savants canonistes^ d'habiles exégètes, d^éloquents apologistes, et si elle avait rien à envier à la Germanie du xvi* siè* cle au temps du concile de Trente. Nous verrons surtpul s'il est vrai que les Jésuites, pendant les dernières années de leur existence, eussent perdu dans l'Empire, plus encore qu'en France, une partie de leur ancienne vigueur, que leurs col- lèges n'eussent plus guère d'hommes remarqua*^ blés parmi leurs professeurs ; s'il est vrai qu'on doive attribuer à la décadence des études re*- ligieuses et profanes , à l'ignorance du clergé séculier, la réforme ecclésiastique qui com- mençait à s'opérer dès 1760, qui grandit sous Joseph II, et qui eut pour terrible dénouement la Révolution française; s'il est vrai qu'il ne se trouvât pas alors dans les rangs catholiques des athlètes capables de combattre le schisme et l'incrédulité; s'il est vrai enfin que les Jésuites, — 88 — au moment de leur suppressioo, se trouvassent, comparativement aux protestants, dans un état d'infériorité scientifique. Pour répondre à ces questions, nous devrons exposer la véritable situation de l'Allemagne à cette époque, retracer le tableau des efforts tentés contre l'Église, et avant tout contre la Compagnie de Jésus, qu'on regardait comme son rempart avancé. Alors nous aurons le vrai sens de cette réforme des Universités, de cette érection d'Universités nou- velles, mesures, prétend-on, qui auraient eu pour but de remédier à la grande faiblesse des études au sein du clergé. IV. Disons un mot, en terminant, du grandiose essor que prit alors en Allemagne la littérature nationale. Cet essor, dit-on, est tout entier l'œu- vre des protestants, et les catholiques n'ont pas à produire un seul grand poète de cette époque* Voyons si l'on peut tirer de là un véritable ar- gument contre les Jésuites et contre les catholi- ques élevés par leurs soins. Depuis Torigine de la langue jusqu à la fin du xv' siècle, le poème des Niebelungen est le seul monument de la littérature allemande qui ait de la. grandeur, sans mériter, toutefois, mal- ~ 89 — gré rautorité de Goethe, d'être placé sur la même ligne que les épopées homériques. Quand Lu- ther parut, l'antique poésie chevaleresque et les arts du moyen âge étaient complètement ou- bliés. La langue même était négligée, et c'est de la traduction de la Bible par le réformateur que date sa résurrection. Bien que cette langue ait aujourd'hui vieilli, elle est encore considérée par les critiques comme le type du haut-alle- mand. Alors se montrèrent quelques poètes : le cordonnier Hans Sachs, le prince des chanteurs, avec ses pamphlets rimes et sa fécondité ex- trême; Sébastien Brandt et le Vaisseau des fous y caricature et satire dans le genre de Rabelais ; Jacques Boehme, à l'imagination puissante et extatique, qui a déployé, dit-on, toute la ri- chesse intellectuelle de la langue. Mais tout cela ne constitue pas une littérature, et cette assertion est si vraie, qu'au commencement du wiv siè- cle, Opitz, poète didactique plein de goût et de raison, mais dépourvu d'enthousiasme et aujourd'hui oublié , a été appelé le père de la poésie allemande. Flemming, son contemporain et son compatriote, s'il l'emporte sur lui par la richesse et le feu de l'imagination, lui est bien inférieur sous le rapport du style. Il n'y avait donc pas encore de littérature al- lemande dans la première moitié du xvu* siècle. — 90 — A eëtte époque, la puissance de rAllemagne était brisée par la guerre civile : la poésie s'affaiblit avec la nation, fut frappée de stérilité ou dégé- néra en des œuvres d'une afféterie extravagante. < Cet intervalle de temps, dit F. Schlegei, qui s'étend depuis 1648 jusque vers le milieu du xvikf siècle, fut une véritable époque de bar- barie. Ce fut dans la littérature une sorte d'in- terrègne, un mélange de lumière et de ténèbres, où la langue flotta incertaine entre un allemand corrompu et un jargon à moitié français. » Que pouvaient faire les Jésuites au milieu de cir^ constances si défavorables, eux surtout qui n'é- taient pas venus en Allemagne pour former des poètes, et dont toutes les pensées et tous les efforts étaient dirigés vers la défense de la foi? Il y aurait folie à les accuser de ce long sommeil du génie allemand ; car si une institution ensei- gtiante avait été capable de le réveiller, c'eût été éertàinement la Compagnie de Jésus. Pas d'Or- dre religieux, en effet, qui se ressemble plus à lui-même sous quelque latitude qu'il se trouve placé; pas d'Ordre dont les principes et la con- duite aient plus de concert et d'uniformité. Or, voyons ce qu'il opérait en France à la même époque. Sans vouloir lui faire honneur des beaux génies qui illustrèrent le siècle de Louis XIY, nous pouvons dire cependant que, plus que — m — I^Oft-ftoyâl, plus que toutes les institutions en- Mt^âlitës et littéraires de ce siècle, il contribua pif SA forte éducation au magnifique développe- iôeut qu'y prirent les sciences, les lettres et les Ètts. Mais la France alors était calme, ou, du tiioins en possession d'elle-même, tandis que FÂlIemagne contemporaine était livrée aux luttes religieuses et aux agitations politiques. De là, la diJSérence des résultats produits par les mêmes hommes et par le même systèip.e d'éducation. Cependant, au commencement du xvui* siè- de, grâce à la résurrection de l'Allemagne et de l'Autriche, à là protection des princes allemands, lA poésie semble renaître, mais sans caractère original ni national. La littérature se partage alors en deux camps : à la tète de l'un est Gotls- ched, qui pousse à l'imitation de l'antiquité, de l'Italie et surtout de la France ; l'autre, qui s'est posté en Suisse, obéit à Breitinger et à Bodmer, grands partisans de l'imitation anglaise. A bien considérer, Frédéric Schlegel a donc raison de pi^olônger jusqu'au milieu du Xviu" siècle l'âge de la stérilité et de la barbarie. C'est de la Mes- siade de Klôpstock que date l'ère nouvelle, l'âge d'or de la poésie allemande. Alors paraissent Gessner, le chantre de la pastorale; Lessing, le grand critique ; Winckelmann , l'historien de l'art; Heyne^ le plus célèbre des antiquaires pro- — 92 — teblants de son siècle. Sur différents poinls du ciel allemand^ il se forme des pléiades de littérateurs et de poètes. ÂGœttingue, brillent Lichlenberg, Leizcwitz, Holty, les deux Stolberg, Woss, le sa- vant traducteur d'Homère, Bûrger, l'auteur de la célèbre ballade de Lénore ; à Dusseldorf, Heinse et les deux Jacobi. Le mouvement intellectuel est puissant encore à Leipsick, à Strasbourg, sur plusieurs points de l'Allemagne, et produit à dif- férents intervalles, Kotzebue, Werner, les philo- sophes Kant, Fichle et Schelling, 1 historien Jean deMuller, et plus tard Tieck etNovalis qui, avec les Schlegel, représentent l'école romantique. Mais tout converge à Weimar, où se réunis- sent Herder, philosophe et grand poète, Goethe, le géant de la poésie allemande, Wieland, Jean- Paul Richter, Schiller, le prince du théâtre, les deux Schlegel, etc. Sous la protection du prince (Charles-Auguste et des duchesses Amélie et Louise , Weimar devient l'Athènes de l'Alle- magne. Et maintenant, raisonnons. On fait un crime aux Jésuites d'avoir laissé aux protestants toute cette gloire littéraire. Les dates ici ont leur élo- quence. Les premiers chants de la Messiade sont de 1750 et les derniers de 1769. C'est dans cet intervalle que Gessner, Lessing, Winckelmann, publièrent leurs principaux ouvrages, et que — 93 — Heinse commença à se faire connaître. Mais si le mouvement littéraire se fût airêlé à ces hommes, malgré tout leur mérite, auraient-ils suffi pour mettre TAllemagne au premier l'ang des grandes nations littéraires? Non, mille fois non. A part Klopstock peut-être, ce ne sont pas là les hom- mes dont le souvenir vient éblouir l'imagination, lorsqu'on parle des magnificences de la littéra- ture allemande. Il n'y a que les Herder, les Goe- the, les Schiller, etc., qui soient en possession des suffrages et de l'admiration de l'Europe. Or, tous ces grands génies n'ont pris naissance qu'au milieu du xvui' siècle, et leurs premiers chefs-d'œuvre sont postérieurs à l'expulsion des Jésuites. Les Jésuites n'étaient donc plus là pour leur susciter une concurrence dans les rangs catholiques, et ce fut peut-être une des principales causes du monopole dont s'em- para le protestantisme dans le commerce des lettres. — Mais, dira-t-on, pourquoi ne l'ont-ils pas préparée dans le temps qu'ils enseignaient encore, et qu'ils assistaient à ce réveil du génie allemand? — A cette question accusatrice on pourrait opposer de longues réponses. Rappe- lons d'abord le vers célèbre : Sint MecoRnales, non'deerunf, Flaccc, Maronos. Frédéric II, livré à sa monomanie française, ou- — 94 — bliait h missipn littéraire cjie sa patrie, Maritr Thérèse, circonvenue par lesennenoiis de l'iËglm» nous le verrons bientôt, paralysait, loin de J'en- courager, l'enseignement catholique. Joseph II, son successeur 9 fui tout entier à sa lutte contre Kome. Il en fut ainsi des autres princes de rAlle- magne, qui tous laissèrent au duc de Saxe-^Wei- mar la gloire de protéger les lettres. La science et la littérature ayant pris dès lors une direction toute protestante, devinrent suspectes aux catho- liques, comme, à d'autres époques, les auteurs païens. D'ailleurs elles ne trouvaient que chez les protestants, non-seulement cette protection, mais encore ce calme et cette sécurité nécessaires à leur culture et à leur libre développement. Pour les catholiques, à cette époque, il s'agissait, O0U9 le verrons, non de poésie , mais d'être ou de n'être pas, tant ils étaient menacés dans leur foi, dans leur culte et dans leur existence. Quant aux Jésuites en particulier, leur devoir en de si tristes circonstances était de prendre en maîn la cause de l'orthodoxie, plutôt que l'intérêt des lettres profanes. Puis ils étaient déjà attaqués de toutes parts : on les arrachait à leurs chaires; ils entendaient gronder la foudre qui allait les frap- per : était-ce le temps de s'occuper d'épopée, de drame et de petits vers? Et néwmoinsi il$ w ve^^vmi pas étranger^ ftu — 96 ~ mouYemeot littéraire qui parcouriiit l'All^iD9gQ9, «t iU le favorisèrent dan$ leurs collèges- Four Ae citer qu'un exemple, Thistoire a conservé un soy venir reconnaissant de Michel Denis. Ce célèbre Jésuite, à la fois bibliographe et poète, rendit uii double service à l'enseignement et à la littérature de son pays. Après avoir enseigné avec distinction et avoir surveillé les études dans l'École militaire de Marie-Thérèse, il fut nommé d'abord chef de la Bibliothèque du fameux Garelli, puis premier conservateur de la Bibliothèque impériale de Vienne. Aussitôt il chercha à faire coimaitre à i^ jeunesse et aux savants les trésors confiés à ^ garde et à leur enseigner les moyens de se les ren- dre utiles. C'est dans ce dessein qu'il publia suçi- cessivement sa Bibliothèque de Garelli^ son His-- toire de Vimprimerie de Vienne^ où il donne des notices savantes sur 832 ouvrages; son supplé- ment aux Annales typographiques de Mattaire, qui contient des notices sur 631 1 imprimés ; sqn Catalogue des livres théologiqties de la Bibliothè^ que impériale à Vienne; son Introduction à la connaissance des livres^ vrai manuel de la science bibliographique. Mais avant de révéler à la jeu-- nesse studieuse les richesses du passé, Denis avait déjà songé au présent et à l'avenir de la langue et de la littérature nationales. Dan$ le midi de l'ÂUe- loagnei il fut un des premiers qui s'appliquèrent — 96 — à adoucir la langue, à la refétir d*él^aace, àeo- courager l'étude des lettres profanes, à perfection- ner les méthodes d'enseignement. Se mettant au- dessus des craintes et des défiances qui, dans les États autrichiens^ tenaient les catholiques éloi- gnés d'une poésie qui ne brillait alors que dans le camp du protestantisme, il osa parler à ses élèves de Klopstock. de Geliert, d'Uz et des autres poètes modernes, et leur mit entre les mains ses Souve- nirs et les Fi^its de ses lectures , extraits pleins de goût qu'il avait tirés des meilleurs ouvrages de poésie contemporaine (1762). Poète lui- même, il mérita le titre de Barde du Danube qu'il s'était donné. Son épitre à Klopstock excita une vive sensation à Vienne, et réunit autour de lui les jeunes gens qui se sentaient appelés à la poésie (1 764). Pour justifier son litre de barde, il traduisit Ossian, le prit pour modèle avec les an- ciens poètes Scandinaves, remplaça la mythologie ancienne par les divinités du Nord, et rouvrit ainsi à ses compatriotes celte source nationale d*inspi- ration où viendront puiser si largement les Bûr- ger et les Goethe. Dans les chants par lesquels Denis célébrait, à la manière des bardes, les fêtes nationales ou les événements contemporains, on reconnaît la vigueur de son esprit , la puissance et l'originalité de son imagination, son patrio> tisme à la fois ardent et discret, son zèle et sou — 97 — amour pour la jeunesse et pour la religiou. Parmi ses œuvres poétiques, un des morceaux les plus remarquables est sans contredit le Temple des OEanes chantés par Denis pendant les dernières années du xvin* siècle. C'est vraiment le chant du cygne, et, ajoute la Biographie universelle y à la* quelle nous empruntons la plupart de ces détails, ff il n'a été donné à aucun poète lyrique, ancien ou moderne, de terminer sa carrière d'une ma- nière aussi solennelle. » Les Jésuites ont donc fait ce qu'ils ont pu pour favoriser les progrès de la littérature na- tionale, et si le catholicisme ne compte pas dans ses fastes un seul des grands noms de cette épo* que, la honte ne doit pas leur en revenir. Du reste, cette assertion est un peu exagérée. Henri de CoUin, né à Vienne en 1772, l'un des poètes dramatiques les plus estimés de l'Allemagne, était catholique. Winckelmann, l'illustre histo- rien de l'art dans l'antiquité, se convertit à Rome dès 1756. Cette conversion fut suivie de celle de Zoéga qui, avec Winckelmann et Vis- eonti, forme la grande triade archéologique du siècle, et de celle du peintre MuUer, l'ami de Goethe. Bientôt ce fut le tour de Jean-Auguste Starck, professeur de langues orientales, de la princesse Gallitzin, qui entraîna à sa suite, outre son fils, Haraann (1787), économiste distingué/ 7 — 98 — tavant orientaliste, profond philosophe, grand écrivain, riche et poétique intelligence, le comté de Stolberg (1 800), qui, de son côté, ramena toute sa famille à la vraie foi. Le mouvement catholique en Allemagne était déjà si prononcé alors, et les haines protestantes tellement vain- cues, que Lavater, Glaudius, Herder, KIopstock, Jacobi pardonnèrent à Stolberg sa conversion et restèrent ses amis : Woss eut seul le triste cou- rage de l'insulter. Enfin, en 1803, Frédéric Schltgel et son épouse, qui est elle-même au- teur de plusieurs ouvrages renommés de littéra* ture, et passe pour avoir secondé son mari dans tous ses travaux, abjurent le protestantisme dans la cathédrale de Cologne. Autour de Schlegel converti se forme une nouvelle pléiade, la pléiade dléna, comme auparavant la pléiade de Gottin- gen ou de Weimar. Parmi les astres qui la com- posent, distinguons Tieck, le plus grand poète et le plus grand critique de l'Allemagne moderne^ Frédéric de Hardenbei^, plus connu sous le nom de Novalis. Bientôt après, des hommes il- lustres se laissèrent entraîner par ce courant à la. fois religieux et poétique, et abordèrent, eux aussi, au catholicisme. De ce nombre furent le grand poète Werner, Clément Brentano, d'Edto- tein, Gœrres, et tant d'autres, écrivains, artistei ou nobles personnages. — 09 — Or, croit-on que les Jésuites aient été com- plètement étrangers à celte réaction catholique, et qu'ils ne puissent revendiquer leur part de gloire dans ce retour à une foi qu'ils ont dé- fendue avec tant de science, de courage et de dévouement, avant comme après leur suppres- sion? Qu'on en juge par les chapitres suivants^ où nous allons raconter la guerre que leur fit rimpiété qui redoutait leur influence, et la gé- néreuse énergie avec laquelle ils luttèrent contre elle. On reconnaîtra alors avec nous que l'Alle- magne doit principalement aux Jésuites d'avoir conservé cette sève vivace qui produisit ensuite une si riche moisson catholique. CHAPITRE TROISIÈME. RÉFORME DES UNIVERSITÉS, SES CAUSAS &T SBS SUITBS (1753-1793). L En 1 745, après toute sorte d'intrigues^ Pombal s'était fait envoyer comme plénipotentiaire média- teur à Vienne, pour Tarrangement du différend qui s'était élevé entre Benoit XIV et Marie-Thé- rèse relativement au patriarcat d'Aquilée. C'est donc en Allemagne qu'il commença sa carrière diplomatique, et, ajoute le cardinal Pacca, dont nous allons invoquer plus d'une fois l'imposant témoignage, « c'est à ce foyer du protestantisme qu'il apprit à haïr l'Eglise et les Ordres religieux. »i Mais la Compagnie de Jésus eut surtout l'honneur de ses haines, parce qu'elle était le principal obstacle à l'accomplissement des projets quMl conçut dès lors contre l'Église. Revenu en Por- tugal, à peine est-il arrivé au ministère, qu'il met avec ardeur la main à Tœuvre suprême de sa vie, la destruction de la Société et la rupture en- tre Rome et le royaume très-fidèle, ce qui, dans — 102 - sa pensée, était tout un. En 1 758, il obtient de Benoit XIV mourant un bref de visite et de ré- forme, et Tannée suivante il jette tous les Jésuites portugais dans les prisons ou sur la -terre d'exil. Commence alon pour le Portugal une rupture de dix ans avec le Saint-Siège, et une période bien plus longue d'attaques directes ou détournées contre l'autorité pontificale. Nourri de Giannone et de Fra-Paolo, ses auteurs favoris^ tout pénétré de leurs détestables doctrines. Pombal publie un manifeste qui ne laisse au Pape qu'un pouvoir nominal. Plus tard, en 1767, il cherche même à former une coalition entre le Portugal, la France et l'Espagne , afin d'entraîner dans le schisme la meilleure partie de l'Europe catholique. Pen- dant qu'il fait traduire et répandre à profusion lès œuvres de Voltaire, de Rousseau, de Di- derot et des autres coryphées de la philosophie antichrétienne , il établit à Lisbonne un tribunal de censure pour ^fnpécher la publication et l'in- troduction de tous les livres qui défendent la Compagnie de Jésus ou les droits du Saint-Siège. .Cependant, en 1770, pour plaire à la princesse dona Maria, qui devait être l'héritière du trôoe^ et peut-être aussi pour tranquilliser Tesprit du roi, qu'il n'avait pas entièrement corrompu malgré tous les écrits calomnieux et schismatiques dont il Tavait empoisonné, il ouvre une négocia» — 103 — tion avec Rome pour le rétabli ssement deB rapports entre le Portugal et le Saint-Siège. La négociation réussit en apparence, et la nonciature fut rétablie à Lisbonne. Mais ne voyons pas là un retour de Pombal à des sentiments meilleurs, une renonciation aux projets de sa vie, et ne nous laissons pas prendre aux hypocrites protestations d'amour et de vénératiom pour le Saint-Siège que contient sa correspondance officielle. Bernis écri- vait à sa Cour le 26 septembre de cette année 1770 : a La promesse par écrit de la suppression des Jésuites a été le fondement de cette réconci- liation. *i Pourvu qu'on supprimât les Jésuites, Pombal croyait, malgré la reprise des relations avec Rome, pouvoir encore arriver à ses fins. D'un autre côté, le cardinal Pacca nous apprend qu'après comme avant la réconciliation, «c les in- térêts de l'Eglise restèrent toujours sacrifiés, parce qu'on ne révoqua pas les lois destructives de la liberté et des immunités ecclésiastiques, qu'on ne mit aucun frein aux usurpations des tri- bunaux civils en matière religieuse, et que l'Uni- versité de Goïmbre continua d'être la propagande des doctrines les plus perverses (1). » En effet, peu de temps après la négociation de 1770, Pombal songea à pervertir le Portugal par (1) Mémoires sur la Nonciature de Lisbonne (Œuvres complètes, t. U^ p. 356). — 104 — renseignement. Dès longtemps il avait préparé ses mesures schismatiques. Nous nous rappelons le fameux ouvrage de Seabra de Sylva^ dans lequel il faisait accuser les Jésuites d'avoir comprimé plutôt que favorisé l'essor des sciences en Portu- gal et d'en avoir amené la décadence. Les Jésuites n'étaient plus ; mais à la célèbre Université de Coïmbre on suivait encore dans quelques matiè- res de philosophie et de théologie des sentiments introduits et soutenus autrefois par eux(l). Or, tout ce qui tenait à cette odieuse Société portait aux yeux du ministre le sceau de la proscription. D'ailleurs, son projet était de faire de* Coïmbre une sorte d'officine de jansénisme et d'erreur : il fallait donc lui donner une transformation plus complète. Pour préparer les esprits à l'importante (1) Nous allons puiser plusieurs détails sur cette affaire dans un ouvrage intitulé : Mémoires du marquis de Pomr bal (4 vol. in-12, 1784). Ces Mémoires écrits, croit-on, en italien par le Jésuite Fr. Gusta,et traduits en français par le grammairien Gatlel, sont faussement accusés d'exagération. Là, pas un mot de passion ou de colère ; partout justice, modération, impartialité, loyal empressement à reconnaître le bien conïme le mal. Guï?td est beaucoup plus favorable à la personne de Pombal, beaucoup moins porté à blâmer ses actes que la plupart des écrivains catholiques postérieurs, comme Pacca, Picot, Theiner lui-même et tant d^aulres; et la mémoire du fameux marquis gagnerait certainement à ce qu'on s'en tînt à ces renseignements sur sa vie et sur son ministère. — Les Mémoires du marquis de Pombal sont enrichis de pièces justificatives très-curieuses, qui tiennent presque un tiers de tout l'ouvrage. " 105 — révolution qu'il méditait, il fit publier un nouvel ouvrage intitulé : Histaire abrégée de V Université de Coïmbre^ depuis le temps que les soi-disant Jésuites s'y sont introduits^ ou ïon voit combien les intrigues et les innovations de ces religieux otit été funestes aux sciences et at/ic beaux-arts qui florissaient auparavant dans cette Université. L'auteur de cet écrit opposait l'ancienne splen- deur de l'Université à l'état de décadence où elle serait depuis tombée. Il nommait tous les grands hommes sortis de son sein, et qtli avaient ré- pandu dans toute l'Europe les lumières qu'ils y avaient puisées. Il détaillait surtout avec com- plaisance les manœuvres prétendues des Jésuites, pour diminuer un éclat qui blessait leur vue fai- ble et jalouse. 11 montrait comment ces religieux avaient abusé du crédit qu'ils avaient auparavant dans le ministère, pour faire élire présidents et visiteurs de l'Université, des hommes indulgents et dévoués à leur Compagnie, afin que les divers collèges qu'ils avaient dans le royaume, mis en parallèle avec leur rivale, pussent soutenir la comparaison (1). Quelle que fût la décadence de l'Université de Coïmbre, décadence, nous l'avons dit, beau- coup moiiis réelle qu'on ne l'a prétendu, quel- (i) Voir MémU-es de Pornbaf, t. Uî, p. 48. — 106 — ques abus qui s'y fussent glissés , elle avait eu daus tous les temps de grands professeurs en théologie, en droit civil, en droit canon, en médecine, etc., et elle avait produit une mul- titude de magistrats célèbres , de savants ju- risconsultes/ de profonds théologiens et d*ha- biles médecins. Cependant, nous l'avons encore reconnu, dans les dernières années de Jean Y et sous le règne de Joseph I, les Universités n'avaient pas échappé entièrement à l'indolence et à Ten- gourdissement universel qui gagnait la nation. Les esprits étaient sans ressort, les talents sans émulation, les études sans encouragement. Ceux qui se distinguaient encore dans les lettres, n'obtenaient pas même du gouvernement cette considération, la première et la plus flatteuse récompense du savoir (1). Puis, Pombal venait d'ouvrir les portes du Portugal à des doctrines hétérodoxes : la crainte de ces nouveautés dan« gereuses , la vue des aberrations coupables où une fausse philosophie avait entraîné quelques hommes, mettaient les meilleurs esprils^^ ainsi que nous l'avons vu pour rAilleraagne, en suspicion contre la science et le talent qu'ils confondaient, — ne distinguant pas l'abus de l'usage, — avec l'impiété et l'irréligion. (i) Bien plus, les hommes du premier mérite, s'ils anient — 107 — Maia la décadence de rUniyersité de Goimbre 6Ût«elle été plua profonde encore, qu'on ne pour- rait, sans ignorance ou sans injustice, en rendre ïm Jésuites responsables. Restreints dans l'Unie Tersité à la faculté des arts, ces Pères n'ensei- gnaient que la philosophie, la rhétorique, les humanités, la grammaire, et les langues grecque et hébraïque. Four tout le reste ils n'avaient absolument aucune influence. L'Université en- tière, dont ils ne faisaient qu'une légère portion, était immédiatement soumise à l'inspection du lé malheur d^exciter les soupçons ou la jalousie de Timpi- toyable ministre, étaient plongés dans les cachots ou en- voyés en exil. Témoin de Barros, gentilhomme portugais, astronome habile, cité avec éloge par Barbosa (BibL Lusit, tome IV^ p. S13), parLalande dans sa Bibliog. astronomique (pages 450^ 461), aux années 1753, 1756; par Bailly, Mé- moires de V Académie des Sciences (année 1771). De Barros, correspondant de l'Académie des Sciences de Paris, membre de l'Académie royale de Berlin, et dont le célèbre de Tlsle s'est Sût un honneur de publier les découvertes ; ce Barros, ami des Jésuites, leur élève probablement, et du moins un fruit de la décadence des études en Portugal, fut impliqué par Pombal dans la prétendue conspiration du 3 septembre 1758> et ne fut réhabilité qu'après la mort de Joseph !«', par ordre de la reine Dona Maria (Voir Lalande, Astronomie^ t. IV, p. 694). . A la place des savants et des professeurs distingués portu- gais, exilés ou emprisonnés, Pombal fit venir à grands frais des professeurs étrangers, qui n*ont laissé après eux aucune œuvre scientifique , aucun élève remarquable. Ainsi cette ré- forme tant vantée n'a abouti qu'à introduire le jansénisme en Portugal, ou à répandre des semences d'impiété dans ce mal- henreux royaume ! — 108 — Conseil de conscience! où les Jésuites n'entraient pas^ et où, par conséquent, ils ne pouvaient do- miner. Mais il fallait voir les Jésuites partout pour leur attribuer le mal qui revenait souvent tout entier à leurs accusateurs (1). Du reste, cette réforme de l'Université faite avec tant d'ostentation et célébrée ensuite avec tant d'emphase , n'eut d'autre effet réel que de satisfaire la vanité et de remplir les vues schis- matiques du marquis de Pombal. Le lecteur n*a pas oublié les paroles de Pacca que nous invo* quions tout à Theure. Dans un autre endroit du même ouvrage, le savant cardinal ajoute : tf Après avoir donné le premier signal de la per- sécution contre un Ordre célèbre par les services qu'il a rendus à la religion et aux sciences, Pom- bal corrompit renseignement public dans les écoles, les Universités, et surtout celle de Goïm^ bre. » Rendant compte de cet ouvrage dans les Annales des Sciences religieuses de l'abbé de Luca (2), le P. Theiner développait ainsi la pen- sée de Pacca : « Personne , certainement , n'a présenté la décadence du Portugal en ce point, qui est le seul vrai , avec autant d'énergie et d'utilité que notre illustre écrivain , qui, ayant (1) Mémoires 1 1. I, préf., p. xliv, (2) T. H, p. 162, 1836. — 109 — demeuré, en qualité de nonce apostolique , pluft de sept années en ce pays, a eu toute facilité d'en bien connaître l'état religieux et civil. Sui- vons donc le noble écrivain dans ses graves con- sidérations , et réunissons sous un seul point de vue les causes de la décadence du Portugal j. que l'auteur a développées dans le cours de son ou- vrage. Alors nous demeurerons convaincus que les doctrines jansénistes, qui ont jeté de si pro- fondes racines dans ce malheureux pays^ en ont occasionné la ruine. Plein de justesse et de sa- gacité, le cardinal Pacca nous montre par quels moyens le jansénisme est parvenu à établir en ce royaume sa domination avec plus d'empire qu'en aucune région catholique. Ces moyens ont élé la destruction de la Compagnie de Jésus, la rareté, pour ne pas dire la prohibition , de tout livre catholique, et enfin la ruine de l'Université de Coïmbre , qui , d'institution vraiment et émi- nemment catholique, devint alors le foyer des erreurs jansénistes. » Quelques pages plus loin (1), le P. Theiner (que nous avons un vrai bonheur à citer) disait encore : « Après la suppression de la Compagnie de Jésus, qui, tant qu'elle subsista, défendit et garda pur et entier le dépôt des vraies doctrines , (1) P. 171. — 110 — de rËglîfe; après TérectioD d'un tnbmmÊl /iim de censure, il restait peu à faire pour rendit complet le triomphe du jansénisme en PortngaL Mais cela était réserré à TUniversité deCoimbre, qui, depuis qu'elle eut été enlevée aux Jésuites, reçut une direction toute nouvelle touchant Ten-* seignement public. Elle tomba entièrement dans les mains des novateurs et des incrédules. Ce fiii encore là l'œuvre de Pombal et de Seabra, soa instrument, b — Au moins, tout en suivant une ligne hérétique, les sciences firent-elles quelques progrès à T Université de Coimbre et reprirent*, elles celte marche en avant qu'avaient arrêtée les Jésuites? Le P. Theiner va nous le dire encore : « Les professeurs de l'Université de Coimbre ont donné le dernier coup à la vraie science en Portu- gal. — Le gouvernement de Pombal et ses consé-* quences en Portugal sont la plus victorieuse apo« l(^e de la Compagnie de Jésus, Sous l'empire tyranni()ue de ce ministre, les sciences tombèrmt dans un état de barbarie dont -elles ne se sont pas encore rélevées (1). » (i) Ibid., pages 177^ 180. •— On lit dans Lalande, Pr^aot de son astronomie, p. 4 : « En Portugal le roi Jean Y fit élever un observatoire dans son palais à Lisbonne ; le P. Cai^ boni et le P. Copasse, Jésuites, y Grent des observatioiui. Lv Jésuites a^ent aussi fait élever un observatoire dans le col- lège de Saint-Antoine. » — En 1758, 1759, époque de l'ex- pulsion des Jésuites par Pombalf le P. Eusèbe de Veigt I — 111 — De pareils textes se commentent assez d'eux- mêmes : il est facile de voir que cette réforme de l'Université de Coïmbre, dont on voulait faire une honte aux Jésuites^ tourne entièrement à leur gloire. IL C'est encore leur apologie que nous allcms écrire en retraçant Thistoire de la réforme des Universités d'Allemagne : apologie victorieuse que celle qui résulte des faits mêmes invoqués par leurs ennemis et transforme les accusations en moyens de défense ! Dans l'immense conspiration du xvui* siècle contre le catholicisme et la papauté , on s'ef- força surtout de déconsidérer les Jésuites et de leur ôter toute influence^ en attendant qu'on les détruisit. Une des mesures les plus perfides em- ployées à cette fin, et qui fut d'abord mise en œu- Lisbonne^ le P. Bernard de Oliveira à Coïmbre et le P. Denis Franco à £vora, tous trois professeurs publics de mathémt- tiques, faisaient des observations et publiaient des ouvrages utiles à Tastronomie et à la marine. Chassés brutalement de leur patrie^ ils portèrent ailleurs leur science et leur dévoue- ment; et Ton voit plus tard da Veiga occuper un observatoire à Rome^ et Lalande citer les éphémérides du savant portugais •ux années 1788, 1789. — Le même Lalande écrit qu'en 1787 (après la mort de Pombal) « on avait construit un observai* toire au château de Saint-Georges, et qu'à Coïmbre il y avait un observatoire occupé par le P. Monteiro. » — 112 — Tre dans la catholique Autriche et sous le nom de la catholique Marie -Thérèse, ce fut de leur en- lever les chaires de l'enseignement supérieur ecclésiastique. Le nom de Stock se rattache tris- tement à cette révolution. Simon-Ambroise de Stock avait fait ses études chez les Jésuites de Rome, au collège Germani- que. De retour à Vienne, il devint recteur de rUniversité en 1746, et président de la Faculté de théologie en 1753. C'est de cette année que date la guerre à mort déclarée en Allemagne aux Jésuites. On préluda à leur destruction par la réforme de l'enseignement dans les États hérédi- taires de la maison d'Autriche. Cette réforme fut déterminée par une circonstance qu'on n'aurait pas soupçonnée d'abord devoir l'amener. Marie- Thérèse avait fait demander au célèbre Boer- haave, professeur de médecine à Leyde, deux mé- decins, s'en rapportant à lui pour juger de leur habileté, et ne mettant, de son côté, qu'une seule condition, qu'ils seraient catholiques. Boerhaave lui envoya deux de ses disciples, devenus célèbres eux-mêmes, Gérard Van-Swieten et Antoine de Haën. Quoique nés de parents catholiques, ces deux hommes étaient attachés aux évêques schis- matiques d'Utrecht, qui était alors, comme on ^t, la place forte du jansénisme. Devenus pre- miers médecins de l'impératrice^ ils ne déployé- — 113 — rent pas plus de zèle pour la science que pour le triomphe de leur parti, et c'est avec raison qu'on les accuse d'être les preoiiers auteurs des chan- gements qui eurent lieu depuis à Vienne dans renseignement de la philosophie et de la théolo- gie, et d'avoir ainsi préparé les atteintes portées au catholicisme en Allemagne. A leur instiga- tion, rimpératrice nomma trois conseillers char- gés de suivre un plan de réforme. Ce fut pour exécuter ce plan que l'abbé de Stock fut fait président de la faculté de théologie. Il fut se- condé dans cette œuvre par Paul-Joseph deRieg* ger^ que l'on nomma, pour cet effet, professeur de droit canon, et par Charles-Antoine de Mar- tiiii, professeur de droit naturel. Stock fit venir dltalie de nouveaux professeurs pour toutes les Universités et élimina partout les Jésuites de l'en* geignement (1). On peut suivre jour par jour, en quelque sorte, cette véritable révolution des idées religieuses au sein des États héréditaires, en parcourant les Nouvelles ecclésiastiques y journal janséniste, qui ne manquait jamais d'en con- signer toutes les phases en autant de bulletins de victoire. Les détails de la campagne leur étaient transmis par l'abbé du Pac de Bellegarde, (i) Voir sur tous ces faits, Picot, Mémoires pour seriHr à nistoire ecclésiastique^ t. 1V> p. 3SU et sqq. 8 — IM — le grand patron de l'Ëglise janséniste d'Utrechi, Tarai et le correspondant à Vienne de Van- Sweten et de Haën. L'année 1753 est méraorable dans les bstés du jansénisme, à cause de la protection que h secte, grâce à la faveur des deux médecins hol^- landais, commença à obtenir de la pieuse mais trop confiante Marie-Thérèse. Aussi lit-on dans la feuille janséniste du 9 janvier 1754 : «^ L'an* gtiste impératrice Marie-Thérèse vient de publier un rescrit qui n'aura que des admirateurs. » Dans ce rescrit de décembre 1753, il s*agissait de tolérance à l'égard des jansénistes. — Le 1% mars 1756, la Gâ^e^fe parle d'un autre rescrit dé l'impératrice, en date du 22 décembre 1755^ qni interdit à ses sujets belges d'aller faire letirft hautes études ailleurs qu'à l'Université de Lou- vain. « Il faut observer, dit alors le gazetier, qtté dans le préambule de cet édit, Sa Majesté imp^ riale, parlant de l'inconvénient qui résulte 4e l'abus auquel elle veut remédier, ajoute : k Gé qui , outre le préjudice qui en résulté p&ér notre Université de Louvain, peut faire natIM dans l'esprit de la jeunesse des impressions A\x§à contraires à notre service qu'au bien commtttt du pays. » — Voici quelque chose de plus ex- plicite encore. A la date du 12 novembre 1760, nous lisons : « L'impératrice vient de puWar — 115 — (45 août) un décret portant étabH^sémënt Ae èeux chaires dé théologie poiii* les religieux Do- minicains et Augustins dans toutes les llniversitéfs de ses différents Ëtats. Cette prlhcësâë ié édn- firme de plus en plu^ dans la résolùtiori de dërà- dner de ses États la mauvaise doctrine €(uë lés Jésuites ont répandue, v — Enfin, le H tiïaris 1Î74, faisant l'éloge de M. de Stock, évêqùe de Rosone, mort en 1772, le gazetîèr raconté tout au long l'histoire de la réforme deè Universitéà des États d'Autriche, opérée par son zèle. « fièé que M de Stock, dit-il, eut été nommé asâesséai* du Conseil aûlique (ou commission im{)ériatlll] pour la réforme des études, il représenta à be tribunal que, pour la téformié paf (iCuKère dé là fàcuHé de théologie de Vienne, il était néfces^ saire d'y introduire de nouveaux prbfe^sétii^ différents des Jésuites, qui depuis fo^t longtèYhps ii'y enseignsiient qu'une doctrine corrompue Ètit le dogme et sur la morale. Cette pro^iositién M approuvée, et M. de Stock fût cfeài'gé d'en pref- eiïrer t'exéciition. En conséquence, il fit Véni^ tf Italie le Père Gervasio, Atigttstin,- et le Vëté Oatsanîga, D<[>ininicft!n. » — << Ce n'eét pas setiK$^ mlenC de la réforme de laf théologie que s'octu- {)âit M. de Stock, continiié le J^i^rnaliste ; mfài^^ GOtftaineii Ipie les JéftoHei^ n'avaient pas îtieiM Mitttfipu l'€ftftpeignetfneiit du dr&it canotiiqiiè^ — 116 dont ils étaient presque seuls^n possession dans les Universités autrichiennes, il eut beaucoup de part à la défense que Sa Majesté impériale fit signifier aux Jésuites en i 769, d'enseigner à l'a- venir cette partie de la science ecclésiastique dans aucune Université de sa domination. Et pour réformer l'enseignement en même temps que les maîtres, M. de Stock publia à Vienne cet excellent Sommaire du droit public ecclésiaS'- tique j composé de cent propositions, et réimprimé depuis en plusieurs endroits, nommément à Paris, chez DesainI, en latin et en français (comme nous l'avons annoncé dans le temps). Ce som- maire devait servir de règle aux candidats qui aspiraient aux grades de la faculté de droit canon dans toutes les Universités des États autri- chiens. » On devine bien ce que pouvait être ce som- maire. Il était composé de cent articles qui étaient en parfaite conformité, remarque Picot, avec ceux qui furent dressés vers 1717 par les doc- teurs appelants de Paris. Du reste, tous les livres qu'on mettait alors entre les mains des jeunes gens étaient choisis dans les mêmes principes. Voilà donc toutes les Universités à la disposi- tion de la Cour qui nommait seule les professeurs de théologie, sans égard aux droits des évêques. Les chaires de droit canon ne furent plus con- — 117 — fiées qu'à des laïques, et celles de théologie qu'à des thomistes et à des augusliniens, c'est-à-dire à des jansénistes. Le grand prétexte que l'on mit en avant pour enlever aux professeurs Jésuites l'enseignement public, fut leur morale relâchée. Ils avaient aussi, disait-on, corrompu le dogme, ils n'en- seignaient plus que le molinisme; mais la véri- table raison était leur attachement au Saint- Siège. — « Ils ne professaient plus, pour ainsi dire, ajoutait un autre, que la doctrine de saint Thomas d'Âquin, de Suarez, etc., au lieu de celle de Jésus-Christ^ des saints Pères et des Conciles. » (C'est ainsi que parle le Père Faustin Prochaska, Franciscain (1) ) : comme si saint Thomas , Suarez, et les autres théologiens scholastiques, n'avaient pas conservé et expliqué la doc- trine de Jésus-Christ et des saints Pères! Mais on comprend ici l'esprit et les vues secrètes des novateurs. Les docteurs scholastiques ren« ferment l'erreur dans des formules si étroites et si précises, qu'ils ne laissent ni carrière à la subtilité ni moyen d'échapper à la mauvaise foi. On aime mieux, à l'exemple des prolestants, re- courir à la seule Écriture, qui se prête à toutes les ■^(i) Dans son livre intitulé : De sœcularibus liberalium artium in Bohemia et Moravia fatU commentarius (Prags, 1782)» p. 396. — 118 - i()ter{>rét^tipQ^ erronée;; et si 1 on consent à v%r Goi^rir ^ux saints Pères, c'est encore à la condir. tion qu'on les entendra à sa manière et qu'on le^ pliera à son seqs particulier. Au reste, pour ne pas laisser de dou|e ^uf* ce point, le ipême Pro- chaska di( plus bas(l) que , « par )es soins d'Etienne Raultenstraucb et du chevalier Josepl^. de Riegger., on a rendu la liberté aux études du droit canon, » c'est-à-dire, qu'on les a affraur chie> de l'autorité de l'Eglise en les confianti comme nous l'avons vu, aux seuls laïques. Et ^ la pag^ suivante, U ajoute : « Après la destrqç? tion de la Société des Jésuites, rien n'empêchaqt qu'on ne réformât toutes les écoles , tout ce qu'elles avaient de vicieux périt jusque dans $9. racine, et grâce à la volonté de l'auguste Marier: Thérèse et aux soins de l'illustre Rauttenstrauçby (1) /6êd.,p. 411. Au P. Prochaska Ton peut joindre le P.. Gosme Smalfus^ religieux Augustin^ qui^ dans un ouvrage in - titulé Historia religionis et Ecclesix chrisHausSy se montre très- favorable aux jansénistes. A propos de la réforme des Universités, il dit (t. V, p. 193) « que le siècle d'or de Lpuis XIY est dû surtout aux solitaires de port-Royal, aux Bénédictins de Saint-Maur, et à d'autres hommes émineats en doctrines, etc ; qu'en Espagne le développement des sciences arrêté, non par l'absence du génie, mais par les lois de fer de l'Inquisition, n'a pris son essor que sous Charles Hl; et en Portugal^ qu'après la suppression des Jésuites. 11 prodigue aussi ses éloges à Simon de Stock, à Rauttenstrauch, à Jlo* seph II, et même aux signataires des articles schisrmtlques d'Enis. — 119 — oa vit paraître la science nouvelle avec son ad- mirable organisation. L'élude des lettres divines fiîlt ramenée à sa source. La connaissance des anciens Pères, de l'histoire de la théologie et de tout ce qui a rapport au salut des âmes, prit la pli^ce des disputes inutiles. » On entend assez ce langage, qui a été celui de$ protestants et de tous les modernes novateurs. Mais, pour pénétrer davantage dans l'esprit de ces réformes , disons un mot de ce Rauttenstrauçh dont Prochaska nous faisait tout à l'heure un si niagnifique éloge. — Etienne de Rauttenstraucb, Bénédictin , abbé de Braunap , avait commencé par professer la théologie dans son abbayet C'était le temps où l'on cherchait à élever l'au- torité des princes sur les ruines de l'autorité spirituelle. Rauttenstraucb enseignait cette doc- trine nouvelle. Mandé à Prague devant le Consis- toire archiépiscopal pour y rendre compte de ses opinions , il fut privé de sa chaire. Ce fut lori- giqe de sa fortune. Il envoya à Riegger, profes- seur à Vienne et en grande faveur à la Cour, son Traité du Pouvoir du Pape^ ses thèses et se« défenses. Les sentiments soutenus dans ces écrits étaient alors en crédit à Vienne, et d'ail- leurs Rauttenstraucb avait eu soin de se peindre comme une victime des Jésuites. Riegger com* muniqua donc ces écrits à Stock , président de — no- ta faculté de théologie de Vienne et membre du Conseil des études. Stock , de son côté , parla de Rauttenstrauch à Marie-Thérèse comme d'un sujet précieux , et sans faire mention du jugement porté à Prague , il le fit nommer pré- sident des études dans la Tille même où il avait été condanmé. Là , Rauttenstrauch mit tout son zèle à servir ses protecteurs et à humilier ses adversaires. En 1771 , il publia des Prolégomènes sur le droit ecclésiastique universel et sur le droit ecclésiastique de T Allemagne, où il défen- dait par vengeance ses opinions d'autrefois. Son triomphe fut bientôt plus complet. Toujours abusée sur son compte^ Marie-Thérèse l'appela à Vienne en 1774^ et lui donna la place de Stock, qui était mort deux ans auparavant. Placé sur ce vaste théâtre , investi d'un pouvoir absolu , il avait tous les moyens de faire prévaloir les idées nouvelles. Il en usa largement. Il dressa un flan de théologie qui fut déféré à Rome. Le cardinal Migazzi, archevêque de Vienne, Kerens, ancien Jésuite et évéque de Neustadt, le Pape lui-même, firent des représentations inutiles au gouvernement impérial. Pour toute réponse, le tribunal des études approuva et le plan et une Introduction à l'Histoire ecclésiastique dressée d'après les mêmes principes par Ferdinand Stoger, professeur de cette science à Vienne. — 121 — Toutes les chaires étaient occupées par des hom- mes imbus des idées nouvelles. L'un d'eux, Pehera, conseilla d'employer la langue vulgaire dans la célébration des offices et dans l'admi- nistration des sacrements. Le 15 juillet 1784, Rauttenstrauch fit soutenir à Vienne une thèse où l'on prenait contre le Pape le parti de l'Église janséniste d'Utrecht, où l'on permettait une usure modérée , où enfin on soutenait les droits des princes non in sacra sed circa sacra^ distinction subtile et ridicule, au moyen de laquelle on les rendait maîtres de tout. Rauttenstrauch allait propager les mêmes doctrines en Hongrie, lors- qu'il mourut à Erlau, le 30 septembre 1785 (1). Ainsi, substitution des doctrines augustinien^ nés, c'est-à-dire plus ou moins jansénistes, aux doctrines molinistes, c'est-à-dire catholiques; introduction d'un nouveau droit ecclésiastico- civil qui restreignait les droits de TÊglise, en- chaînait sa liberté et donnait la prépondérance au pouvoir séculier : tel fut bien le résultat de la prétendue réforme des Universités dans les Étals héréditaires de la maison d'Autriche. À l'époque de la suppression de la Compagnie de Jésus, c'est-à-dire dans les années qui la pré- (i) Voir Picot, Mémoires pour servir à l'histoire ecclé- ëiastique, t. IV, p. 460, et Feller, Diction, hist,, 911 \mi Rauttenstrauch*' — 122 — cédèrent et dans celles qui la siiiyireat, le jaosé- nisnie, quoique discrédité en France par les extravagances des convulsionnaires , y forma toujours un parti puissant. Avec son hypocrite souplesse, il se transformait suivant les circon- stances : autrefois frondeur, bientôt gallican, au- jourd'hui instrument des rancunes parlementaires contre la royauté, et des haines de la philosophie • contre les Jésuites et contre le christianisme. Mais, ce qui est plus digne de remarque; c'est que ce fut au moment même de sa plus grande faiblesse comme secte, qu'il se répandit avec le plus de succès dans toute l'Europe. « Nous re- trouvons leurs traces (des jansénistes), dit Léopold Ranke, à Vienne et à Bruxelles, en Espagne et en Portugal, en Italie même. Leurs doctrines sq répandirent dans toute la chrétienté cathoUque, quelquefois pubUquement, le plus souvent secrè- tement (1). D Encore un coup, nulle part ils ne faisaient de véritables adeptes. Il ne s'agissait plus ni de Jansénius, ni des cinq propositions. Le jansé- nisme à cette époque n'était plus que le parti de l'opposition politique et religieuse, et de la guerre contre le Saint-Siège. Nous en avons une preuve nouvelle dans l'invasion du fébronianisme en (i) Histoire de la Papauté^ t. IV, p. 484. — 123 — Allemagne. Ce fut en 1763 que ^ean-Nicolas de Hontheim, évoque (in partibus) de Myriophite, suffragant de l'électeur de Trêves, publia le fameux ouvrage intitulé : Jmtini Febronii, ju- risçonsultij de statu prœsenti Ecclesiœet légitima potestafe romani Ponti/îciSf liber singularisa etCn Celte dégoûtante compilation, où les erreurs les plus monstrueuses, les contradictions les plus gf'ossières ne sont revêtues que d'un style détestar ble, obtint pourtant de nombreux suffrages en Allemagne ; elle fut surtout bien accueillie dans les Pays-Bas, foyer du jansénisme. C'était d'ail- leurs, en vue des Pays-Bas autrichiens que, suivant qi)elques auteurs (1), elle avait été écrite par Qontheirn, qui, fort désireux d'y obtenir un évéché, avait cru se ménager la protection du gouvernement en détruisant la hiérarchie ecclé- siastique pour mettre TËglise sous le pouvoir tçmpprel, et les suffrages de quelques mem- bres du clergé en combattant l'autorité du sou- yerc^in Pontife. Le FebroniuSy en effet, n'est qu'un indigeste amas d'emprunts faits à tous les écrits jansénistes et protestants, où les sarcasmes contre les Ordres religieux se mêlent aux déclamations et aux insinuations soupçonneuses contre le Saiqt-Siége ; qu'un système anticatholique cal- (i) Voir l?'«ller, Dici> hUL^ art. ^oniheim. — r>4 — que sur les écrits des appelants français, où Ton donne sérieusement et avec les plus grands détails une recette pour faire un schisme. Ce fut dans l'électorat de Trêves que se répan- dit d'abord celte mauvaise doctrine et qu'elle y fit tout le mal que nous avons vu résulter à Vienne des réformes de Stock et de Rautten- straucb. En 1764, un an après l'apparition de FebroniuSj l'archevêque-électeur publiait une ordonnance portant règlement pour le choix des professeurs de la faculté de théologie de Trêves, dont les Jésuites avaient jusqu'alors rempli tou- tes les chaires, et pour l'administration de cette faculté. 11 y était dit que le prélat u ayant exa- miné ce que lui avait représenté le recteur de l'Université touchant les personnes qui doivent être désormais employées dans les chaires de philosophie et de théologie, il avait accepté les offres que lui faisaient quatre abbayes de l'Ordre de Saint-Benoit, lesquelles s'étaient engagées à fournir, du nombre de leurs religieux, des pro- fesseurs remplis de zèle et de capacité, etc. i» — Suivait la nomination des professeurs, dont Tun était prêtre séculier , les trois autres reli- gieux Bénédictins. On comprendra la portée de cette mesure, si nous rappelons qu'un grand nombre de membres de l'Ordre de Saint-Benoit marchaient alors en Allemagne sur les traces des — 125 — Rauttenstrauch et des Oberhauser. Partout d'ail- leurs les principes de Fébronius pénétraient dans les Universités, et dans plusieurs d'entre elles, dit Picot, « on \it bientôt prévaloir une théolo- gie et un droit canon fondés sur des bases toutes nouvelles, et qui ressemblaient plus à l'enseigne- ment des protestants qu'à celui des écoles ca- tholiques (1). » Toutefois, cette fatale révolution n'alla pas aussi vile dans les Universités deCologne, de Fribourg en Brisgau et de Mayence, bien qu elle ait fini par y triompher. Parmi les Universités, celle de Cologne avait été la première à condamner Fé- bronius, et elle avait ainsi mérité un bref de fé- licitation du saint pontife Clément XIII. Cepen- dant, à Cologne, des hommes habiles, mais amateurs des nouveautés et hostiles au Saint- Siège ^ écrit le cardinal Pacca (2), « voyaient de mauvais œil la jeunesse de Télectorat fréquenter les écoles de l'Université, où la doctrine catholi- que et le respect dû au Saint-Siège s'étaient conservés purs et intacts. » Ces hommes circon- vinrent rélecteur -* archevêque Maximilien de Kœnigsegg (3), prélat pieux et bien intentionné, {\) Mémoires pour servir à Vhist. eccL, t. II, p. 457. (2) Nonciature de Cologne, p. 198. (3) Et non Maximilien Frédéric de Bavière ^ comme dit par erreur le P. Theiner, Histoire du Pontificat de Clé- ment XI r, t. l, p. 297. — 126 — mais peu en garde contre la séduction. Aiml ipàê le raconte le Père Theiner, il songea d'abord à établir une Université à Munster, dont il était aussi évêque , et son projet , pour de bonnes raisons, fut entravé par de nombreuses difficot^ tés. Plus tard, toujours poussé par ses perfidei conseillers, il voulut encore fonder une Uni- versité à Bonn, ville du diocèse de Cologne. Ce fut son successeur qui, au mois de novembre 1786, en fit avec grande pompe Touverlure. « Le lendemain de la grande cérémonie de Tinaugu-^ ration, raconte Pacca (!}, un chanoine du grand chapitre, de retour à Col(^e, me dit que cette inauguration, avec toutes ses circonstances, pon- vait être regardée comme une solennelle déclara- tion de guerre au Saint-Siège. Je lus le discourt du baron de Spi^el, et je le trouvai tel qu'il de^ vait sortir de la bouche d'un homme suspect, qui passait en Allemagne pour être affilié à ht secte des illuminés. » Dans son Histoire det instiluiions (Téducaiiùiê ecclésiastique (2), le P. Theiner confirme ad- mirablement le témoignage du cardinal PaccÉ. « L'éducation de la jeunesse allemande qui st consacrait au service des autels, devait être trans- formée comme l'avait été Téducation générale, (1) Uld supra. (2) T. U, p. 39. :::. 127 — et placée $ous rinfluence de rilliithifilêttle. fiHih- taèr, qui, datis le langage dé l'drdre, s'appelait Pic de la Mirandole, dilré à Tiefenbach, l'un Aek premiers de Faréopage suprême, rédigea le plan de Téreciiôn d'utie académie des sciences pour l'Allemagne catholique, qui devait M cbmposer uniquement d'illuminés, tl parait que TUniver- sUé de Bonn fut choisie pour avoir l'honneur d'achever celte belle missioh. Elle devint du fcoins, dès son ouverture en 1786, l'asile secret de tous les théologiens libéraux qui, en face du public batholique et sôus la protection des grands prélats de l'Allemagne^ insultaient ouvertement à l'Écriture sainte, aut saitits décrets de l'Église catholique, à ses institutions et à ses coutumes les plus sacrées^ ainsi qu'au Vénérable chef de 1^ chrétienté. Dereser, de l'Ordre des Cartties dê^ chaussés, plus connu à cette époque sous le ndM de frère Thaddée a $ancM Adûmo^ précepteur du fils de l'électeur palatiâ^ eut une grande part à l'érection de cette académie, sur laquelle il exerça une influence si incroyable et si adnrile. La méchanceté et laudace dès prêtres qui se pré^ entèrent à Bonn comme maîtres des jeunes lévi* tes de l'Église catholique, passent toute imagina-^ (ion et révoltèrent même leurs contemporains. Mais le cri d'alarme ne fut point écoulé... Bonn devint alors l'organe de l'éducation théologique — 128 — et catholique de rAliemagne. Ce fut de là que partit la déclaratioD de guerre à Tobscurantisine et à rultramontanisme prétendus. On commença par attaquer Tantique UniTersité de Colc^e, cette célèbre forteresse de la foi, et Ton ne prit aucun repos jusqu'à ce que ses Ténérables fon- dements fussent abattus. Avec TUniversité de Cologne s'écroula Tun des plus forts boulevards du catholicisme en Allemagne. » Tous les autres asiles de la religion^ de la piété et de la foi, dans FAllemagne catholique, partagèrent bientôt le même sort. Ainsi, en 1 773, année de la suppression de la Compagnie de Jésus, l'Université de Wurtzboui^ vit aussi le jansénisme s'introduire dans son sein. On y en- seigna la Iheologia moralis de Godeau, é?êque de Yence, Tami de Saint-Cyran; la Ihedogia mentis et cordis de Contenson; le Breviarimn historiœ ecclesiœ de Berti (I). — Même révolution à Fribourg en Brisgau et à Mayence, dont les Universités avaient été «olevées aux Jésuites. « Aux deux Universités de Friboui^ et de Bonn, qui s'étaient chaînées, dit encore ici le P. Theiner, de secouer la torche destructive des lumières modernes sur l'Allemagne cathoUque et de ren- verser ses autels que le sang des martyrs avait (I) Voir Essai sur r histoire de VUniversUé de fFurU-^ bowrg, par Bœnike, p. 213. ~ 129 — élevés et sanctifiés, se joignit bientôt une troi<- sième, rAcadémie de Mayence, qui leva $a tète orgueilleuse sur les ruines de Tantique et célèbre ville de l'apôtre. Frédéric-Charles d'Erthal, élec- teur et archevêque de Mayence, un des plus zélés propagateurs de l'illuminisme et des lumières, et dont le nom est pour cela même si cher à notre siècle, en fut le fondateur. 11 l'avait érigée sur les ruines encore fumantes de FUniversité des Jésuites (1). » III. Dès lors le jansénisme entra par toutes les por- tes en Allemagne. La plupart des livres de théolo- gie et d'histoire ecclésiastique qui parurent à cette époque, en furent infectés. Mais le jansé- nisme servait de manteau ou d'introducteur à la philosophie antichrétienne (2). Témoin de la (1) Histoire des Instit. d*éd^. eccL t. Il, p. 42. (â) l\ préparait aussi les voiéà à la révolution qui devait couvrir de ruines la France et l'Europe. L'on voit par plus d'un exemple dans les Mémoires du cardinal Pacca quelle affinité il y avait entre les jansénistes , réformateurs des Uni- versités, et les révolut\pnnaires, ennemis des rois non moins que de l'Église. Dans ses, Mémoires sur la Nonciature de Lisbonne^ l'éminent écrivain nous trace le caractère affreux d'u'n ceilain Faria Lémos, qu'on pourrait appeler Tàme dam- née de Pombiil, et qui avait usurpé le siège épiscopal de Coïmbre, tandis que l'évOque légitime languissait duns les cachots du cruel ministre Or, cet indigne prélat, qui avait — 130 — doctrine qui se professait à Vienne sous J9te|^ U, un voyageur protestant^ le baron de Riesbeck, écrivait : « Le clergé porte dans son sein iM serpent qui lui causera la mort ; ce serpent estk philosophie, qui, sous l'apparence de la théôlogi«« s*est glissée même jusqu'au trône épiscopal. Uâ grand nombre de jeunes ecclésiastiques sent infestés du poison de ce serpent dans les Univei^ sites (1). » Ce fut, en effet, à partir de 1780, c'est^-dir* sous le règne de Joseph II, que le mal fit des progrès effroyables. Tant qu'avait vécu la pieuse Marie-Thérèse^ il s'était dissimulé sous le nom spécieux de réforme; mais, après la mort de commencé par répandre des livres jansénistes dans son dio- cèse et qui mettait entre les mains de la jeunesse dès otivlragls pernicieux^ tels que Fébronius; ce loup ravisseur ^QommB ià Pacca , tt était en correspondance avec k fameux Grégoire, ëvêque intrus de B\o% fanatique janséniste, républicain 6t régicide. » (p. 366;. Ailleurs, le savant cardinal s'exprime ainsi : a A peine la Révolution française eut-elle consotiimé on schisme funeste par la sacrilège consécration des évèques institués ou confirmés par l'Assemblée nationale , que ^»r sieurs professeurs des Universités allemandes courureat s'e&- rôler sous l'étendard de ce clergé intrus y désertion salatito en ce qu'elle purgea l'Allemagne de quelques-uns de ees hommes pervers qui^ du haut de leurs chaires de pestilence, répandaient les maximes les plus impies^ les erreurs les pins désastreuses. » [Mémoires sur la Nonciature de Colo§nÊ^ p. 266.) (1) f^oyage en Allemagne, traduit de l'anglais^ t. Il; p. 107. — tsi — rimpératrice^ il se montra dafis toute sft hideux réalité et ne fut plus que la guerre ouverte àii Saint-Siège^ au catholicisme et bientôt à toiite religion. On connaît l'œuvre de Joseph II et de Herbestein , évoque de Laybach , son digne complice. Joseph, ne tenant plus aucun compte des droits du Saint-Siège et des évéques, fit lui seul une nouvelle circonscription des évéchés de ses Étals, enleva les images des églises, sup^ prima les empêchements dirimants du mariage, permit le divorce, cassa ou réforma les jugements épiscopaux, arracha les religieux à leur clottre et les sécularisa de sa propre autorité, persécuta ceux qui s'opposaient à ces innovations, et alla jusqu'à faire au chevalier d'Azara, ministre d'Es« pagne> la proposition formelle de rompre entiè-^ rement avec le Saint-Siège. 11 eut surtout à cœui^ de changer l'enseignement théologique, et^ poui^ cela, il abolit les séminaires diocésains, et n'en établit pour tous ses Ëtats que cinq ou six dont il dirigeait la doctrine et la discipline. Ce fut lui qui provoqua le congrès d'Ems^ et soulevâtes évé^ ques allemands contre l'autorité du Pape. « Le 25 août, dit à ce sujet le cardinal Pacca, eut lieu la clôture du congrès d'Ems, tenu par les quatre députés des archevêques d'Allemagiie. Les dé^ pûtes signèrent les articles arrêtés par eux et, au commencement de septembre, les quatre arche- — 132 — véques les adressèrent à l'empereur Joseph II, avec une lettre commune écrite par une plume trempée dans le fiel^ celle d'un Paul Sarpi, lettre pleine d'accusations calomnieuses contre le Saint- Siège, et dont les archevêques ne recueillirent par la suite que honte et confusion (1;. » L'impiété triompha donc parmi le clergé d'Al- lemagne, et personne ne s*opposa plus à l'intro- duction d'un rationalisme sceptique, qui depuis longtemps assiégeait toutes les portes des tem- ples. Depuis 1753, Semler, professeur de théolo- gie protestante à l'Université de Halle, sous pré- texte d'une interprétation plus libérale des saintes Écritures, pervertissait ses contemporains dans sa chaire et dans ses écrits. Ses leçons et ses ou- vrages, perpétuel plaidoyer contre la révélation, réduisaient le christianisme à n'être qu'une doc- trine purement humaine. Il enseigna pendant 38 ans, jusqu'en 1791, et ce fut dans ses dernières années surtout qu'il réussit à faire école. Dans le même temps vivait Teller, professeur de théo- logie à Helmstadt. En 1767, il avait été déclaré hérétique, et, forcé d'abandonner sa chaire, il s'é- tait réfugié à Berlin , où il se flattait de trouver plus de liberté. Mais, quelques années après, ces fatales doctrines étaient tellement à Tordre du (i) Mémoirea sur la XonciMure de Cologne^ p. 193. — 133 — jour en Allemagne, qu'il put, sans rencontrer d'opposition, bafouer dans tous ses écrits la doctrine et même la morale de l'Evangile, et transformer en mythes et en allégories tous les faits miraculeux de la sainte Écriture. Qu'on juge des progrès de la nouvelle exégèse par ce mol de Michaëlis, qui avait vu le commencement de cette révolution dans les idées protestantes : « Autrefois je passais pour hétérodoxe, actuelle- ment on me trouve orthodoxe. » Ce fut encore le temps où, un libraire-littéra- teur de Berlin, Nicolaï, animé par une haine mortelle contre le christianisme, forma une as- sociation de plusieurs philosophes pour la pu- blication d'une revue littéraire ou plutôt ency- clopédique, à laquelle il donna le titre de Biblio- thèque universelle allemande. Elle commença «n 1765, et dura jusqu'en 1792. Dans cette revue, Nicolaï et ses amis, sous prétexte de ren- dre compte des pubUcations nouvelles, s'achar- nèrent à combattre tous les dogmes du chris- tianisme, niant l'inspiration et la divine autorité des Ecritures, la divinité de Jésus-Christ, les prophéties, les miracles et toutes les opérations surnaturelles. Ils dissimulaient pourtant un peu leur tactique, mais Lessing, un ami de Nicolaï, démasqua toutes les batteries dans ses Fragments d'un anonyme, où la révélation, la résurrection. ^ 134 — la mission de Jésus-Christ et de ses disciplet^, étaient attaquées sans détour. Les collaborateurs de Nicolai devinrent encore les propagateurs les plus zélés de rilluminisme, et gagnèrent à leur eause tous les journaux scientifiques de FAIIe- 9iagne. Les choses allèrent si loin, qu'au sein même du protestantisme, quelques âmes aimantes et poétiques, comme Klopstock, Herder, Jacobî, LaYater, combattirent Tinfluence délétère du ra- tionalisme, et qu'un disciple de Rousseau, le Suisse Kirchberger, fit écrire contre les novateurs. Plus de doute désormais sur le but que se pro- posèrent les réformateurs des Universités d*AI*- lemagne : A fructibus eorum cognoscetis eas. Non, ce ne fut pas la faiblesse de renseignemeut des Jésuites, la décadence de leurs écoles qui dé<- terminèrent cette révolution scientifique. Ce ne fut pas non plus la disette de 'bons professeur^ dans la Compagnie, qui força à leur substituer les hommes dont nous venons d'étudier l'œuvre antî- chrétienne ; car, comme nous le verrons au chapi- tre suivant, elle comptait alors un grand noaibre de professeurs de théologie qui ont survécu avec l'auréole de la science, tandis que leurs succei^ seurs sont aujourd'hui oubliés, à l'exception de ceux qui ont trouvé dans leurs crimes, leurs ex- cès ou leur doctrine hétérodoxe, une triste ioH mortahté. — 135 — La révolution religieuse et sceptique dont wm avons esquissé le tableau y fut amenée , du moins en grande partie, par l'expulsion des professeurs Jésuites. Tel est l'avis du cardinal Paeca, qui parle ainsi dans ses Mémoires mr la Nùneiature de Cologne (1) : « Tant que subsista en AUemagne la Compagnie de Jésus, qui fivait plusieurs collèges dans l'Université et plusieurs écoles publiques, ces pernicieuses maximes ren- contrèrent une forte opposition et ne firent pas de grands progrès ; mais la suppression de cet Ordre, qui avait si bien mérité de l'Eglise, l'in- troduction et la propagation des sociétés se*- crêtes, causèrent des pertes funestes et considé- rables à la religion catholique. Alors toutes les digues fuirent rompues, et un torrent de livres pervers et irréligieux inonda l'Allemagne. ^ Comment encore accuser les Jésuites d'avoir perdu, à cette époque oii toutes les passions ré- volutionnaires et impies se déchaînaient contre l^Eglise, la vigueur suffisante pour les combattre, plus encore celle qui eût été nécessaire pour le$ arrêter, et à plus forte raison pour les vaincre? Les Jésuites pourraient d'abord répondre avec Démosthènes : La victoire est entre les mains des immortels. Dieu demande des efforts et du cou- (i) P.i83. — 136 — rage; lui seul accorde le triomphe. Mais ces efforts eux-mêmes étaient bien souvent interdits aux Jésuites. Qu'ont fait les encyclopédistes en France pour se débarrasser de ces Jésuites, aux- quels ils sentaient probablement la vigueur né- cessaire pour les combattre, et même pour les vaincre? Ils les ont chassés! Qu'ont fait en Al- lemagne les Stock, les Fébronius, les Joséphistes, les rationalistes? Redoutant eux-mêmes évi- demment la vigueur de ces champions du Saint- Siège et du i?atholicisme , ils les ont arrachés à leurs chaires , leur ont fermé la bouche , et enfin ont obtenu leur suppression , d'abord des souverains temporels , ensuite du souverain Pon- tife. C'est un fait historique constaté, que les ennemis des droits de l'Eglise et du Saint-Siège n'avaient guère peur que des Jésuites. Nous trou- vons sur ce point des renseignements curieux « dans les Mémoires sur la Nonciature de Colo-' gne (1). « Nicolaï, dit Pacca, pour discréditer et tuer les réfutations, les accabla sous le poids des censures les plus amères et de toutes sortes d'in- jures ; il eut même recours à une invention ca- lomnieuse vraiment diabolique : il annonça et soutint qu'un grand nombre de Jésuites s'étaient répandus dans les pays protestants d'Allemagne, * 1) 1>. 206. — 137 — feignant d'appartenir à la secte de Luther et de Calvin; qu'ils s'étaient ainsi glisséâ parmi le clergé protestant, et que , devenus surintendants et prédicants, ils semaient à la sourdine les doc- trines des papistes, leurs maximes de fanatisme et de superstition. Par cette malicieuse invention d'un jésuitisme caché, on cherchait à mettre Les populations allemandes en défiance contre les pasteurs qui conservaient encore une grande partie des dogmes du christianisme. » Ne craignons pas d'éclairer cette matière par une autre citation que nous emprunterons au Père Theiner (1). « La tactique de Nicolaï et des Berhnois, dit-il, parrapportàceuxqui prenaient la hberté d'être d'un autre avis qu'eux, fut main- tenue et perfectionnée par ces nouveaux héros des lumières (les illuminés). Quiconque se permet- tait de lutter le moins du monde contre ce tor- rent, fut traité de Jésuite caché ou avoué. Le nom de Jésuite prit dès lors le caractère le plus odieux. • Il était synonyme de scélérat, d'assassin, d'en- nemi de la religion et perturbateur du repos pu- blic. Il parcourut l'Allemagne d'une extrémité à l'autre, et devint le mot d'ordre général, toutes les fois que l'on voulut faire du bruit on se dé- (1) Hhiloive dea fiisfltufinns d'cduratlon fcrlcsianfiqur, t. Il, p. :u. — 138 — barrasser d'hommes dangereux. Celui que la progagande des illuminés et des partisans de la lumière avait une seule fois traité de Jésuite, était irrévocablement perdu ; rien ne pouvait plus effacer chez lui cette tache et lui rendre son hon- neur et son crédit. Que de troubles affreux, que de criantes injustices furent commises, à cette époque, à Taide de ce nom! Si Ton voulait en^ lever à un prince protestant l'amour de ses su- jets, on se contentait de foire courir le bruit qu*i) avait auprès de lui un Jésuite, et qu'il voulait se faire catholique. Si Ton voulait renverser d'ho- norables ministres ou de grands fonctionnaires incorruptibles , dans des Etats protestants ou même catholiques, on n'avait qu'à dire que c'è* taient des Jésuites cachés. Le savant qui passait pour Jésuite, quelque pure que Mt sa conduite, quelque profonde que fût sa science, ne pouvait obtenir de chaire nulle part ; il était obUgé de rentrer dans Tobscurité, et de rendre hommage à riUusion du siècle. » Ainsi la chose est claire : les Jésuites avaient le glorieux privilège de toutes les haines, de tou* tes les colères, de toutes les vengeances ; les Je* suites, voilà quel était l'ennemi redouté; les Jésuites étaient la personnification de tous les défenseurs d'une foi révélée; tout ce qui ne courbait pas la tête sous le joug du rationalisme — 139 — et prenait en mains la cause de l'Eglise ou même d'une religion surnaturelle, était Jésuite. Et, en effet, il en était bien à peu près ainsi. Malgré les efforts de l'impiété pour étouffer la voix des Jésuites, malgré son habitude infernale de marquer de ce nom odieux, comme d*un sceau de proscription, tout ce qui était un danger pour elle, c'était surtout de la Compagnie menacée ou détruite que sortaient les plus vigoureux athlètes de l'orthodoxie. D'abord, vers l'époque de la suppression et dans les années qui la suivirent, les Jésuites fu- rent les premiers et les plus redoutables antago- nistes de Fébronius. Le novateur fut attaqué tour-à-tour par le Père Zech, le célèbre cano- niste ; par le Père Antoine Schmidt, autre ca- noniste distingué; par le Père Joseph Kleiner, professeur de droit canonique à l'Université d^Heidelberg ; par Feller, et enfin par Zaccaria, qui triompha de l'obstination de Honlheim lui- même. Feller fut un des hommes qui réfutèrent avec le plus de talent et de succès les actes du con*- grès d'Ems. Ce fut encore à Feller et aux ex- Jésuites que s'adressa Pacca pendant sa noncia- ture de Cologne. « J'entrai en correspondance, dit-il, avec plusieurs ecclésiastiques, la plupart ex-Jésuites, dont jecoqnaissais bien et la scieqce — MO — el le zèle pour \i\ religion. Je les enga^^eai forte- ment à publier des ouvrages en faveur de la primauté pontificale et des nonciatures aposto- liques, ppur réfuter les indécents libelles que la presse vomissait chaque jo^jr contre le Saint- Siège et ses ministres. Sur mes vives instances, ces pieux et savants ecclésiastiques s'armèrent aussitôt de la plume, et bientôt on vit paraître un grand nombre d'opuscules que les bons accueil- lirent avec enthousiasme, qui réfutèrent victo- rieusement les calomnies de nos adversaires et assurèrent un triomphe éclatant à la vérité près d'un grand nombre de personnes. » Pacca entre alors dans quelques détails sur ces travaux; il en nomme quelques-uns, puis il ajoute: «Ces six ouvrages étaient du célèbre ex-Jésuite Feller, auteur de plusieurs ouvrages justement estimés en France. Pendant plusieurs années j'entretins une correspoïîdaiîce active avec ce courageux écrivain. — Un autre écrivain qui combattit alors dans le môme sens, est le célèbre abbé Zallinger, ex-Jésuite, connu par des ouvrages es- timés sur le droit naturel et sur le droit public ecclésiastique (1).» Puis, revenant à Feller, Pacca termine ainsi : «Aussitôt que fut imprimé (1) Pacca cite encore « le P. Dedoyar, ex-Jésuite belge, avantageusement connu par d'autres écrits sacrés. » P. 245. — 141 — J ouvrage de Feller, intitulé : Véritable état, etc., j'en envoyai un exemplaire à Rome. Cet envoi fut très-agréable à Pie VI, qui fit au cardinal Boschi, grand pénitencier, et à Tabbé Zaccaria, le plus grand éloge de Topuscule, en y joignant les choses les plus bienveillantes et les plus affec- tueuses pour moi à propos de ce nu' il appelait mon zèle et mon activité pour la défense des droits du Saint-Siège. Ce grand cardinal et Zac- caria me firent aussitôt part de la satisfaction du Pape en s'en félicitant avec moi, et tous deux me demandèrent un exemplaire de Topuscule de Feller. » Sur tous les champs de bataille où Timpiété provoque TÉglise en Allemagne, nous voyons lutter quelque Jésuite. Ici, c'est le P. Thomas d'Aquin Meyer, qui mérita l'honneur d'être loué par Pie VI; là, le P. Weissenbach, controversiste habile et zélé; ailleurs, Aloys Merz, le fléau des protestants, qu'il combattit dans soixante-quinze ouvrages ; Sigismond Storchenau, vigoureux po- lémiste non moins que métaphysicien distingué ; Antoine Topp qui, au moyen de la traduction, transporta en Allemagne plusieurs bons ouvrages français; Hermann Goldhagen et Laurent Veilh, savants tous les deux dans la philologie sacrée; Malsiiîer el Mutlschell. jeunes et intrépides atlilè- tes; Jacques-Antoine Z'dlinger, dont Pacca faisait — 142 — tout à rbeure l'éloge ; Zallinger que Pie YI appela à Rome pour profiter de ses conseils et rem- ployer plus utilement à la défense de l'Eglise; Jean Schwab et Sailer, alors jeune, et qui sera plus tard évêque de Ratisbonne. Enfin, mettons sur une ligne à part Malbias Schoenbei^ etBencrft Statller : Slatller, un des écrivains caUioliques les plus accrédités alors dans l'Allemagne sa** vante; Schoenberg, un des athlètes les plus infa* tigables et les plus puissants dans la guerre contre les hérétiques et les incrédules, et l'un des pre^ miers controversistes qui attaquèrent la philo-» Sophie sceptique de Kant ; Scboenberg, à qui l'électeur de Bavière confia la direction de l'Jiti- mône d'or^ institution très-utile, qui avait pour objet de répandre parmi le peuple des ouvra-^ ges instructifs. « Schoenberg, dit le protestant Schœll (1), rédigea lui-même une quarantaine d'écrits populaires^ qui, imprimés en grand nombre, dans des éditions qui se succédaient rapidement, n'ont pas peu contribué à inspirer des sentiments religieux aux peuples de l'Âlie-^ magne méridionale et de la Suisse catholique. » On verra mieux encore au chapitre suivant ee qu'étaient les Jésuites au moment de leur sup-» pression, et l'on comprendra parfaitement alors (1) Biogr, univ^^ art. Schœnbef^g. — 143 — que les Cours et leurs conseillers , en enlevant les Universités aux Jésuites, ne prétendaient pas faire bonne et légitime justice de leur négligence et de leur faiblesse, mais seulement frapper à mort Torthodoxie en leur personne, et consom- mer la révolution an tich retienne (1). (1) Dans cette histoire de la réforme des Universités aile- mandes, nous nous sommes arrêtés à l'année 1792, parce que ce fut vers cette époque que les princes ecclésiastiques et séculiers, qui l'avaient provoquée ou encouragée, ouvrirent enfm les yeux, et aperçurent l'abtme où conduisaient les dan- gereuses utopies des novateurs. CHAPITRE QUATRIÈME. ÉTAT SCIENTIFIQUE DES JÉSUITES ET DE LEURS ÉCOLES AU MOMENT DE LEUR SUPPRESSION. PBEMIÉRE PARTIE. I. Au xYin. siècle, la science et rinstruction ne furent pas ce qu'elles avaient été au xTi"" et au xm^. A celte époque de décadence religieuse, politique et morale, nous chercherions vaine- ment cette forte éducation , si favorable à Tâme €t à l'intelligence, d'où sortirent tant de génies, tant de prodiges d'érudition, tant de grands caractères. L'instruction avait perdu en profon- deur ce qu'elle paraissait avoir acquis en surface. Sous prétexte de déblayer le champ de la science de constructions sans art^ il est vrai, et parfois sans utilité , mais pourtant cyclopéennes ; sous prétexte d'arranger cet indigeste chaos, on avait remplacé la science véritable (1) par l'ordre et (!) Nous admettons volontiers plus d'une exception à cette proposition générale, par exemple en faveur des continuateurs de Rollandus, des collecteurs des conciles, des historiens et annalistes hongrois, des Muratori, des Zaccaria, etc., etc., etc. 10 — Mô- les classifications. L'Europe semblait épuisée par les enfantements nombreux des deux siècles pré- cédents, et, lasse de produire, elle se condamnait à consommer et à jouir. Le goût alors tenait lieu de puissance créatrice; le sens critique, de génie. Les enfants de saint Ignace, nous Tavons dit déjà, devaient subir plus ou moins la loi de leur siècle; mais tout en obéissante la triste fatalité, ils lui résistaient encore, et parfois la dominaient glorieusement. « Il n'y avait plus, il est vrai, dit ici M. Crétineau-îoly (i \ de Laynez et de Bel- larmin, de Pétau et de Bourdaloue dans leurs rangs ; l'affaissement littéraire du xvm^ siècle s'é- tait fait sentir jusque chez les disciples de Loyola. Ils ne l'emportaient pas en génie et en élévation d'idées sur leurs prédécesseurs ; mais ces écri- vains, essuyant, malgré eux, le contre-coup de la décadence qu'ils combattirent si longtemps, se révélaient encore orateurs et historiens, phi- losophes et critiques, érudits et littérateurs. » <]lomprenons d'ailleurs la situation qui leur était faite au miUeu du xvin^ siècle. Ils étaient attaqués 'de toutes parts. Rois, ministres, philo- «opiies, magistrats, quelquefois même, hélas I frères jaloux et prêtres aveuglés, tout semblait av^ir ipour unique mission dans ce monde d'al-* (1) Hitt. de la Compagnie de Jésus, t. y, p. 378, 3« édit. — 147 ~ 1er à Tassaut de laOMnpagnie de Jégu6. iPoiur^cw Gâtons de l'impiéié, x^'était la nouitette Gsffthfiige : Qu'elle soit détruite! telle était la JeôatihiMiHii de tous les discoura, l'objet de toutes les Bfyg^ dations diplomatiques, le rêve de toute» les hai^ nés, le terme de tous les efforts du siècle. Mmi traqués, ainsi menacés dans leur existence, c'é- tait au présent (pielesJésuiies semblaient defoîr songer plutôt qu'à l'avenir; aux soins 4e leur défense, plutôt qu'aux travaux de la science et des lettres. En un mot, être ou n'être pas, telle était pour eux^ comme pour le héros du poète «ail* glais, la question qui ^devait absorber toutes les ressources de leur intelligence et de leur cœur. Sous le coup d'une sentence «de mort, osant à peine se promettre un lendemain^ pouvaientrik avoir ce calme, cette «écurité, cette espérwce ide longs loisirs qu'exigimt les recherches ficieBtt&- ques et les méditations littéraires? Bientôt la sentence eàt portée et les JéauitoB sont dispersés sur tous les poiids tdu fimmdâ. Dans Fisolement, en proie à leurs tristesses et à leurs regrets, ils n'ont plus «es secours de l'as* sociation qui décuplent les forces indivîdoelleB^ ce courage dévoué qui anime et soutient le neli- gieux, lorsqu'il songe qu'il travaille non pour soi, non pour son intérêt misérable ou son jdiâtif honneur, mais pour la gloire et l'exaltation 4' — 148 — mère et d'une famille châries ; ces consdls, ces communicatioDs , ce comm^t^ et cet échange de recherches et de pensées, qui font des riches- ses de fous le bien propre de chacun. Nous ver- ronsy en effet, combien, dans les dernières an- nées de la Compagnie, les enfants de Loyda aimaient à s'entr'aider dans les travaux de l'es- prit, et combien la science profitait de la diffu- sion d'une Société nombreuse qui embrassait toutes les contrées de l'Europe, et répandait ou allait chercher les trésors des nouvelles connais- sances. À la vue de toutes les entraves que leur créa ce siècle impie, de toutes les luttes qu'il leur suscita ; au souvenir de toutes les angoisses qui tourmentèrent leur exil, nous ne comprenons pas que les Jésuites, avant et après leur suppres- sion, aient pu à la fois résister à leurs ennemis, au découragement de leur cœur, et entasser tant de travaux sur tous les points de la science. €omme les enfants d'Israël, ils tenaient d'une inain le glaive qui combat, et de l'autre l'in- strument qui édifie ; et sur les bords des fleuves de l'exil, excités par le souvenir de leur Com- pagnie, qui était leur Jérusalem, et par l'espé- rance de la voir un jour sortir de ses ruines, ils consolaient son passé et lui préparaient un nou- vel avenir. — 149 — Suivons-les à travers les champs de la science, ^t voyons combien d'hommes parmi eux les ont explorés, que de découvertes ils y ont faites, que de richesses ils en ont rapportées. n. Commençons par les sciences ecclésiastiques. Que de théologiens, de canonistes, d'exégètes, d'orateurs sacrés, d'écrivains ascétiques ! Parmi les théologiens, nous distinguons d'a« bord les deux Yogler, Conrad et Joseph, docteurs d'Ingolstadt ; Hermann et Seedorf, professeurs à la même Université, et auteurs, l'un de deux traités très-estimés sur la science et sur la vo^ lonté de Dieu, l'autre de douze Lettres de con- troverse qui méritèrent le suffrage du grand Pape Benoit XIY; Muszka, professeur de théologie, et ensuite provincial dans la capitale de l'Autriche ; le Hongrois J.-B. Prileszki et le Bohémien Lineck, tous deux érudits historiens non moins que théologiens habiles; Gautier, docteur à l'Uni- versité de Cologne; Fichier, que nous retrou- verons plus tard parmi les canonistes, et qu'un grand ouvrage de théologie polémique fait pla- cer aussi parmi les théologiens ; Jean Haïden ; Reuter, professeur en l'Université de Trêves, auteur de savantes Leçons et du IV eo^-con fessa- rius , un des hommes qui ont le plus contribué — tso — i prcqpager la science théologique dans le cours àB jmf siècle; Hanhart, pnrfesseur ctistingaé ie ^Université dlnspruck ; les Wirceburger&es^ : Henri Kilber, Thomas Holtzclau, Ignace Neur* baûer, qui travaillèrent en commun à la théo- logie dite de W urtzbourç, la plus célèbre en Al- tenagne dans le dernier siècle, et aujourd'hui même en possession d'une Intime autorité.; Edmond Toit, qui a donné une théologie morale estimée par Fordre, la clarté et la sagesse de^ ses résolutions ; Sardagna, qui a composé la Thea^ logie dogmatique et polémique de Ratisbonne, ouvrage auquel le temps n'a riai lait perdre, et qn'on vient de réimprimer à Rome. Nous ajouterons d'autres noms à celte liste de théologien» que comptait la Compagnie en ÂUc^ magne, lorsque nous dresserons le tableau des Universités qu'elle y dirigeait. Nous insistons sur fes théologiens Jésuites allemands, parce que e^est en Germanie surtout c[u'on accuse les fils de saint Ignace d'avoir laissé dépérir la science sacrée. Mais dans les autres contrées de l'Europe chrétienne, nous pourrions aussi recueillir des noms glorieux. Après les Viva, les Antoine, qui venaient à peine de quitter l'arène théologique, nous mettrions en première ligne Jean-Baptiste Faure, aussi illustre dans les saintes Écritures, dbns la philosophie, dans la controverse, que — 151 — dans la théologie. Aussi, pendant un professorat de trente années, remplit-il successivement toutes ces chaires. Faure fut, sans contredit, fe premier théologien de son siècle. ConseiÏÏer de Benoît XIV et de Clément XTII, prisonnier de Clément XIV, il se retira: quand Pie VI fui ren- dit la liberté, et mourut à Vilerbe où la citêef le sénat lui érigèrent une statue et un tombeau. Après Faure viendraient Alègre, Mexicain, théo- logien et lillérateur; Alticozzi, de Herce, Maï- siner Navarro, riTIyrien Piascewich; les Jésui- tes français Simonet, docteur à Pont-à-Mousson^. Charles Merlin, professeur à Louis- Ie-6rand, et le savant du Mesnîl; Lazeri, dont rien: n^égala la science théologujue, si ce n^estsa- connaissance profonde des langues; Lazeri, sous différents- règnes, consulteur de V Index et correcteur des livres orientaux, examinateur des évoques, em- plois où le maintint Clément XIV; Angerf, théo- logien du Pape, titre que le même Clément XIV lui conserva, après avoir détruit les Jésuites. De- puis la suppression jusqu'au rétablissement de la Compagnie, les Jésuites se perpétuèrent dans ce poste d'honneur qui fut successivement oc- cupé par Hyacinthe Stoppini, Arevalo, Vincent Bolgeni, si redoutable aux novateurs, Joseph Marinovich, Vincent Giorgi, Alphonse Muzza- relli, après Faure le plus illustre de tous dans la — 152 — théologie, dans la controverse et dans la littéra- ture ascétique. Suivant les exemples des Souverains Pontifes, les divers prélats de la catholicité choisissaient des Pères de l'Institut pour conseillers et pour guides ; ils avaient en eux leurs examinateurs sy** nodaux et leurs casuistes les plus expérimentés. Les saintes Écritures trouvèrent dans les mém» bres de la Compagnie leurs interprètes les plus habiles. Il suffît de nommer Yidenhofer, Goldha- gen, Weissembach, Weitenaûer, Laurent Yeith» les exégètes les plus renommés de TÂUemagne et probablement de l'Europe catholique. Yeith, professeur àingolstadt, puis, après la suppression, au Lycée catholique d'Àugsbourg, est particuliè- rement célèbre par son talent, son érudition, ses ouvi*ages, qui valaient à leur auteur des brefs dé satisfaction de la part du Souverain Pontife. En dehors de TAUemagne, c'est Pierre Curti, professeur d'hébreu au Collège Romain , auteur de dissertations savantes et curieuses sur divers passages difficiles de l'Ecriture ; Berthier et Phi- lippe Lallemant en France ; Jean-Baptiste Gêner, Jésuite espagnol, théologien en même temps qu'exégète; Alphonse Nicolaï, que l'empereur François P" nomma son théologien pour honorer l'érudition qu'il avait montrée à Florence dans sa chaire d'Écriture sainte ; Nicolaï dont les dis- sertations sur les Livres saints ne forment pas moins de 13 volumes in-4^, ce qui n'empêcha pas le savant professeur de se livrer encore à de nombreux travaux d'apologétique, de littérature^ d'histoire et même de poésie. La science du droit canonique se glorifie de Ignace Schwartz, connu par ses Institutions de droit universel ; de Joseph Biner^ qui a laissé un grand et savant ouvrage sur la jurisprudence ecclésiastique; de François Widmann; d'An- toine Schmidt ; d'Antoine Zallinger, professeur de droit de canon et de physique à l'Université de Dillingen, et auteur de nombreux ouvrages en ces deux sciences (1), et surtout de François- Xavier Zech, qui succéda à son maître, le fameux P. Fi- chier, à l'Université d'Ingolstadt, et est regardé, dit la Biographie universelle, comme le premier canoniste de ce siècle en Allemagne. Parmi les controversistes , les apologistes , les polygraphes, nommons pour l'Allemagne les Benoit Stattler, les Sailer (2), les Manhart, les (1) Le cardinal Pacca (Nonciature de Cologne, Œuvre», t. n^ p. 189) raconte qu'en 1786^ passant par Augsbourg, il visita la maison des ex-jésuites, « parmi lesquels^ dit-il^ je trouvai plusieurs savants distingués^ et nommément le cé- lèbre canoniste Zallinger et l'excellent théologien Veith. » (2) Voici ce qu'écrit Alzog de Stattler et de Sailer^ dans son Histoire de l'Eglise^ t. IIÏ, p. 352 : « L*enseignement de la dogmatique fut traité avec talent et approprié aux besoins des temps moderne» par l'ingénieux Benoit Stattler^ Jésuite d'In- — 1&4 — Beusck, 1^' Merz, dont les ouvrages sontenroce recherchés; en dehors de F Allemagne, P2U[*a.du PhsuQJas ; Antoine Guénard^ le lauréat de TAca- demie française, dont on regrette tant le grand ouvrage apologétique qu'il brûla sous le règne dis la Terreur ; Fr^aiiçois de la Marche : les. deux frères Champion de Nilon et Champion de Pon- tâJier ; François Nonnole, le réfutateur des. er- reurs de Voltaire \ Jean-Baptiste Noghera qui, dans ses nombreux ouvrages itaUens, s'est montré théologien profond, habile philosophe et litténb* teur très-distingué; Louis Mozzi, théolo^en> eontroversiste et auteur ascétique; Àugustm Barruel^ le prophétique historien du Jacobinisme et l'ingénieux auteur des Helviermes ; Joseph de Gbesquière, un des Bollandistes ; de Salve, qiu voua son existence au triomphe de la foi;;; et par-dessus tous Xavier de Feller et Antoine Zaccaria : Feller, esprit encyclopédique,; histo- rien, philosophe, géographe, théologien et polé- miste ; Zaccaria , l'ami de Benoit XIY , de gplsladt, Michel Sailcr (ex-jésuite), évoque de Ratisbonne, homme aussi éminent par «ou talent que par sa vertu^ a ap<- précié lo mérite de Stattlér, qu'il a connu (il avait été son élève en théologie à lugolstadt), dans les termes suivants : « A cette époque parut en Allemagne un homme qui nous apprit à penser nous-mêmes, et à suivre l'ordre de nos idées avec rigueur, depuis les propositions les plus élémentaires de la philosophie jusqu'aux dernières conséquences de la théo- logie.... » — «55 — Qèm&t Xfil^ et mè&ievdfi Oénieiit XI¥^ ïixàkm emseiUer de Piet Yly lie frèra d'arjaae» de Feller dfti» la lutte ccMotre Fâ)roiiiii9 qu'il con.f«rtl^ écvii^ain fo&orieux ci fécond, ^i consacrât tois^ jmn^ sa^ pluioe à la dMe&9e de& droits, du Salué- Siège (1). C'est encore II» vois des^ Jésuites' qui retentit snree h plos d'^éloq^^sce dans les chaires; s&r crées% En France, c'est Qiaries. de Neuville qui terminait sa glorieuse carrière ; c'est Qaude de Marolles^ Ghs^les Perrin^ Papillon du Rivet^ itoissard^ Henri de Bulonde, Pierre Richard, Xavier Duplessis, l'apôtre des villes et des cam^ pagnes, doni^ tous les évéques* se disputaient la parole ; Charles le Chapelain ^ qui applixfisi à la efaaire l'éloquence héréditaire^ qu'il avait puisée dans sa famille et rappela quelqiifêfois Bourda^- toue; Nicolas Beauregard, l'orateur populaire, Tésiule de Bridàyne, qui^ pendant le Jubilé de 1775yéyoquay dans un mouvement prophé- tique, le spectre sanglant et impur de la démar gogie, et, secondé par d^autres anciens Jésuites, qui remplissaient dms le même temps la plupart {i) Pacca (Nandaéure de Cologne,, Œuvres^ t U, p. 181 ettaSD raconte d'abord comment Pie YI lui annonça qu'il le destinait ila nonciature de Cologne; pui&il ajoute : « La Saintr- f ère me dk ({u'à partir de ce jour (22^^ jjjdn 1785}^ je devais . mf appliquée k Véiâà» des sciences, sacrées sous la direction de Fàbbé Zaccam,. véritable arsenal d'érudition. » — 156 — des chaires, ajourna, suiYant le mot d'oa adepte de rathéisme, la Révolution, sinon à 25 ans, bsbl moins à quelques années; Reyre, prédicatair de la Cour, et Lanfant qui, au dire de Fabbé Guil- Ion, fit revivre dans les mauvais jours Téloquasoe des temps antiques. Dans le reste de FEurqpe c'est Wiltz, Neumayr, Wurs, Hausen, le mission- naire de rAUemagne ; Calatayud, prédicateur et auteur ascétique, qui pendant trente ans a rempli FEspagne et le Portugal du bruit de sa parole et de ses travaux; Lentini, Nicolas Zucccmi, Yanini, Saracinelli, Yassalo, Fapôtre de la Sar- daigne; Trento, qui évangélisa pendant 38 ans les villes et les campagnes d'Italie; Pell^rini, un des orateurs les plus remarquables de son temps ; Yenino, surnommé le Massillon de Fltalie, et le vénérable Onuphre Paradisi (1). Enfin une pieuse célébrité entoure encore le nom de Ligny, de Galliffet, de Panizzoni, de Da- (1) Ce que Xavier Dnplessîs était à cette époque pour la France, ce que Hausen fut pour l'Allemagne, W^iltz pour la Belgique, Calatayud pour l'Espagne et le Portugal, etTreUto pour la haute Italie, le P. Onuphre Paradisi le fut pour le royaume de Naples A sa mort, arrivée à Lecce en 1761, l'é- vèque, les magistrats, tout le peuple, se réunirent dans les mêmes sentiments de vénération et de regrets. On frappa en l'honneur du pieux missionnaire une médaille avec cette inscription : Onuphre Paradisi S. J.^ après avoir parcouru pendant 23 ans la terre d'Otrante et les provinces d'alentour avec de grandes fatigues, des fruits prodigieux dans les âmes et la réputation d'un thaumaturge, chéri de ~ 157 — guet, de Budardi^ de Griffet , de Baudrand, de Minelti, de Beauyais, de Ck)uturier, de Tartagni, de Gravina, de Fontaine, de Jean Grou et de Starck, qui enrichirent de leurs œuvres cette littérature ascétique, une des gloires de la Com- pagnie de Jésus. Toutes les âmes pieuses connais- sent et aiment, et ces admirables traités dans les- quels Baudrand les fait passer par toutes les phases de la vie chrétienne, et Y Année chré-- Henné de Griffet, et les Caractères de la vraie dévotion de Grou, comme tous les ecclésiastiques ont entre les mains le Catéchisme de Couturier. IIL Une branche des connaissances humaines fut surtout cultivée au xvm'' siècle et se développa souvent au détriment des études morales et litté- raires : nous voulons parler des sciences mathé- matiques, physiques et naturelles. Certes, ce n'est pas de ce côté que les Jésuites devaient se sentir entraînés par leur attrait instinctif. Mais le siècle s'y portait, dans son besoin de matérialisme ; ils y suivirent le siècle pour mêler une pensée de l'àme et du ciel à ces études terrestres, et sou- Tent ils l'y devancèrent. On peut dire que la tous, des grands et des petits; regretté de tous et plus spé - cialement des pauvres, à Tinstruction et à Tassistance desquels il avait consacra sa vie, est mort saintement à Lecce le U avril! 761. — ISS ~ Goinpafgnie de 3ésw prodiusit et comptait, «■ moment de sa suppression, leshoomieB Jes^pln distingués dans ce genre de connaissaiices. D y avmt alors dans son sein mi mouTematit profit gieux qui s'étendait d'une extrémité à r»]tee4e TËurope. Possédaît-elle qudque part un isavant de renom ? aussitôt ses frères valaient desoootréei les plus lointaines Tocueillir la science au pied ^e sa chaire, puis retournaient la répandre dans leur patrie. Ainsi Steppling avait apporté et in« troduit à Prague Tétude des hautes mathémati- ques. Il eut pour disciple Jean Tessaneck, ^èipe, dit l'ennemi des Jésuites Prochaska (1), non inférieur à son maître. Brillait à côté d'eux Gaspard Sagner, philosophe distingué qui ensei- gna à Madrid et à Prague le système de Newton. A Técole de ces professeurs, trois jeunes Jésuites polonais, Sickerzinski, Bohomelétz et Sche- browski, dit encore Prochaska (2), puisaient la Traie science dans de sages méthodes et la repor- taient dans les académies de Pologne. Le Père Joseph Windiingen, aussi formé à l'école de Steppling, allait allumer le flamheau de la science à Madrid, où il devint professeur de mathéma- tiques, cosmographe des Indes et précepteur flu jeune prince desÂsturies, depuis Charles IV» AJa (1) £>etKeul, libéral, artium in Bohemia^ p. M8. (2) Ihid.y p. 404. — 1 59 — même époqtie, ie fafineux Père Pocsebut prenait ùa fond de la Pologne étudier à Marseille sofiis de Père Pézenas, et retournait ensuite dans sa pairie dont il sera plus tard une ^es gloires scientiBr ques. Nous voyons encore à Madrid caianie pro^ fesseurs deux Jésuites étrangers à FE^agne^ le savant numismate Panel, d'origine française, et Christophe Rieger, Autrichien, qui fut nommé cosmographe du roi d'Espagne et profeisseur d'astronomie et d'architecture. On conçoit qu'avec de tels échanges que fai- saient entre elles les diverses provinces de la Société, aucune ne se trouvait déshéritée de la science, que toutes les chaires étaient occupées par des professeurs habiles qui , à leur tour, fie formaient de dignes successeurs. Etpuisquenous venons de parler de TEspagne^ disons aussitét quel éclat y jetait alors la science. Nous trcKuvons à cet égard un témoignage non suspect dans l'on- vrage d'un anglican. « C'était à Azcoytia, dit <]oxe (1), que cette assemblée littéraire (2) se réunissait; et quoique l'académie fût à peine naissante, on y voyait , dans ce petit coin de la Biscaye, des partisans des systèmes de Nollet et de Franklin pour les phénomènes électriques (3). (i) L^ Espagne sous les Boutions^ t. TI, p. 1t)!. (2) Il s'agit d'une académie scientifique «n Biscaye. (3) A la même époque^ le Jésuite espagncfl Zaccagnini; en- — 160 -^ Pendant que les moines chaînés de renseigne- ment dans rUniversité de Salamanque s'éver- tuaient pour Texamen des questions oiseuses - seivatoirés dressés ou dirigés par les Jésuites, d'après La- lande et Montucla. — 177 — IV. Les lettres, au milieu du dernier siècle, ne sont pas dans un état moins brillant que les sciences au sein d^ la Compagnie de Jésus. Le Portugal présente les Pères d'Azevedo, Rodriguez de Mello et François Furtado ; l'Allemagne nous rappelle son Michel Denis, dont nous avons déjà entretenu le lecteur; son Frédéric de Reiffenberg, qui, après avoir étudié à Rome, s'appliqua, re- venu dans sa patrie, à former les jeunes Jésuites à l'étude des langues anciennes, et surtout à la bonne latinité, dont il leur donna, avec talent , goût et méthode, des leçons et des modèles dans ses poésies latines, ses Préceptes latins et grecs 6t Exemples^ tirés des meilleurs auteurs; son Ignace Wurs, qui réalisa par sa parole mâle et onctueuse les préceptes qu'il avait tracés lui- même dans un bon Traité de l Éloquence sacrée j publia ses sermons et panégyriques dans un alle- mand pur et élégant, et traduisit dans sa langue maternelle les sermons de Bossuet et autres bons envisages français; son Joseph Slarck, qui enrichit aussi par la traduction la littérature religieuse de son pays. Mais si dans les sciences sacrées et profanes les Jésuites allemands ont peut- être dépassé leurs 12 — 178 — frères, dans les lettres la palme appartient aux Jésuites d'Espagne, de France et d'Italie. Dans les rangs des Jésuites espagnols se mon- trent, outre les Aimerich^ les: Lassala, les Ortiz, Vincent Requeno, littérateur, numismate et an- tiquaire, qui a écrit sur les médailles^ la peinture et la musique; André Burriel, paléographe, connu par son Traité de légalité des poids et des me- sures; Jean Colomès, qui a chanté, en trois tragédies italiennes^ Goriolan, Scipion et Inez de Castro ; Etienne Artéaga, l'auteur du Traité sur le beau idéal et des Révolutions du (Jiéâtre musical en Italie; François d'Isla, dont le spiri- tuel roman satirique : Vie de frère Grerundio de Campazas, purifia l'éloquence sacrée du gongo— risnie qui, chassé de toutes parts, s'était réfugié dans la chaire ; Xavier Lampillas et Thomas Ser- rano qui défendirent la littérature de leur paya contre les attaques dé Bettinelli et de Tiraboschi^ immolant la fraternité religieuse au patriotisme; Jean Andrès, enfin, honoré de la faveur des sou- verains et de l'amitié des plus illustres person^ nages, qui, parmi ses nombreux écrits philoso- phiques, scientifiques et littéraires, offre à.notre admiration son grand ouvrage de V Origine et des\ Progrès de toutes les Littératures. En ItaUe, Antoine Zannoni compose un joli poèniâ latin sur les salines de Cervia^ Jxrtes^Iéâar Cofdsura suit aussi la voie d^r la poiésie laïUoe^fi! Igoaee Rass» professe pendant lieente ansà^Rfiiii^, daos rUniversilè grégorienne, et se f^iU eonnallb*^ par divers travaux littéraires^ principsden^ntaur la langue cophte ; André Bubbi n'esti pa^ moina distingué comme professeur de beUes-^lettres e4i comme écrivain; Etienne Ra£Eei, pendant vingts ans lui-même professeur de rhétorique au Collège. Romain, laisse deux tragédies, des dissertations et des poésies; Louis Pellegrini, dont il a déjà été question comme prédicateur, est agrégé à toutes les sociétés littéraires de son pays, et ju&-^ tifie ces honneurs par ses élégantes poésies latines» et italiennes; Jean Granelli, aussi prédicateur et poète, et de plus exégète et théologien^ voit tra^ duire ses poésies et ses tragédies en diverses langues; Charles Santi, nourri de la lecture des^ poètes classiques latins et italiens, dont il fait passer la plus pure substance dans son enseigne^ ment, lui*méme poète distingué, compose,, eurf^ tre autres poésies fort estimées, un poème épique sur Constantin, à l'imitation du Tasse; Xavier BettineUi adresse à Voltaire ses fameuses I^llres de Firgile^ qui Tout rendu plus célèbre encore qvie ses poésies, ses tragédies et ses autres ouvra»- ges ; Antoine Benedetti, pi^ofesseur de rhétorique a\i Col iége Romain^ se distingue comme li Itéra teur et comme numismate ; Antoine Ambroggi voit -- 180 — pendant trente ans toute la jeunesse italienne accourir à Rome autour de sa chaire d'éloquence et de poésie; Raimond Gunich, aussi professeur de belles-lettres au Collège Romain, cultive Télo* quence et la poésie latines, et traduit en vers latins l'Anthologie grecque et l'Iliade ; Alexandre Giorgi prouve par son traité sur la manière d'en- seigner aux enfants les deux langues italienne et latine, combien il y était versé lui-même, et trace le programme d'une Encyclopédie italienne qu'une mort prématurée l'empôche de mettre à exécution; Louis Lanzi, un des plus habiles philologues et archéologues de l'Italie, compose vingt-huit ouvrages, parmi lesquels on distingue son Histoire de la peinture dans la Péninsule, travail supérieur en son genre ; Antoine Yolpi , doué d'un talent peu commun pour la poésie latine, enseigne pendant vingt-six ans l'éloquence ancienne à l'Université de Padoue, et fonde avec son frère Gaétan le grand établissement d'impri- merie et de librairie connu sous le nom de Libre-- ria Cominiana ou de Folpi-Cominiana, du nom de l'habile imprimeur qu'il s'était associé; Jérôme Lagomarsini, savant latiniste, un des hommes les plus érudits du xvui* siècle, aide son ami Facciolati dans la rédaction de son dictionnaire, écrit un nombre prodigieux d'ouvrages, d'un italien pur et élégant ou d'une latinité toute cicé- ronienne^ qu'il puise dans sou commerce assidu avec Torateur romain sur lequel il compose un immense travail, et s'attire l'admiration de tous les savants de l'Europe^ qui, à sa mort, rendent hommage à sa mémoire; Joseph Mazzolari, anai de Lagomarsini, est lui-même un bon humanisa et un poète latin remarquable; enfin , Jérôme Tiraboschi, professeur distingué de rhétorique à Milan et préfet de la Bibliothèque de Modène, se rend immortel par sa grande Histoire de la litté^ rature italienne ande^me et moderne. La France n'est pas moins riche en Jésuites littérateurs. Théodore Lombard voit ses ouvrages couronnés dix-huit fois, soit par l'Académie française , soit par les Académies de province.. Jean Grou, que nous avons déjà nommé parmi les ascétiques, mérite son rang au milieu des lit- térateurs par son excellente traduction de la Ré- publique, des Lois et des Dialogues de Platon. Jean-Baptiste Geoffroy succède, au collège Louis- le-Grand, aux Cossart, aux Jouvency, aux Po^ rée, et, pendant vingt ans, se montre digne de ses illustres prédécesseurs par l'habileté de son enseignement et l'élégance de ses harangues la- tines. Son frère, Julien Geoffroy, élève des Jésui- tes, reste avec eux jusqu'à la suppression ; puis il fait ses premières armes comme critique dans V Année littéraire de Fréron, où il combat, avec ^«è'ih^dMitïAte afdv^fïiGa lui- rttÉèefie'éK?e'â6$4és«iit€^, €Ontt« Ydttafire et l'é«h- ^^ffêàiAitè, 0n lAtenâmt iqfu'il fasse la fortuite du ^^mnùl iesDébMsp&sc ses feuilletons éramalî- *qttes. Seo^Nyy a pMr «oDafboraleur, à V Année 'Mtêêrmt^, Gosier /autre Jésuite ^qvi Buceédera 4f^étion^ (Mmtinueria te JMnml ielk^évouxBCfm m éêi^*iii*ês.hôm^ Goûter w frit ftussî jcrumaiiste. *6tittMtfie Bef^liièr^ que ses Psamxes et ses Jl^ flexions spiritttMestyom<>riiéé^ lait çlaeer |mmii ^tes^ftsc^tiquesy ^t qoe^dn imtinpeidef^Efftise gal^ ^4imt!e irati^era parmi les btstorieus , prend «u WMi le Journal de Trévoux, ^1 n'a janiffis été ^{Atts îtitéressant e^t phts utile tpie pendant ies (Kk- ^#dptamiées'desadîre<:$ion. FVançois Férmid ré- dige mir fa langue française, au double pmnt de ^mie grmnmê^ài èft critique, deux diclioiin«fe& "^ifliiiQtiériteraietit d'être ^us connus, pendant (jœ "CfuiHaumé Lebrun dènne "son Dictiùmudre-Md^ i^sèl latin^frànpëis. fyes de ^uetibeuf se fàft "éd^jetir de "plusieurs ouvrages; Laurent Patii, ' ^s îconmr'BOUs leifiom ^de l'abbé l^aul, se néyèle -par ses'tradueticrtfs 41 mn ^Gours de l((tm^é; Louis 'lacqtietéGfrit d'éléga»tsâi8wurs.acadéniiques, et ^tMbe tm Tmmllèle ingénieux errtre les tragiques ^gfecs*ë1 les tragiques français-; Sairdoii ikibamél ^^mÉei^ùei& manière ideilin l$$ wtumts twec uti- — il82 — lUé. J^es Àodréy pèèLe et sern^onaire, saront littérateur, \it eacore par. son «Sfisa» surieybeau; Roddl{vbe du T^rtre^ (>ar si^Réfaiation du stfstème de métaphysique de Matebranehe, iBoïKiverrture Giraudeau donne ^à Médwdc pour apprendre ^la langue greeque^ ses . Poiraiolas qui ont ehamé notre enfaïQce, son lEwmgile médité qninonmt notre âge mûr^ et Jeain-fiaptÂste Biandiardy ^s»n Ecole des mœurs et ses «autres ouvrages d'éduca- tion. Jacques Lenoir Duparc et Louis Domairon, professeurs, Tun à Louis-le-Grand, l'autre à l'E- cole militaire, écrivent quelques livres de littéra- ture et de géographie. Il en est ainsi de Bernard Routh, entre les bras duquel est mort Montes- quieu. Par son analyse de deux traités de Séné- que et la Tie du philosophe qu'il met en tête, Ansquier duPonçol conquiert le suffrage de Di- derot qu'il ne recherchait pas, et édite ensuite le '€ode delà raisonqui n^^ pas moins bien accueil- li. Digne successeur des Sirmond et des Pétau, Gabriel Brotier est le savait universel. Si l'on excepte les mathématiques, il a tout embrassé, histoire, antiquités, médecine, langues, la latine surtout, dont il déploie tous les trésors dans ses belles éditions. Son édition de Tacite, avec lequel il rivalise dans ses jiuppléments, lui mérite les éloges dei'Europe savante. Antoine Panel est un poète latin ^ Papillon du Rivet, mentionné déjà — 184 — parmi les prédicateurs, est en même temps poète français, comme Béraull-Bercastel, auteur du poème de la Terre promise^ et Terrasse DesbiU Ions, Fauteur des Fables, est appelé par un cri- tique fe dernier de^ Romains {i). Enfin, Guillaume Berloud raconte Vhisfoire des poètes français, et le savant antiquaire Legrand d'Aussy publie ses Fabliaux et Contes du xu* et du xm* siècle. V. Les Jésuites de France ont aussi leurs histo- riens. Parmi ceux que nous venons de nommer, c'est ce même Legrand d'Aussy, auteur de V His- toire de la vie privée des Français et de la Vie à* Apollonius de Thyane; c'est Berthier, conti- nuateur de VHistoire de l'Eglise gallicane du P. Longueval ; c'est BéraultBercastel, l'historien de l'Eglise. C'est encore François de Ligny, si (1) Nous citerons ici quelques lignes d'une lettre du mois d'avril 1773, que le P. Desbillons écrivait à son frère, de Manheim, où l'électeur palatin lui avait ouvert une généreuse hospitalité^ lorsqu'il fut obligé de quitter la France : « Je suis fort retiré : cependant j'ai quelquefois des conversations avec nos Pères, mais en latin, car je ne sais ni ne veux savoir l'allemand, ce qui ne les choque point, car ce sont des esprits bien faits et point ridiculement délicats (comme on en voit tant en France et surtout à Paris). Nous parlons un latin d'usage qui, sans être recherché, me parait trèsbon, et même meilleur que celui que la plupart des gens du nord emploient dans leurs livres. Point de sole- cismes, point de barbarismes ^ langage facile et naturel^ en sorte qu'on peut dire sans exagération que le latin est encore connu par ^on Histoire de la vie de Jê^m- Christ; Joachim du Tertre, auquel on doit un bon Abrégé de Vhistoire d'Angleterre et une Histoire des con- jurations et conspirations célèbres ; Pierre Guérin du Rocher, si versé dans la connaissance des lan- gues orientales et des historiens de Tantiquilé^ et si célèbre par- son Histoire véritable des temps fabuleux. Il fut massacré aux journées deSeptém- bre avec son frère, Jésuite comme lui et auteur d'un poème latin sur l'architecture. C'est toujours parmi les Français, Claude Millot et François Vel- ly, anciens Jésuites, auteurs, le premier des J?te'- mcnts d'histoire ei de V Histoire des Troubadours, ouvrages d'un mauvais esprit, mais qui dénotent du talent; le second, àeV Histoire de France. C'est enfin l'éditeur et le continuateur du Père Daniel, Henri Griffet, àoniX Histoire de Louis XIII^ même comme simple recueil de matériaux, a mérité les suffrages des savants, et eh particulier d'un des érudits les plus distingués de notre époque^ M. Ch. Lenormant(l). ici une langue vivante. Tous les Allemands n'ont pas à beau- coup près la même facilité. Mais nos Jésuites excellent en cela, parce qu'on les y exerce dès le noviciat avec un tel succès, que je n'en ai presque vu aucun qui ne s'exprimât dans la langue des Romains avec autant d'aisance que dans leur langue maternelle (Extrait des lettres autographes du P. Desbillons^ qui se conservent chfz M. Terrasse de la Brosse, petit-neveu de Villustre Jésuite), {\) Des associations religieuses (Paris, i845), p. 43, ~ U6 — Le Pertflga» SkMraës se lait ranaaUsIe des F!»- fei; le li«û|M a pour Usiorieo XanerClawigefa ; la Pologne, Stanislas Marusiewicz , évé^e lie SmoIraskY puisde Loek a^ès la suppression^ plus estimé eueore comme poète ; rillyrie, Diaoid Kar- lati, dont VUiyrium sacrum fut louée par les a»- teuis protestauts des Actes de Lâpnek. Wakte- laiu décrit lai Gaule Belgique selon les Irms^liges de thisUnre ; liarc-Antoiae Laugier, outie diiers '.ouvniges sur les beaux-orts, doime ÏHUtaireàe la fR^fiuUique de renise, la plus complèteafaut ^xUede Daru ; kla rédige un Abrégé de l'histoiie d'Eyagne, et Piauçoîs Masdeu se foaei au pre- mier, rang des historiens de son pays et des pro- sateurs-italiens et espagnols par son Histoire crin tique dE^fogaeeide sesjprogrèsdans les sciences^ ^ks lettres et les urts^ écrite dans les dèuxlanguas, d'un ,st^le pur et élégant : il poussa cet ouvrage .jusqu'à i^ingt Tolumes in*4''; mais le plan qu'il s'^était tracé en mirait. exigé cinquante, et il lut interrompu par la mort. Toutefois, ici encore, les Jésuites Allemands ont le pas sur leurs frères du reste de l'Europe. C'est cfaes eux qu'on trouve surtout la sciMce exacte et profonde. Leur grande école historique .commença n^éme une révolution ^i histiûre, < et ouvrit cette voie glorieuse dans laquelle ils ont été suivis, par tant d'écrivains de la moderne Âl- *87 — l0iiiâgne« FttifVe»]€ûnvaiBei\e^ il «uffit dealer Henri ^SdiAz^4e rUmversité d'Ingoktadt Adrien •DaiMle (t)^ de «selle de Wurtzbourg; iFrançois Kcnri, qpie nous cofmaissoas d^à camukè^UiVêxA , witeurderfl!»totn;dé« empermrsd' Orientdqms Comiantin he Grtmi justjpuM dernier Omstan" tin y et de VMitoire de^ empereurs ottêmam de^ 'fm»^^hjm9e de €(msianiki^ ouvrage 4Mnti^ mué par le Père Kioolas Sebimth ; Ignace Schwartz, professeur à Ingolsiadl, qui, sous le titre de Collegia historica, éleva un monument plein de sagesse et de grandeur; Marc Hansitz, dont IdLÛermema sacra iorme le pendant de la 4ialHa christiana des^îvères de Sainte-Marthe^ et dont les Analecta.$out si précieux pour l'histoire de la Carinthie; Joseph Hartzheim; le Labbe de la Germanie, qui, .^ès Schannat^ publia la Cûl- .lection des Conciles d'Allemagne , que conti- Htt^nt ses ceofirères Hermana SchoU et Gilles Neissen. Hartzheim a encoreJaissé d'autres nom- .èreux.ouvrages d'histoire et d'antiquités. Xes Jésuites hongrois , en particulier, sont pris d'un tendre amour pour leur patrie^ et se montrent jaloux d'en recueillir et d'en trans- mettre à la postérité les souvenirs glorieux. Ni- colas Muszka denne ses Fiixe Palaiiiiemm sub (t) To^l'ar^e Bouêe^ tais !• sof piémeKt à k^B^na- phie universelle. — 188 — regîbus Himgariœ; Charles Peterffi et Etienne Kaprinaï, lepreniier dans %e^ Sacra concilia in regiio Hungariœ celebrata^ le second dans sa Hungaria diplomaticay développée par le Père Joseph Pray (1), réunissent toutes les annales re- ligieuses et politiques de leur pays, pendant que Etienne Katona suit les destinées delà monarchie nationale dans son Histoire critique des rois de Hongrie (41 volumes in- S*) et dans TAbrégé du du môme ouvrage, VI. A celte liste si longue de théologiens, de sa- vants, de littérateurs en tous genres, nous devons ajouter les hommes non moins distingués que la Compagnie possédait en même temps dans les Missions lointaines. La France avait envoyé dans le Céleste -Empire de dignes successeurs des Pa- rennin, des Verbiest et des Schall, dans Martial Cibot auquel toutes les sciences, astronomie, langues, histoire, mécanique, agriculture, bota- nique, étaient familières ; dans Amiot, non moins savant que son confrère, qu'il aida à recueillir la plus grande partie des renseignements que (i) Pray est un exemple, malheureusement trop peu rare, de ces hommes émînents en savoir^ qui sont presque inconnus «n France, et dont le nom ne se trouve dans aucun de nos dictionnaires historiques. — 189 — nous possédons sur la Chine ; dans Joseph de . Mailla, auteur de différentes cartes du Céleste- Empire, traducteur des grandes Annales de la Chine^ si versé dans les sciences, les arts, la mythologie, l'histoire, la littérature, la langue des Chinois, qu'il étonnait les Lettrés eux-mêmes; dans ^Michel Benoit, astronome, mathématicien et physicien, qui, pour plaire à l'empereur, de- vina l'hydraulique et s'improvisa graveur; dans Antoine Gaubil , correspondant de l'Académie des Sciences de Paris, membre de celle de Saint- Pétersbourg, astronome et interprète de la Cour de Pékin, assez savant dans les sciences, l'his- toire et la littérature des Chinois pour devenir le maître de leurs docteurs. L'Allemagne fournissait son illustre contin- gent aux Missions de la Chine dans les Pères Sla- vislek, Goggeils, Sichelbart, peintre distingué, Godefroid Leimbeckoven, mort évoque de Nan- kin en \ ISly Kœgler, Hallerstein, successeur de Kœgler dans la charge de président du tribunal des mathématiques. Dans le même temps, le Portugal, qui avait déjà donné à la Chine les deux Pereira, Antoine Thomas, etc., y était digne- ment représenté par Jean Seixas, Ignace Fran- cesco, Félix de Rocha, premier président du tri- bunal des mathématiques après Hallerstein , Joseph Espinha qui succéda à Rocha Joseph, — 19» Bernarda qui, en 1779, remplaQa le £« CoMm dans les mêmes fonettoiis (!)•. YII. A la vue de ce grand nombre de religieux li- vrés à Tétude et à renseignement des sciences et des lettres profanes, on pourrait croire cpie la Compagnie de Jésus n'était qu'une Société sa- vante, ou, du moins, qu'elle avait alors oublié sa fin principale, le salut des âmes, Tinstruction chrétienne des ignorants et des pauvres. Mais de même que les hommes dont nous venons de tran- scrire les noms glorieux, ne perdaient pas, au milieu de leurs travaux scientifiques, le souvenir de leurs devoirs de missionnaires (2), et n'usaient (1) Vers le même temps, André Rodrigaez, Jésnite espa- gnol; était deui^ième président du même tribunal. (2) Rien de plus touchant que ce qu'écrivait de Chine à ses confrères de France le célèbre P. Gaubil, honoré lui-même comme savant par tous les savants d'Europe : « Selon Tordre de nos supérieurs^ mande-t-il au F. Màignan à Paris^ jecomr munique à MM. de TAcadémie plusieurs observations astro- nomiques, et à d'autres savants ce que je trouve de plus cu- rieux et de plus important dans l'histoire chinoise ett dans la vieille astronomie de cette nation. Mais dans le fond, je ne . fais tout cela que par obéissance et à contre-cœur, et j'aban- donne tout cela avec plaisir, pour baptiser, confesser, com- munier, et surtout pour instruire les fidèles et les gentils.. » — Le^ novembre 1728, écrivant de Pékin au P. Etienne Souciet, Gaubil révèle dans la simplicité de ses ambitions ce qu'il espère de ses travaux littéraires : «r Je saiS; écrit-il, que — m — delssdenceque'pour gagiier la foreur dit prtnoe; et de la faveur du prince que pour assurer la ' liberté et le triomphe de l'Évangile^ ainsif, en Europe, les fils de saint Ignace ne voyaient dam» leurs études qu'un moyen de se mén^^er auprès^ des peuples, et dans leur réputation qu'un titre, à leur confiance. Aussi, dans les mêmes catalo^ gués de la Société que remplissent tant de savants et illustres professeurs, nous trouvons des listes, non moins intéressantes d'hommes uniqueinent' appliqués aux fonctions apostoliques. Par exem-- plCr le catalogue de la Province de Vienne, en Autriche, contient, outre un grand nombre de Pères chargés de prêcher TËvangile dans les col- lèges et dans les villes, quatre catégories de mis- sionnaires : missionnaires catéchisants; mission-' naires stationnaires (probablement occupés à l'instruction d'une ville ou d'un pays en partico- liery^ missionnaires Ségneriens ou de la fléni— \otre Révérence est pleine de zèle et les objets n'ân manquei^L pas. Je vous prie d'envisager la bonne œuvre des petits enfants exposés ici et à Canton. Bien de plus beau, et je m'estimerais heureux si, par ce que je vous envoie, vous aviez occasion da faire connaître à. des gens puissants l'importance de la bonne (Buvre. » — Et ailleurs : « Je ne m'embarrasse pas que Mes- sieurs de l'Observatoire (de Paris) me nomment ou ne me nomment pas... Je ne fais nul cas du pet,It honneur qui peut m'en revenir. De tous les missionnaires je suis celui qui mérite le moins d'être honoré. » — {LHtres autographes du P. GaH- bil,^ manuscrits du P. Brotier). . — 192 — ience, établis par le Père Ségneri pour la con- TersioD des pécheurs ; missiomiaires des camps, attachés à la suite des armées pour TiDstructioD religieuse des soldats. Dans le catsdogue d'Au- triche de l'année 1761, les missionnaires caté- chisants, destinés à parcourir les diocèses pour rompre le pain de la parole sainte aux ignorants et au peuple, sont au nombre de dix-neuf. À leur tète est le célèbre Père Parhamer, qui se console d'avoir été arraché à l'instruction des paysans pour devenir le confesseur de François V\ en fon- dant plusieurs établissements utiles, entre autres son orphelinat militaire où sont recueillis les fils des guerriers morts au service de la patrie. Dans leurs rangs on compte plusieurs hommes distin* gués : un Jean Delpini, nommé plus tard par Marie-Thérèse à l'abbaye de Kolos-Monostros en récompense des nombreux services rendus par lui à la religion en Transylvanie, où il convertit plusieurs milliers d'hérétiques; un Elienne Mi- halcz, d'une des plus illustres familles de la Tran- sylvanie, qui consacra de beaux talents et la. connaissance approfondie de plusieurs langues au salut des pauvres de la campagne. Dans le niême catalogue, à côté des dix-neuf mission-^ naires catéchisants, nous trouvons huit mission- naires ségneriens , vingt missionnaires station- naires et quatorze missionnaires des camps ou — IM — des armées. Bans le catalogue de l'année 1770, ces nombres restent à peu près les mêmes, à l'exception de celui des missionnaires station- naires qui s'élève à trente-trois. Ce fut vers cette époque (177Q, 1771, 1772) qu'eut lieu cette grande et merveilleuse révolution religieuse opé- rée eq Hod^rié et eft Ttâosylvapiô^^ oii plus de sept lùflle familles hérétiques ou schismatiques revinrent à l'unité. En parcourant les catalogues des autres pro- vinces de la Compagnie, en Allemagne, en Ita- lie, partout, nous arriverions aux mêmes résul- tats. Nous avons sous les yeux le catalogue de la province de la Germanie supérieure en 1770, et nous y voyons qu'un grand nombre de religieux, soit prêtres, soit même scolastiques ou pro- fesseurs, sont employés à faire le catéchisme hors du collège, dans les paroisses et de la ville et des campagnes environnantes. Ainsi, dans le seul collège d'Ingolstadt , parmi les jeunes Jésuites alors étudiants en théologie ou en philosophie, nous en comptons seize désignés pour évangè- liser les pauvres ou les enfants des villages voi- sins. Le petit collège de Hall, en Tyrol, et le collège de Neubourg, fournissent chacun six ca- téi^histes. À l'àniiée 1773, dans la province de Bavière, le cdlége d'Amberg envoie six profes- seurs faire le catéchisme hors de la maison, le col- 13 — MM — lé^ ie Munich neuC, et les autres collèges àw» la même proportioa. Dans la proYince du Bhiiix inférieur, dix professeurs ont le titre de cata** chistes au collège de Trêves; dix paiement, parmi lesquels trois scdastiques» au collée de Paderbom ; huit au collée d'Osnabruck ; Tingt et un au collée de Munster; vii^-^cinq au. collège de Cologne. Cen est assez pour montrer quel. prix etçieL intérêt la Con^^nie de Jésus a mis dans tous les temps, et surtout à sa dernière heure^ à TiiH struction des pauvres et des enfants. D'un autre côté, nous savons par tout ce qui précède que, bien loin d'être déshéritée alors d'hommes dis- tingués dans tous les genres de connaissances, elle n'avait jamais été si riche en savants et en litté- rateurs ; en ce sens, du moins, qu'ils n'avaient jamais été plus nombreux, s'ils n'avaient pas* tous le génie de leurs ancètres.^ VIIL On a dit que ces hommes s'étaient formés après la suppression de la Société, sans doute grâce à la terrible leçon qu'ils reçurent alors et aux loi- sirs que leur firent les Cours de l'Europe et le Souverain Pontife. Il y a dans cette assertion grande ignorance ou grande légèreté. La plu-- part^ au contraire, étaient arrivés à la vieillesse. OU) du iiiMis/étai6nt'€88ez «ttmfcés iffe^ns te Vie pow atoti* dé|MM»éf le-6rand (car ce ne «ont plus des r^ents que l'on Teut aujourd'hui), en est-il un seul qu'on puisse comparer à du Cerceau^ à du Baudopy? Au moins, dit^-vous, nous n'avons plus rien à craindre de cette maison ambitieuse, l'objet des prédilections de la Cour et des faveurs du pou^ voir. Qu'avons-nous gagné» je vous prie, même sous ce rapport? Les Cholets, qui avaient pu ré- sister aux prétentions des Jésuites, u'ont-ils pas été abandonnés à Louis-le-6rand ? Que dis-je, les Cholets ? Yingt*cinq collèges de Paris, avec tous leurs biens, fonds et revenus, l'Université elle-^nème avec son conseil, ses archives et sa bibliothèque, sont venus s'abimer dans ce gouffre qui menace de tout engloutir. » Les Oratoriens s'unissent aux universitaires pour avouer que la ruine des Jésuites entraîna la décadence de l'éducation en France. « La sup- pression des Jésuites, dit M. CoUombet (1), n'en devint pas moins funeste à l'Oratoire, en ce que la rivalité cessant, l'émulation dut s'éteindre aussi, et cest un membre de cette Compagnie qui en a fait la remarque (2). Ensuite, comme les Oratoriens prirent cinq collèges de Jésuites en (1) Histoire de la suppression des Jésuites, T. I^ p. tî9. (2) L'abbé Mareschal, dans VJnU de la Religion^ t. XVOI, p. 95. VêWfMe 4e six no», depms tT76 jusqiit i782, l'étude de la Ihécdogie ne tarda pas à s'aflEâiilir •mKidénblemeiit; on ne put s'y Irrrer atee le iBène sein >■• ilnictkM de k yvmm^ mité et tm ÂbondMBée eoame cnértait «x wtmmét Ddigioix (les Jénîtei), le goof enemenl a marqué ayecsalisiactîoa le lèlequ WÊàmmikmn travaux et les wceès cm ka oui teafans onh ranoéa. Âanôlt-il été JMte de prWerd'OBe tulHNiaiifiii précîeue la hahiisBlB de la BlaBcbet Us doWentoepoidaBt l^èti» dèafaens religieux seront mis hors d'état d'exercer lev aHintsIère, cil, et qui revient an méme^ dès fa*il ne sera point pourvu à tenqia à la centjwatifln 4t leur exîstenee. L'exempk des anti» pift prouve que dans aucun on n'a pu les reaqpfaiMr. £t pourquoi en {Hiver présentanent oeux^ ^ parmi tant d'autres Ordres» ont voué tous leuvs aoins à l'éducation de k jeuneese et, par eoBSè*' quent, au bien public? b Sur tous les points de rAllenii^oe, si noos prêtons l'oreille , nous entendrons veABstHr les mêmes louanges à k gloire de l'enseigneoieai des Jésuites. Le P. Tbeiner, qui fr'en est fait Técho dans ses Institutkms d éducation e€oU$imh tique, épuise toutes les formules de radmiratîiB et de la reconnaissance , lorsqu'il parle de k grande supériorité des Pères de k Société de Jésus et de leurs efforts inktigables pour l'éta^» bttssemenf des séminaires et fédocation dudergë en Hongrie, en Bohême, en Moravie^ en Pob- — *M — gpe» en Littuuuuejr nx &¥i* ^t x^iut>Aècitti (i^ Et qu!oD ne croie pas qu'il arrête ces éhiges aux confins du siècle suivant, et qu'aux acœûls de radmiralùm succèdent les gémissemeiiéa de la douleuT; ari^chiés par le spectacle d'une triste décadence. Non : alors il n'était pas frappé jde cette décadence prétendue, et ses. éloges accomr pagnent. les Jésuites à tous les âges de leur ensen- gnement, et les poursuivent même au-delà de leur suppre^ion. Parlant de celte suppression en France, ^ Espagne el en Italie, il ne craint pas d'écrire : a La blessure faite à. l'éducation de la jeunesse par la suppression de la Société: de Jésus était incurable (2). » Et quand il arrive à l'Allemagne, le patriotisme venant animer ea-* core le sentiment de la justice, il s'écrie : a Je n'ai cessé d'admirer les efforts incroyaUes des Pères de la Société de Jésus pour perfectionner les établissements d'éducation ecclésiastique, et plus encore les magnifiques résultats dont ces efforts ont été couronnés. Dans un temps où le mensonge audacieux peut se livrer impunément à ses plus grands excès, il est du devoir de tou» les amis de la vérité de rappeler à ces calomnia- teurs l'infamie de leur conduite^ et d'attacher (1) Voir en particulier 1. 1, p. 280 et 281. (2) Tom. m, p, 400. rar leur front la marque de réprobation dont ils s'efforcent de souiller tout ce qui est hono- rable (1). » Plus loin, après avoir rappelé le nombre pro- digieux d'hommes distingués dans TEglise et dans l'Etat, sortis du Collège Germanique, il s'étonne et s'indigne que l'ingrate Allemagne ait pu jamais oublier un Institut auquel elle devait ses gloires. < L'ami de la vérité, dit-il , se de- mande avec raison comment l'Allemagne, ce pays si pieux, dont le caractère se distingue sur- tout par un profond sentiment de justice et d'é- quité, que les orages politiques les plus violents n'ont jamais effacé, a pu s'oublier un mométat au point de se laisser entraîner par les illusions de son siècle, et je ne dis pas de méconnaître les services que cet Institut lui a rendus, mais 4e les dédaigner et de les regarder avec froi- deur (2). » Les Jésuites sont supprimés. Le Père Theiner décrit alors Ib triste état des séminaires en Alle- magne, mais il fait une honorable exception en faveur de ceux où l'instruction continue d'être donnée par les membres de l'Ordre proscrit. € C'est en Prusse, dit-il, et notamment en Silfr- (1) Tom. I, p. 78. (2) Tom. I, p. 824. — 20Sf - mj que rinstitution des séminaires s'est main- tenue le plus longtemps dans sa pureté primitive. Là, l'éducation théologique de la jeunesse de* itieura confiée aux Jésuites, même après la sup- pression de la Société de Jésus. Le séminaire épiscopal deBreslau était en relation directe avec la célèbre Université des Jésuites de cette ville, qui a fourni tant d'hommes distingués dans tou- tes les branches de la science. Les élèves du sé- minaire continuèrent, comme auparavant, à en suivre les cours. Les autres excellenU et magni- fiques collèges des Jésuites de cette province, savoir ceuxfde Neustadt, de Neisse, de Schweid- nitz, de Jaur et de Liegnitz, l'orgueil et l'ornement de la Silésie, fournirent également un grand nombre de jeunes élèves pour la théologie, qui achevaient après cela leurs études à l'Académie de Breslau (1). » Un de ces élèves fut le Père Theiner, qui se croit ailleurs obligé de paryer aux Jésuites, représen- tés par son vieux maître, un tribut d'hommage personnel. « Je dois, dit-il, l'éducation de ma jeunesse à ce Kœhler, si connu dé tous les habi- tants de la Silésie, qui a eu la gloire d*ètre le premier à introduire dans cette province l'étude solide des langues orientales, Kœhler a rendu à (1) T. H, p. 48. 14 — 210 — rinstruction publique en Silésie des services que reconnaissent également les catholiques et les: protestants. D'après la connaissance que j'ai ac- quise maintenant des Jésuites, je puis cectifier que Kœhler est digne de son Ordre illustre. Je jouissais souvent quand je l'entendais, avec la plus aimable simplicité, exprimer le pieux désir de mourir, s'il était possible, dans Thabil de son Institut (1). i» Il est un livre dans lequel on a condamné Rousseau k se faire ïapologiste de la religion chrétienne : c'est un rôle à peu près semblable que nous venons d'imposer au Père Theiner. ea le transformant en apologiste des Jésuites^ 111. On objecte, il est vrai, que Frédéric, roi de Prusse, qui avait des Jésuites la plus haute opi- nion, étant entré dans cette même Silésie, où l'on nous disait tout-à-l'heure que, grâce à eux, r éducation s' étaii maintenue dans sa pureté pri- mitive, ne fut pas peu surpris de ne trouver dans ces Universités et ces collèges, qui tout-à-l'heure étaient V orgueil et V ornement de la province, même dans la célèbre Université de Breslau, que des professeurs d'une étonnante médiocrité, et (1) T. I,Inlrod., p. 51. — 2J1.— demanda pour cette raison de faire venir au^itôt^, soit de France, soit d^Italie, quelques Jésuites instruits. Nous avons bien lu> en effet, que FrédéricU^; après la suppression de la Compagnie, cbsrgea^ les Jésuites de Silésie d'inviter leurs frères desi autres provinces à venir profiter de rhospilalité: qu'il leur offrait^ en y ajoutant une pension da 700 florins, et .en cela nous n'avions vu qu'ua acte d'humanité envers des proscrits, ou même qu'un acte de sage politique envers des hommes qui pouvaient être utiles ; mais nullt part noua n'avons lu que cet appel fait aux Jésuites étran- gers eut sa cause dans le peu de valeur des pro« fesseurs Jésuites silésiens. Sans doute ces Pères avaient moins de goût et de littérature que leurs confrères de France et d'Italie, et nous en avons un témoignage dans Touvrage déjà cité du Fran- ciscain Prochaska, qui accuse les Jésuites de Bor hême, de Moravie (et peut-être ceux de Silésie étaient dans le même cas), de se laisser aller aux déclamations et au mauvais goût littéraire ; mais Ton ne voit pas que, sous le rapport scientifique^ ils le cédassent en rien aux autres Jésuites. Du reste, ce désenchantement prétendu de Frédéric au sujet des Jésuites est une assertion à l'appui de laquelle on n'apporte même pas une apparence de preuve. Nous allons, nous, citer — 212 — des paroles authentiques du roi de Prusse, qui nous révèlent sa véritable pensée sur la Com- pagnie. Déterminé à les laisser vivre dans son royaume, il écrivait à Fabbé Columbini, son agent à Rome, une lettre autographe, datée de Postdam le 13 septembre 1773, dans laquelle il l'informait en ces termes de ses intentions : Il Touchant l'affaire des Jésuites, ma résolution est prise de les conserver dans mes États, tels qu'ils l'ont été jusqu'ici. J'ai garanti au traité de Breslau le statu quo de la religion catholique, et je n'ai Jamais trouvé de meilleurs prêtres à tous égards. Vous ajouterez que, puisque j'ap- partiens à la classe des hérétiques, le Pape ne peut pas me dispenser de l'obligation de tenir ma parole, ni du devoir d'un honnête homme et dun roi. » Et le 15 mai 1774, il répondait à d'Alembert qui lui reprochait de conserver cette graine j et qui redoutait que les autres princes, encouragés par son exemple, ne vinssent à lui en demander pour ensemencer leurs Etats : « Je ne vois en eux que des gens de lettres qu'on au- rait bien de la peine à remplacer pour l'éducation de la jeunesse. C'est cet objet précieux qui me les rend nécessaires, puisque, de tout le clergé ca- thoUque du pays, il n'y a qu'eux qui s'appliquent aux lettres. Ainsi n'aura pas de moi un Jésuite qui voudra, étant très-intéressé à les conserver.» \ — 213 — Rien de plus conlradicloire, on le voit, que le Frédéric imaginé par les adversaires des Jésuites et le Frédéric historique, si ce n'est V Histoire de Clément XIV et les Institutions ecclésiastiques. Or, entre des assertions sans preuves et des té- moignages authentiques, nul homme de sens n'hésitera à choisir. On objecte encore que Marie Thérèse, pour re- médier à la décadence des études dans l'Université de Vienne, dirigée jusqu'alors exclusivement par les Jésuites, se vit obligée de leur enlever plusieurs chaires importantes pour les confier à des prôlres séculiers et à des religieux de différents Ordres. Notons en passant une nouvelle contradiclion. Les Jésuites, nous a-t-on dit ailleurs, après avoir eu seuls entre leurs mains l'instruclion de toute l'Allemagne, n'ont pas su former un homme vraiment distingué; et voilà que tout- à-coup l'on peut trouver des professeurs de hautes sciences, prêtres séculiers et réguliers, capables non-seu- lement de les remplacer, mais encore de donner un enseignement supérieur et de suppléer à leur insuffisance I Et toutefois, qu'on produise les noms, les ouvrages de ces nouveaux professeurs ! Où est cette renommée, cet éclat, qui devaient éclipser la gloire des Jésuites! Nous feuilletons les dictionnaires historiques et bibliographiques, et nulle part nous ne trouvons ni ces hommes — i2M — illustres ni leurs œuvres. Peut-être y en eut-il quelques-uns, mais ils furent certainement en ibrt petit nombre. Nous pouvons citer Michel- Ignace Schmidt, auteur d'une grande Histoire des Allemands y écrite dans la langue nationale. Mais observons d'abord que Schmidt était élève des Jésuites de Wurtzbourg; ensuite, qu'il ne«e rendit à l'invitation de Joseph II et ne vint en Autriche qu'au temps même de la suppression ; enfin et surtout, que son arrivée à Vienne coïn- cida avec les dangereux changements que l'em- pereur se disposait à opérer dans TÉglise, ce qui rendit suspecte la protection dont il fut investi, et le fil accuser par plusieurs, notamment par Tévêque de Wurtzbourg, de connivence avec le prince schismatique. Cela nous fournit l'occasion de rappeler le vrai sens de la réforme des Uni- versités d'Autriche au xvm« siècle. Nous avons vu, dans notre chapitre troisième, qu'en ôtant les chaires aux Jésuites de Vienne pour les don- ner à d'autres professeurs, on n'avait pas pour but d'arrêter la décadence dans laquelle ils au- raient laissé tomber les études, mais seulement d'iniroduire dans les Etats d'Autriche, par la voie de l'enseignement, le jansénisme et le philoso- phisme. Rien ne prouve qu'il y eut alors trace de dé- ladence dans les Universités dirigées par les Je- — 215 — suites, et il serait impossible de citer un seul fait authentique à Tappui de cette accusation. Si l'on se fût borné à modifier, à agrandir le plan d'études suivi dans TUniversité de Vienne, pour entraîner les écoles de l'Empire dans le mouve- ment littéraire qui avait parcouru la France et commençait à atteindre les États protestants, ce dessein, nous l'avouons volontiers, eût été légi- time et digne de tout éloge. Aussi le cardinal Migazzi, archevêque de Vienne, s empressa de l'adopter, et les premiers d'entre les catholiques, les Jésuites songèrent à en assurer Texéculion. On se rappelle Michel Denis et les autres membres delà Compagnie qui aidèrent alors au dévelop- pement de la littérature nationale. Aux exemples et aux preuves donnés àla fin de notre chapitre deuxième, nous pourrions encore ajouter quel- ques noms et quelques faits concluants. Nous pourrions mentionner François Schcenfeld,qui a composé plusieurs ouvrages eti allemand, parmi lesquels des poésies pleines d'élévation et de chaleur. Nous pourrions surtout apprendre à plusieurs qu'au xvu« siècle ce fut un Jésuite, le Père Frédéric de Spée, qui, le premier, révéla aux Allemands les richesses poétiques de leur idiome, et leur démontra par son exemple qu'il pouvait se plier comme tous les autres aux exi- gences multiples du rhytlime lyrique. Son re- — 216 — cueii de poésies sacrées intitulé Trutz-Nachti- fjall, est plein de verve et d'inspiration, et encore (le nos jours, les compatriotes de Frédéric de Spée le préfèrent à tous leurs poètes religieux. Si le développement de la littérature natio- nale catholique ne fut pas poussé plus avant, la cause en est dans la proscription des Jésuites et dans la fausse direction qui fut imprimée aux études par Stock et ses complices. Sous prétexte de réformer l'enseignement des Jésuites, les no- vateurs voulaient le remplacer par leur doctrine schismalique. Alors, à la faveur et à la suite de mesures bonnes et même nécessaires, ils firent passer les mesures les plus désastreuses, qui ren- dirent les premières à bon droit suspectes et en éloignèrent les catholiques. Que penser, par exemple, de celte prescription imposée par Stock, ce réformateur des études, « qu'à l'avenir nul ne serait ordonné prêtre, s'il ne comprenait l'Ëcrilure sainte dans le double texte original hébreu et grec (1)î » Prescription absurde, impraticable ! Qu'ont besoin la plupart des prêtres pour dire la messe, administrer les sacrements, catéchiser, évangéliser les peuples, de savoir lire la Bible en hébreu? D'ailleurs, tous les aspirants au saint ministère en sont-ils capa- (1) Voii AIzog, HisL de rÉglise, t. Hl, p. 344. — 217 — blés? Et enfin, s'il faut se livrer à des études si longues et si difficiles, où trouver le temps d'ac- quérir les connaissances indispensables aux fonc- tions du ministère pastoral, le temps même de les remplir? On dirait vraiment que le jansénisme, sous des formes diverses, poursuivait toujours les mêmes projets, et que, pour réaliser son plan de Bourg-Fontaine, il voulait anéantir les sacre- ments en en rendant les ministres impossibles. Sans doute, il est bon qu'un certain nombre de prêtres se portent vers les hautes études de l'Écriture sainte et des langues sacrées, mais ils seront nécessairement en minorité. C'est ce qu'a- vaient compris, ce que pratiquaient les Jésuites. Au grand nombre ils enseignaient la science suf- (isante, et surtout l'exercice du zèle et de la piété; aux natures privilégiées ils imprimaient un élan vers les sublimes connaissances. Saint Ignace avait établi cette règle et cette distinction pour les Jésuites eux-mêmes, et saint Charles Borro- mée, dans le Y* Concile de Milan, avait appliqué l'une et l'autre à ses prêtres ; mais le zèle et la sagesse d'un Ignace et d'un Charles Borromée ne suffisaient pas aux réformateurs de Vienne. IV. Abordons plus directement la question, et voyons si vraiment, vers l'époque de la suppres- — 218 — «ion, les écoles des Jésuites étaient en décadeoee. Au commencement du -svuv siècle, la Compagnie opéra un recensement de toutes ses maisons. Ce recensement constata l'existence de 612 collèges, de 157 pensionnats ou écoles normales, de 24 Universités, dans lesquelles se conféraient les grades académiques. Un demi-siècle plus tard, en 1749, TAtlas universel de Tlnstitut prouve qu'elle avait encore progressé au milieu de tous les efforts de l'incrédulité pour arrêter sa marche, car elle possédait 669 collèges. Or, ces collèges étaient presque tous floris- sants, et à leur tète se trouvaient des professeurs plus ou moins remarquables. Évidemment, nous ne pouvons entreprendre ici de tracer un tableau particulier de chacune des Universités, de cha- cun des collèges que dirigeait la Compagnie. Choisissons pour exemple l'Université de Wurtz- bourg et le Collège Thérésien à Vienne, au sein de cette même Allemagne où elle est accusée d'avoir le plus oublié ses glorieuses traditions. Pour l'Université de Wurtzbourg, nous em- prunterons quelques détails à un Essai sur Vtm- (dire de cette Université, par Christian Bœnike. Bœnike, comme il est facile de s'en convaincre à la lecture de son ouvrage, paraît peu suspect de prévention en faveur des Jésuites. Or, il écrit à la page 161 de son livre : « Le P. François i — 219 — Huberti, professeur de hautes mathématiques dès l'an 1754, fut le digne successeur des Pères Alhanase Kircher et Gaspar Schotl dans la chaire que ces deux hommes avaient illustrée pendant le cours du siècle précédent. » Et à la page 273, il s'exprime ainsi : « Le zèle des études bibliques et hébraïques, que les Pères Videnhofer et Ni- colas Zillich avaient si heureusement propagé, se rdentit après la mort de ces deux hommes dans notre Université. » Et il ajoute un peu plus loin ; « Pour relever ces études, le prince-évèque Adam Frédéric donna la chaire d'Ecriture sainte successivement aux PP. Henri Kilber et Tho- mas Holztclau , qui venaient de publier (1768) leurs savants ouvrages de théologie {Théologie de Wurtzbourg). » Ainsi , sciences profanes , sciences sacrées, rien n'avait dépéri entre les mains des Jésuites à l'Université de Wurtzbourg. Ab una disce omnes. Nous trouvons un tableau magnifique du Col- lège Thérésien dans une lettre rendue publique de Rossignol de Yal-Louise. En 1767, après avoir proclamé le Gymnase impérial une des premières écoles du monde, il continuait ainsi : « Oji voyait rassemblé dans cette maison la fleur de la noblesse de tous les États de la maison d'Autriche, Allemands, Hongrois, Italiens, Fla- mands. On y cultivait avec le plus grand soin et — 220 — le plus grand succès les sciences, les lettres et les beaux-arts. L'histoire naturelle y était parti- culièrement en honneur. On y faisait des collec- tions; on apprenait à dessiner et à colorier au naturel les productions de la nature. Mathéma- tiques, physique, musique, danse, escrime, géo- graphie, histoire, rien n'était négUgé pour for- mer des cavaliers accomplis de tout point (1). Une trentaine d'élèves s'appliquaient à la juris- prudence. Ils étaient séparés des autres, Comme déjà plus âgés. La philosophie aura de la peine à en goûter le motif. Ces enfants se confessaient et communiaient régulièrement une fois le mois. Ce n'était point l'usage de le faire plus souvent. On entendait de les monter sur un ton qu'ils pussent conserver à la fin de leur éducation en entrant dans le monde. Mais ce qui intéressera particulièrement nos Français , rien n'égalait le ton d'aménité, de politesse , d'urbanité qui ré- gnait parmi cette jeunesse. Un étranger, en se présentant, était assuré d'être accueilli avec la plus grande honnêteté, et de se trouver en pays de connaissance. Il n'avait que faire de se pour- voir d'un truchement. Ces jeunes gens parlaient toutes les langues, avec le même degré de faci- (1) Le Collège Thérésien comptait alors parmi ses] profes- seurs les Khell, les Michel Denis, les Eckhel, les Paul de MakOj etct — 221 — lité, sans que cette étude prit sur leurs occupa- tions littéraires, et voici comment : un jour de la semaine, tous étaient obligés de parler alle- mand; un second jour était pour le latin, un autre pour l'italien; on en avait assigné deux pour le français... Ainsi, je fus moins étonné qu'on ne le sera de ce que je vais dire. Je me trouvai à table à côté du jeune comte Bathiani, Hongrois , âgé de onze ans. Il soutint avec moi de longues conversations. Je Tai entendu parler latin avec la rapidité et la précision d'un vieux professeur de philosophie. Quand il parlait fran- çais, vous eussiez dit qu'il avait été élevé sur les bords de la Loire, à Blois ou à Orléans. C'est principalement à table que j'ai conversé avec lui. On ne faisait point la lecture ; on voulait que les enfants profitassent de ce temps pour se former aux langues et aux manières de la bonne compa- gnie. Dans cette vue, on les faisait manger à des tables rondes ou ovales, qui admettaient douze convives, huit pensionnaires et quatre Jésuites, distribués en symétrie, qui avaient l'œil à tout. Chaque enfant servait ses camarades à tour de rôle, et se trouvait engagé à apprendre à le faire avec décence. Elle régnait tellement dans tous leurs procédés, dans toute leur conduite, que, quoique j'aie demeuré assez longtemps au milieu d'eux, je n'ai pas entendu une seule fois un pro- — 222 — pos^ une parole, qui donnât la moindre atteinte au respect qu'on doit à la religion, à la pureté des mœurs, aux égards mutuels que prescrit l'es- prit de société (1). î> Ces succès, cette splendeur du Collège Thé- résien, cette réputation qui s'était répandue dans, toute l'Europe et y avait attiré une foule d'élèves, étaient dus principalement au Père Henri Kerens. . Marie-Thérèse l'ayant remarqué, l'avait demandé pour son collège, où il enseigna d'ahord la phi- losophie morale et l'histoire, et dont il devint ensuite recteur. L'impératrice récompensa plus, tard son zèle si heureux en le nommant, après la suppression, au siège de Neustadt. Là il se montra saint évéque et fut du nombre de ces rares prélats qui osèrent résister aux innovations de Joseph IL Avec le Père Kerens, le Père Fran- çois-Charles Palma se signala aussi au Collège Thérésien, où il était préfet général, par son ha- bileté à diriger et à former la jeune noblesse. Après l'extinction de son Ordre , Marie-Thérèse le nomma évéque suffragant de l'archevêque de Kolocza en Hongrie, (citons enfin le Père Sigis- mond Hohenwart, habile dans presque toutes les langues modernes, professeur d'histoire et préfet au Collège Thérésien. Ce fut à lui que Ma- (i) Lettre à M. Noël, éditeur de la Géographie de Guthrie^ p. 16. (Turin, 1805.) rie-Thérèse confia réducation de l'un de ses per- tits-fils, qui fut depuis l'empereur François U, Ce prince, reconnaissant envers son maître, le: fit monter, en 1803, sur le siège archiépiscopal de Vienne, et mérita par ce choix les félicitationt de Pie Vn. Nous rencontrerions les mêmes succès et les mêmes hommes en parcourant les divers coUégesî de la Compagnie dans le reste de l'Europe. Ne. nous rappelons-nous pas Téclatant témoignage rendu par les universitaires aux Jésuites du col- lége deLouis-le-Grand? Mais à quoi bon insister?. Nous avons fait, dans ce chapitre , une longue énuméralion des personnages distingués ^ soit dans les sciences sacrées et profanes, soit dans les lettres, dont se glorifiait la Société de Jésus au moment de son abolition. Or, la plupart d'entre eux s'étaient formés dans la carrière de l'enseignement ou même occupaient encore leurs chaires. Jamais ils n'avaient été plus nombreux. Peut-être dans certaines branches des connaissan- ces humaines, dans la théologie, par exemple, ils restaient au-dessous de leurs pères, mais ilsétaient encore supérieurs à leurs rivaux, et, par comK pensation, ils se surpassaient eux-mêmes dans les sciences mathématiques et naturelles. Quels ppo» fesseurs, en eiïet, que les Hermann, les Manhart^ les Reuter, les Gravina, les Giorgi, les Piasce- — 224 — vichy les Kilber, les Holtzclau, les Neubaûeiv les Voit, les Faure, les Bolgeni, les Iturria* ga, les Gêner, les Sardagna, les Statller, les Stoppiniy les Zaccaria dans la théologie ! que les Videnhofer, les Veith, les Nicolaï, les TIrsch, les Haselbauer, les Weitenauer, les Curti, les Hartzheim, les Goldhagen, les Franz, les Khell, les Zillich. les Giraudeau dans rËcrîture sainte et les langues sacrées ! que les Schwartz. les Bi- ner, les Zallinger, les Zech, les Stefanucci, les Antoine Schmidt, les Vogt dans le droit cano- nique ! que les Eximeno, les Béraud, les Scherf- fer, les Ri voire, les Pézenas, les Lagrange, les Veiga, les Asclepi, les Ximénès, les Hell, les MonteirOy les Kratz, les Riccati, les Benvenuti, les Belgrado, les Walcher, les Weiss, les Wein- hart, les Wùlfen, les Sleppling, les Huberti, les Paulian , les Liesganig , les Lecchi , les Bosco- Tich dans les sciences mathématiques, physi- ques et naturelles ! que les Contzen , les Stor- kenau, les du Tertre, les Mako, les Horvath, les Sagner, les André, les Para du Phanjas, les Azevedo, les Denis, les ïerreros, les Colomès, leslsla, lesGuénard, les Grou, IcsWurs, les An- drès, les Bettinelli, les Mazzolari, lesLarraz, les Rossi, les Rubbi, les Raffei, les Santi, les Lago- inarsini, les Lampillas, les Serrano, les Tirabos- chi, les Geofifroi, les Desbillons, les Brotier, les — 225 — Féraud, les Paul, les d'Àussy, les Àmbroggi, les Noghera, les Benedetti, les Cunicfa, les Zamagna, les Morcelli, dans la philosophie et les lettres ! que les Masder, les Panel , les Schûz , les Kéri, les Daude, les Schwartz, les Hansitz, les Haïden, les Prileszki, les Katona, les Holi, les Frœlich, les Polh, les Kaprinaï, les Naruszewicz, les Lazeri, les Eckel, dans les antiquités et les sciences his- toriques (1)! Comment donc, encore une fois, a-t-on pu dire qu'avec tant d'hommes éminents la Gompa* gnie ne comptât plus dans son sein que des pro- fesseurs d'une infériorité absolue? Gomment même a*t-on pu dire que ces professeurs fussent dans un état d'infériorité relative ? Et qui oserait- on leur comparer ? Serait-ce les protestants? Mais les protestants à cette époque, et même dans les âges antérieurs, n'ont guère à offrir de noms éclatants, du moins dans les sciences naturelles et dans la théologie. Quant à la littérature, nous avons déjà dit que le mouvement qui s'est opéré parmi eux au siècle dernier est postérieur à la suppression des Jésuites, ou, tout au plus, con- temporain. Les amis des Jésuites n'ont donc à rétracter (1) Voir aux Pièces justificatives, n»4, un tableau des prin- cipaux professeurs Jésuites de quelques Universités alleman- des^ au moment de la suppression. 15 — 226 — aucun des éloges qu'ils ont prodigués aux der- niers âges de riliustre Compagnie. Ds peuvent, sans être accusés d'exagération par les gens d'in- tdUîgence, par les hommes instruits des faits, continuer à parlar de la grandeur de ce colosse mi moment oti le siècle entier se rua pour rabat- tre. Ils peu vent déplorer, avec toutes les grandes, toutes les nobles voix du temps, la perte irrépa- rable que les sciences et les lettres ont faite alors en Europe, et former des vœux ardents pour que notre âge, qui a recueilli malgré lui le 1^ de malheurs et de ruines que lui a imposé le siède du philosophisme, n'hérite pas de ses fureurs insensées, mais qu'il permette à la Compagnie de Jésus de se reconstituer sur ses bases antiques, et de rendre sa jeunesse plus studieuse, plus sa- vante et plus pure. FIN. APPENDICE. EXAMEN GENERAL DE L'fflSTOIRE DU PONTIFICAT DE CLEMENT XIV DU P. THEINER, PAB H. li'abbé lIA.Yi\ABD. PIÈCES JUSTIFICATIVES. EXAMEN GÉNÉRAL DE L'HISTOIRE Dll PONTIFICAT DE CLËNENT XIY (Extrait du tome XII de la Bibliographie catholique. ) C'est bien malgré nous, et par pure obéissance aux devoirs contractés envers nos lecteurs, que nous nous occupons d'une polémique dont le résultat ne peut être que déplorable. Quoi qu'il arrive, en effet, l'honneur du Saint-Siège et l'honneur de la Société de Jésus, l'un et l'autre engagés dans la lutte, se retireront difficilement du champ de bataille sans avoir reçu quelque blessure. Il y a là une victime, innocente ou coupable ; de l'autre côté, y aurait-il donc un juge ou un bourreau? Com- ment échapper à ce terrible dilemme ? Quels que soient notre respect et notre affection pour la Société de Jésus, la plus grande chose qui ait existé dans l'Église, en dehors de sa divine constitution ; bien que nous Payons défendue et que nous soyons disposés à la défendre, s'il plaît à Dieu, toute notre vie, nous ne manquerons pas aujourd'hui à la vénération filiale que nous devons au Vicaire de Jé- sus-Christ. Les Jésuites, ces enfants respectueux et soumis du Saint-Siège, n'avoueraient jamais pour leur défenseur l'écrivain qui voudrait édifier leur apologie sur la honte d'un Souverain Pontife, et aujourd'hui, comme en 1773, ils mourraient mille fois plutôt que d'enchaîner à leur char de triomphe la mémoire souillée d'un Pape, ce Pape fût- il Clément XIV. Du reste, autant qu'il était possible, les — 230 — deux parties intéressées sont mises en dehors du débat : on connaît la déclaration que le général des Jésuites a faite le 24 décembre dernier ; et, malgré l'assurance du P. Theiner qui dit avoir éiéjugé digne (t. I, p. 19 ) de venger Clément XIV, nous ne croirons jamais que Rome approuve son malheureux livre. Plus la question est difficile à résoudre, et plus nous avons droit de demander qui obligeait à la soulever. Nous n'avons pas à revenir ici sur le Uvre de M. Grétineau-Joly Clément XIV et les Jésuites (voir nos t. VI, p. 535, et VU, p. 15/i), ni sur les motifs qui ont pu le poussera la révélation de telles hontes. Nous n'avons pas à nous en- quérir s'il n'aurait pas mieux valu épaissir, au lieu de le déchirer, le voile que la main pieuse des Jésuites avait jeté prudemment sur la nudité d'une mère toujours sacrée et toujours chérie: le mal est fait, si mal il y eut. Mais qui songeait aujourd'hui au livre publié il y a cinq ans par M. Crétineau-Joly? Qui forçait à ressusciter le scan- dale (de quelque côté que le scandale soit venu) qu'alors il excita? C'est toujours, sans doute, une œuvre louable que de travailler à justifier et à glorifier un Pape; mais encore faut-il choisir un moment opportun. Or, nous le répétons, qui songeait aujourd'hui à Clément XIV ? Nous irons plus loin: qu'importe, après tout, à la religion, que la mémoire de ce Pontife soit plus ou moins vengée? Et d'un autre côté, la religion, en elle-même ou dans ses plus illustres enfants, n'aura -t- elle pas à souffrir de cette lutte intempestive? Le P. Theiner nous dit lui-même ( 1. 1, p. 16) qu'il avait commencé son ouvrage dès 1847, et qu'il Tinterrompit au milieu de la guerre abominable déclarée alors aux Jésuites. Mais cette guerre est-elle donc tellement assoupie qu'elle ne doive se réveiller jamais? L'Église et les Jésuites peuvent- ils se promettre une longue paix en ce monde? Saint Ignace mourant n'a- t-il pas laissé la persécution pour héritage à ses enfants? (H*, si la guerre se renouvelle, le livre du P. Theiner ne i sera-t-il pas^laplus dangereuse machine qui ait jamais été dressée conU'e eux? Nous^ que diverses circonstances ont conduit à lire un grand nombre d'onvrages dirigés contre la Société de Jésus, nous n'en connaissons pas dç plus perfide. On se défie des jansénistes; des philoso- phes^ des impies ; mais comment soupçonner un reli* gieux réputé pieux et savant, un religieux revêtu de tous Les titres que le P. Theiner étale complaisammenfe sur la couverture de son livre ? Ce livre est la justiûcatioa et l'apologie de tout ce qui a été fait contre les Jésuites au derniersiècle, non -seulement par Clément XIV, mais par les Cours et les ministres philosophes ; c'est même une invitation à recommencer, dans un moment donné, cette horrible campagne que M. de Montalembert a si juste- ment appelée a la plus grande iniquité des temps mo- dernes. » Vienne ce moment, que ce livre hâtera peut- être, et qu'on se figure un M* Dupin ou un M. Thiers à une tribune nationale, tenant en main le lourd factumdu P. Theiner, où tout ce qui tient à TOrdre de Jésus est montré coupable ou insensé, et tout ce qui le déteste, saint et héroïque! Les Jésuites n'en seraient- ils pas écra- sés ? Que dirait alors le P. Theiner ? Quel remords déchi- rerait son âme ! Dieu nous préserve d'encourir jamais une si épouvantable responsabihté I — Ce livre est donc une mauvaise action. C'est, de plus, un acte d'ingratitude, car le P. Theiner doit aux Jésuites son retour au catholicisme, son éducation, et même la réputation, un peu usurpée peut-être, dont il jouit. C'est enfin une œuvre d'injustice et de passion. Quoi ! n'était-il pas possible à l'auteur d'éle- ver à Clément XIV le monument triomphal qu'il rêvait, sans lui donner pour piédestal la mémoire profanée du grand Clément XIII, de la Société de Jésus, des cardinaux, des évêques, des pieux fidèles qui la défendirent ou qui la pleurèrent ? Le trône dressé à Clément XIV n'aurait-il pas brillé d'un assez vif éclat, s'il n'eut été entouré de sièges d'honneur destinés à toutes les hontes du xvm* siè- de, aux Pomba], aux Choiseal et à tant d'autres? Ce n'est pas an mfliea d'un td cortège qa'oo ¥a chetclier ordinaireiiieiit les saîMs et les héros. ^ Et poortaitt, le P. Tbeiiier i^end Dien à témoÎD qaH n'a écrit ces pages « que dans le (dos par intérftt de l'Église et de la Yérilé^ • que son bot n'a pas été de mûre à la Sociélé de Jésos » (L I, p. 15). » Oui, soos ce rapport, Diea seol est joge. Mais qu'importent les inlentioiiSy si fceaTre est mau- vaise, si le résultat en doit être déplorable? Ces inten- tions dles-mêmes, tootefiois, n'échapperont pas à fat censure. Bien d'autres ( ce ne sera pas nous) accusatmt l'auteur de jalousie et de haine. Nous nous contenterons de l'accuser d'an aveuglement dont son livre seul nous fournira plus d'une preuve. Car qu'on ne s'attende pas à trouver là une oeuvre savante et halûle, bien digérée et bKu conduite. Par un IxMdMsr qui tient à sa posi- tion exceptionndle d'archiviste secret du Vatican, le P. Tbeintf a eu à sa disposition les documents les plus précieux ; mais soit que sa cause fut trop mauvaise, soit qu'il n'ait pas su lire ni comprendre les pièces, fl n'a presque jamais réussi à baser ses assertions sur un do- cument authentique. Et pourtant, il y a dans son livre un luxe et un abus incroyables de citations. Sur les onze cents pages qui le composent, phis de la moitié peut- être est remplie par des pièces transcrites m exiauo^ après avoir été longuement et lourdement anal3fsées. Une telle m^ode est expéditive et sert à faire très-vite de gros volumes; mais elle est peu littéraire. On ne réusst guère mieux à ûire un bon et beau livre avec des dtatioos entassées pèle-méle, qu'à composer une Iliade avec les lettres de l'alphabet jetées au hasard. De plus, cette méthode est maladroite et compromettante : souvent la citation ne prouve rien, ou même contredit ime assertion émise à quelques pages de distance. C'est on malheur qui arrive fréquemment au P. Theiuer; et il ne faudrait pas, croyons-nous, à un homme habile d'au- — 233 — tre livre que celui-ci, pour établir solidement la thèse diamétralement opposée à la sienne. Voilà une vue générale de l'œuvre dir P. Theîner. D'après cela, n'est-il pas singulier de l'entendre dire (( qu'il n'a pris d'autre guide que son affection pour la » Compagnie de Jésus (t. 1, p. 18) ; » de le voir se draper en héros, « présenter sa poitrine avec fierté » au fer de la vengeance (ib., p. 14), en s'écriant : «Calomnies ou » persécutions, nous les recevons avec jofe (p. 20)?» Vaine protestation de courage I le P. Theiner sait fort bien qu'il ne court aucun risque du côté des Jésuites et de leurs amis, à moins que sa vue et son imagination ne soient troublées par cette fameuse épée dont « la poignée est à Rome et la pointe partout I » Son honneur d'hon- nête homme et de religieux sortira, nous l'espérons, sain et sauf de la lutte; mais il n'en sera pas ainsi, nous le craignons^ de sa réputation d'historien savant et d'habile écrivain. Sous ce dernier rapport, il pourra se consoler avec M. l'abbé de Geslin , son traducteur, qui lui a prêté son mauvais français. — Suivons-le maintenant pas à pas dans les détours de son vaste labyrinthe. Nous y entrons par un tableau de l'époque. Le coup dirigé contre les Jésuites part du Portugal, où la Société est supprimée par Pombal. Le contre-coup se fait sentir en France, où régnent madame de Pompadour et le duc de Choiseul. On sait quel était alors l'état de la France. Louis XV ne songeait qu'à ses plaisirs; la philosophie, le jamsénisme^ les parlements, qu'à la destruction des Jésuites, pour arriver ensuite au renversement du chris- tianisme. Les Jésuites se défendaient de toutes armes. Le P. Theiner fait grand bruit de la déclaration gallicane signée par le P. de La Croix, provincial de France. Ce fut une faute, sans doute, et une faute inutile, mais com* bien excusable, surtout quand on sait qu'elle lui fut im- posée par le pouvoir civil I Après tout, il ne sacrifiait aucun principe essentiel, et il n'y a pas lieu de s'écrier : r % 1 — 234 — c Quel triomphe pour leurs ennemis I quelle humiliation profonde! (t. I, p. /(l)»^Vains efforts! Tant de haines produisent leurs fruits, et la Société est dissoute en 1764* r- Cependant Clément XllI résiste. Il veut réunir en France un concile national pour sauver les Jésuites. Gan- ganelli s'y oppose : première apparition dans l'histoire du futur Clément XIV ! Clément XIII lance alors la fa- meuse huile Apostolicum pascendi. Ella n'a, au dire du P. Theiner, que des conséquences funestes. Suivant nous, elle fut un cri d'alarme, un acte d'encouragement, et elle reste comme un monument d'héroïque fenneté et de suprême justice, à côté des mandements de Christo- phe de Beaumont^ cet illustre pontife qui est, avec Clé- ment XIII, la plus grande figure religieuse du xviu« siè- cle. CËuvre des Jésuites, extorquée à Clément XIII, dit Theiner qui n'a jamais que des insultes pour ce grand Pape, la bulle Apostolicum fut, il est vrai, bafouée, brû- lée par les impies, mais elle fut louée par saint Liguori; et si 23 évoques seulement écrivirent au Souverain Pon- tife pour l'en féliciter, le silence des autres ne peut être regardé comme une improbation, surtout en France, où r.épiscopat était presque* unanimement favorable à la Société. Sans doute elle n'enchaîna pas des fureurs qui, en toute hypothèse, auraient suivi leur^cours; mais elle consola les chrétiens ; et plus tard elle sera reprise par Pie VI et par Pie VII, lorsqu'ils songeront à rétablir la Société de Jésus. £n attendant, nous l'avouons, elle re* double les haines. Les Jésuites sont brutalemtent chassés de l'Espagne et jetés, malgré le Pape, sur les côtes de l'Étal pontifical. En racontant toutes ces horreurs, le P. Theiner n'a pas un mot pour excuser les Jésuites dans le passé, encore moins dans le présent : tout au plus quelques phrases banales sur la barbarie des mesures employées contre eux, suivies immédiatement de décla- mations contre leurs imprudences et leurs folies. Ainsi, ce sont, à l'en croire, leurs écrits et leurs déjâases qui — 235 — amènent la conspiration célèbre qui leur fut si fatale. Pour toute restriction, on ajoute : « De combien d'écrits » et d'événements dont ils n'étaient pas coupables , les » a-t-on chargés ?nott« F ignorons (p. 69) ! » Ainsi encore, ce sont les amis imprudents des Jésuites (on n'ose pas dire les Jésuites eux-mêmes) qui provoquent les mesures les pins rigoureuses (p. 86). On vous dépouille de tout; on vous jette en prison sans forme de procès ; vous vous défendez, on vous met à mort : c'est votre faute ; pour- quoi Vous défendiez- vous? Ainsi raisonne toujours le P. Theiner. Mais, en revanche, s'agit-il des ennemis et des bourreaux des Jésuites, il a toujours une excuse et une justification toutes prêtes. Ainsi Charles III, ce mo- narque d'une haine si taciturne et si obstinée, déclare dans la Pragmatique qui condamne les Jésuites à l'exil^ qu'il renferme le secret de cette mesure barbare « dans son cœur royal. » Ce silence, qui serait un crime à Tégard du dernier coupable, est attribué par le P. Theiner à a Tes- prit religieux » de ce prince, à sa « compassion o pour les victimes (t. I, p. 86) I — Cependant la persécution suit son cours, et Clément XIÏI sa noble tâche. Les projets les plus impies sont essayés contre l'Église en Espagne, en Portugal, partout. Le Pape proteste toujours. Pure t sim- plicité » de sa part et de celle de son ministre Torre- giani I Songes innocents, mais n'a pas une foi si naïve. Il ne se laisse pas prendre à ces insinuations perfides. Il reste toujours ferme comme une colonne et meurt sans céder. Et c'est ce grand Pontife pour lequel le P. Theiner n'a que des accusations ou des paroles d'une dédaigneuse pitié ! C'est de lui qu'il veut faire le mar- chepied du trône qu'il va dresser à Clément XIV I Pour- quoi présenter l'un si grand et l'autre si petit ? L'un a défendu les Jésuites jusqu'à la moft; l'autre, les a sup- primés : là est tout le secret de ce contraste. C'est pour cela qu'on rend les jésuites et lui responsables de tous les excès de l'impiété. Empruntant la langue d'une phi* losophie impie, on les accuse d'avoir ignoré « les besoins — 237 — du temps (p. l/i6) ; » mots banals et trompeurs, à Taide desquels on a toujours justiflé les attaques contre l'Église. Oh I qu'il entendait bien mieux a son temps, » ce grand Pontife qui avait vu que sous la guerre aux Jésuites se cachait la guerre à toute religion I Sans doute, pas plus que nous, il ne regardait les Jésuites comme nécessaires à rÉglise ; mais leur cause était celle de la justice, et, par conséquent, de TÉglise, qui a toujours défendu la justice. Dans les rangs de leurs ennemis, qui voyons- nous? Des hérétiques, des courtisanes, des philosophes, des impies. D'où est partie l'attaque, si ce n'est de là ? Pombal, Ghoiseul, d'Âranda, Tanucci, qu'étaient-ce, sinon d'abord les ministres d'une philosophie antichrétienne ? Eh bien I c'est par eux que sont entraînés les souverains aveugles, qui ne peuvent comprendre qu'on sapera leur trône et la religion après avoir renversé les Jésuites. Peut-être alors quelques hommes honnêtes, comme au- jourd'hui le P. Theiner^ se font illusion et s'imaginent qu'on va tout sauver en cédant sur un point, et guérir tout le corps en coupant un membre détesté ; mais qu'on cite un homme de foi et de distinction à qui soit venue cette pensée. £t le P. Theiner lui-même osera-t-il dire que le danger de l'Église fût alors dans les Jésuites ? Enfin, la victime va être livrée au bourreau. Ces Jé- suites, calomniés, traqués de toutes parts, jouet d'une guerre sauvage ou de calculs cupides, n'avaient pour eux qu'un vieux Pape et quelques catholiques : le vieux Pape vient de mourir, et le conclave, qui déjà s'assem- ble, va élire Clément XIV I Étudions ce qui se passe au dehors et au dedans de cette fameuse assemblée. Au dehors sont les princes, qui poursuivent les cardinaux de leurs demandes impor- tunes ; les ambassadeurs, ministres zélés des haines de leurs maîtres ; au dehors est la simonie, qui assiège tou- tes les portes du conclave. Le P. Theiner ne le nie pas ; mais, sous la demuide importune des princes, il voit — 238 — « les desseûis cachés de la ProvideDoe, provoqodBpeot^ » être par la diredioa que la Compagnie de Jésus avait » soivie avant sa choie (t. I, p. 152).» Tooîoors te même système : les Jésuites seuls sont coapaUes; les princes ne sont que les iostromeots bénis de Dieal — An dedans du conclave, deux partis sont en présence : d'an côté, les cardinaux des conrs, qui veulent plaire anx poiaBUi- ces, qui obéissent à toutes lenrs insiûratiims, et qai^ H mépris des règles les plus sacrées, les tiennent au cou- rant de tout dans des correspondances de tontes les heiH res; de l'autre, les zelanti, « vendus aux Jésuites. » dil le P. Theioer (p. 157), c'est-à-dire partisans do bon droit et de la justice à l'exemple de Clément XIII, incor- ruptibles à toutes les séductions, inaccessibles à tontes les craintes. Eh bien I ce sont ces zdanti, dont on n'a pas pu trouver un seul billet, pendant que les cardinaux des cours livraient aux ambassadeurs tous les secrets do con- clave ; ces zelanti, victimes de Te^ionnage de ces « ba^ biles conclavistes, » qu'on nous représente si naïvement (p. ^10) opassant et repassant à pas de loup» devant la cellule des Âlbani pour surprendre leurs discours, que 1er P. Tbeiner sacriûe toujours aux meneurs d'inUigoesI Mais il confond toutes les noticms et dénature tooa les ca^ ractères suivant les besoins de sa thèse. C'est ainsi qu'à en croire Tlntroduction, le cardinal de Bemis ne mâite aucune confiance ; mais plus tard, lorsqu'on croira poa- voir tirer profit de son témoignage, il sera l'homme le plus remarquable du corps diplomatique (t. I, p. ti2). * Nous connaissons maintenant les combattants et le champ de bataille : suivons les vicissitudes de la lotte. — L'ambassadeur d'Espagne et d'Azara avaient, dès le commencement, résolu de faire des conditions au fàtnr Pape au sujet des Jésuites (p. 217). Tel est le projet: voyons comme il sera suivi. D'Aubeterre, ambassadeur de France, qui ( aveu précieux I ) dirige le conclave c è riotérieur et à l'extériegir ( p. 178), • reprend le projet — 239 — pour lui-même, et fait à Bernis et à Orsioi des propor- tions sîmoniaques. Ceux-ci refusent nobjement. D' Aube- terre insiste; car, quoiqu'on dise le P. Thelner(p. 222), il ne renonça jamais à son dessein, comme on le voit paf la dépêche citée immédiatement après. 11 engage à s'en ouvrir à Ganganelli, qu'il connaissait bien. Pendant son cardinalat, en effet, Ganganelli n'avait eu que deux amiâ intimes, ce même d'Aubeterre, et cet infâme Roda qui écrivait à Ghoiseul : « Nous avons tué l'enfant, il ne nous reste plus qu'à en faire autant à la mère, notre sainte Église romaine. » Non^ ce projet ne fut jamais abandonné, ni par les ambassadeurs, ni par les souve- rains. Toutes les preuves que cite le P. Theiner en faveur d'un abandon prétendu se tournent contre lui. Ainsi, Ghoiseul écrit de n'entamer aucune négociation avec le sacré Gollége, « si l'on juge qu'elle serait inutile (p. 221) : D ainsi encore, en preuve du renoncement de d'Aubeterre et d'Azpuru à toute négociation simonia- que, on cite une dépêche de d'Aubeterre à Ghoiseul où il est dit : a M. Azpuru, qui est très-bon canoniste, est » très-piqué qu'on refuse l'exécution de celte mesure, » que sa cour désire vivement, comme la plus importante » et la plus capable d'assurer le point essentiel de la be« » sogne dont nous sommes chargés (p. 227). » Voilà la logique et l'habileté du P. Theiner I Voilà où le conduit sa manie de toujours citer I — Cependant, malgré tant d'intrigues, malgré l'arrivée à Rome d'Almada, venu tout exprès de Portugal pour travailler à l'extinction des Jésm'tes (p. 288), l'affaire ne marche pas, lorsque tout-àcoup entrent au conclave les cardinaux espagnols La Gerda et Solis. On salue leur venue avec joie, dit naïvement le P. Theiner (p. 230), dans Tespérance de voir bientôt élire un Pape. En effet, les Espagnols a ne » tardent pas à comprendre quel est lliomme qui doit > monter sur la chaire de saint Pierre ( de plus en plus calfl). D Mais, auparavant, ils veulent « sonder leur — 240 — « candidat (p. 231 ), o et suivant qu*il les satisfait ou qu'il les mécontente, on voit leurs suffrages se porter sur lui ou sur un autre cardinal. Pendant ce temps, par des menées secrètes et insidieuses, ils gagnent le parti des Âlbani en représentant leur candidat comme im Jésuite (p. 239); et enfin, 19 mai 1769, Ganganelli qiû« avant l'arrivée des Espagnols , n'avait été proposé par personne, est élu Pape à l'unanimité. — Quel est le mot de ce mystère? Nous dirons franchement notre pen*- sée- Il nous paraît incontestable qu*un billet quelconque a été signé par Ganganelli et remis aux Espagnols. Le P. Theiner repousse l'idée d'un pacte, par la raison que les Cours n'y firent jamais allusion^ et que la France ne persista à demander la suppression des Jésuites que conformément aux lois canoniques ( p. 256). Mais, à la page 257« il dit que Clément XIV, a dès les premiers jours de son pontificat, » leur donna l'assurance positive que la Société serait supprimée, ce quia permis de parler d*une a promesses dans les communications officielles. Les deux promesses ne pouvaient-elles passe confondre dans la pensée du roi d'Espagne ? Et d'ailleurs, n'est-il pas évident que Charles 111 aurait manqué son but s'il eût jamais trahi le secret du conclave ? Que prouvent encore les dépêches de Bernis citées par le P. Theiner ( pp. 259, 261 ), dans lesquelles ce cardinal dit qu'il se peut que les Espagnols aient été moins habiles qu'il ne leur avait fait l'honneur de le supposer, qu'ils n'avaient pris aucun engagement avec le Pape sur raflEedre des Jésuites, que le Pape s'est encore moins engagé du côté de l'Espagne que du sien, etc.? Une seule chose» à sa- voir que Bernis avait été joué, aussi bien que les Albani, parles mystérieux Espagnols. Car encore une fois, pacte ou ^mple cas théologique (nous examinerons plus tard ce point), il est certain que Ganganelli a remis au}^ Espa- gnols un billet renfermant une espérance. Ce qui s'est passé avant, pendant, après le conclave, rend déjà cette ^ — 241 — assertion fort probable. Mais il y a des témoignages po- sitifs : par exemple, ce mot deBernis, du 28 juillet 1769, que le P. Theiner s*est bien gardé de mentionner : t L*é- » crit qu'ils ( les Espagnols ) ont fait signer au Pape n'est )> nullement obligatoire. Le Pape m'en a dit la teneur. » Il y a donc eu un écrit : ce point est hors d'atteinte; on ne peut disputer que sur le sens et la valeur de l'enga- gement. Ainsi, pour tonte l'histoire du conclave de 1769, le P. Theiner, malgré lui , se trouve d'accord avec M. Grétineau-Joly, à part l'engagement écrit qu'aurait contracté le futur Pape. — Suivons-le maintenant dans l'histoire du pontiQcat de Clément XIV. A l'en croire, Clément XIV est un des plus grands Pontifes qui se soient jamais établis sur le Siège de saint Pierre. Qu'a-t-il donc fait pour mériter un pareil éloge? 11 a supprimé les Jésuites. Et encore ? Il a supprimé les Jésuites. Et cent fois on nous adresserait la môme ques- tion, que cent fois nous aurions à faire la même réponse. C'est là, en effet, l'œuvre suprême et unique de son pon- tificat, comme tous les historiens, sans aucune excep- tion, l'avaient reconnu jusqu'au P. Theiner. C'est là ce qui lui a valu les éloges enthousiastes de Thérésie et de l'incrédulité, auxquelles le P. Theiner s'associe aujour- d'hui. C'est là ce qui explique l'embarras, la timidité et, si l'on veut, les accusations exagérées des écrivains ca- tholiques , lorsqu'ils ont à parler de ce pontiGcat. Et le P. Theiner a compris lui-même que le règne de Clé* ment XIV était tout entier dans la suppression de l'Ordre de Jésus. Conunent, en effet, va-t-il désormais distribuer son œuvre? Il la divisera par années, et à chaque année il racontera les événements du Nord et du Midi^ au mi- lieu desquels il jettera toujours un chapitre culminant : Affaire des Jésuites. A ce chapitre, évidemment, tout le reste est subordonné; pas un acte important qui, de près ou de loin, ne s'y rattache et n'y trouve son unique explication. Aussi aurons^nous peu de chose à dire de 16 — 2« — toù( ce qui est étraDger à Taffaire de la sappressioD, et rappelleroD»4)oi]s les priDcipaux faits de ce pontifical que pour montrer leur dépendance absolue de là qued^ tiondes Jésuites. Clément XIV est à peine assis sur le trône de ssûot Pierre, que les Cours ont bâte d'en finir avec l'Ordre dé- testé. Aussi aux lenteurs et aux hésitations du Pape ef- frayé de sa situation, elles vont répondre par desinsulted, des menaces et des violences, jusqu'à ce qu'elles aieol arraché le bref de suppression. D'abord Bernis ne désâ- père pas, bien qu'il ne se fie guère aux Italiens, et encore moins aux moines (p. 365 et 377 ). C'est ainsi que parle du Pape ce prince de l'Eglise, dont le P. Theiner a pour- tant la prétention (t II, p. 202) de réconcilier la mémoire avec les plus chauds partisans des Jésuite. Ailleurs Ber- nis dit de Clément XIV a qu'étant religieux, il sait mieUï » qu'un autre ce que des moines intrigants et poussés à » bout sont capables de faire (t. I, p. ftOO).» Ailleurs en- core, il peint ainsi la Cour du Pape : a Tout y est mys»* » tères, secrets, manèges, jalousies et soupçon^, cxmsat n dans les cloîtres et les séminaires (t. If, p. 129). » Quel noble langage dans la bouche d'un cardinal ! CM sûr un ton bien pins inconvenant encore ^fue ChoisÈoI parle du Pape, « qui tient beaucoup, dit-il, de la moîn^e JD (t. 1, p. 372). f> Plus loin ( p. 377 ) il ne craint pas de l'accuser de fourberie et de mensonge I « Car il est bien » difficile qu'un moine ne soit pas toujours un itioine, et » encore plus difficile qu'un moine italien (mèltie le Vi- » caire de J.C.) traite les affaires avec franchise et fcm- n fiêieté{ip. 372 } '. Et pourtant le P. Theiner s'applaudit (t. 1, p. 558) d'avoir réhabilité dans lliistoire a le grand » nom et l'honneur x> de Choiseul ! Qu'il est heureux danâ ses réhabilitations ! Plus ardent que Bernis dans son langage, €hoised l'est aussi dans sa conduite. Il est honteux de Voir te P. Ricci a l'aptagoniste de son maître (t. I. p. S78)i » » — 243 — et tétsAa, entrant darin ses vues, lui répond que quand nlSole oki aurait mal fait de chasser les Jésuites, il fkut dé- sormais gagner la bataille; en engageant le Pape dans un défilé d*où i) ne puisse sortir (t. I, p. 380). Tanucci, mi- nistre de Naples, leur vient en aide par ses violences, n confisque les biens des Jésuites, et déclare qu'il ne les restituera qu'à la suppression. Clément XIV obéit et sup- prime leur collège. De concession en concession, il recule toujours, espérant enfin obtenir grâce pour la suppres^ sion totale. Il demande aux Cours un mémoire sur leur conduite à regard des Jésuites, a non pour juger ni dis- » cuter leurs raisons!, mais pour pouvoir se justifier à lui- » môme qu'il tient pour bien fait tout ce qui s'est passé » à cette occasion ( 1. 1, p. 384). » Pure affaire a^e forme, » comme écritB et'ùis ( p. 385 ) et « pour suivre les règles D canoniques ! » Survient un troisièblë larron, c'est Poiûbal. Il bi'ûle, dit sérieusement le P. tbeiner, de rétablir la paîix entrft Home et Lisbonne (t. I, p. 503 ). Et^ en effet, par la sa- gesse de Clémeiït XIV et a la noble coopération » de d^Oyeras, se trouve renversé le mur de séparation élevé . pfar l'imprudence d6 ce malheureux ClémentXIII(p. 518). -- Mais quel était le mobile réel de Pombàl ? Nous lé vôyods à la p. 526 : a La promesse par écrit de la sup-- pression des Jésuites a été le fondement de cette récon- ciliation. » T^t il est vrai que les concessions lés plus faeilreâses faites par les cours ati Saint-Siège étaient lô prit antidpé de la suppression des Jésuites, et que, sinon du côté dû Pape, au moins du côté des puissances, il y avait une sorte de marché où on trafiquait du sang du juste! Cependant, malgré ses concessions, le Pontife est tou- jours poursuivi par les ministres des Cours, et surtout par Tanucci, qui -podssè l'effronterie jusqu'à répondre, lorsqu'on se {flaint de ses violences, qu'il ne Isussera ri^ piasser dértbt|td viendra de Rome, jusqu'à rabbli- À — 244 — tioB de la Société ( p. 531 ). Le Pape réclame* 11 a tort, écrit Choiseul : pourquoi, en effet, tant de retards? Si Ton blâme Tanucci, c'est seulement parce que ses vio- lences sont impolitiques, inopportunes, alors que toutes les Cours sollicitent la suppression et Taccompiissement des promesses du Pape (t. I, p. 533). — Mais voici qu'un attentat est commis contre le roi de Portugal. La haine ne manque pas d'accuser les Jésuites, et Bemis en con- clut que des religieux toujours soupçonnés de tremper dans de tels crimes ne doivent plussubsister (t. I^ p. 5/i3). Aussi pressera-t-on le Pape d'agir. D'ailleurs, l'Espagne n'est-elie pas dépositaire de ses engagements et en me* sure de les faire tenir ( p. 545 ) ? Alors on entoure de ter- reurs le malheureux Pontife. Il craint d'être empoisonné par les Jésuites et leurs amis, et c'est Choiseul qui prend la défense de l'Ordre et qui écrit qu'il ne le croit pas composé d'empoisonneurs ( p. 55h )• On attaque ensuite le. Pape du côté de l'intérêt temporel du Saint-Siège. Les Cours bourbonniennesfont de la suppression une condi- tion sine qua non de la restitution des Etats usurpés. Mais le Pape craint de passer pour un Judas, et il lui sem- ble entendre la fameuse parole : Quid mUtis mihi dare^ et vobis evm tradam? D'un autre côté, désireux de re- couvrer Avignon et Bénévent, et pressé par les puis- sances, dont la suppression est désormais le mot d'ordre, il aurait voulu s'arranger de manière à pouvoir annoncer à la fois au monde catholique la restitution du patrimoine de saint Pierre et l'abolition des Jésuites (t. II» p. 58). Mais les puissances, comme l'écrit La Vrillière à Bemis ( p. 61 ), croient que si le Pape est si lent à agir lorsqu'il est dépouillé, il le sera bien davantage après la restitu- tion. Le roi d'Espagne partage cette conviction, et il con- seille à Louis XV de ne pas restituer avant la suppres- sion (p. 61 ). Il voudrait même qu'on réveillât l'affaire de Parme, et qu'on exigeât la révocation du monitoire de lément XIII, persuadé que le Pape n'y consentirait ja- — 245 — mais, et serait alors contraint de s'exécuter pour mettre fin aux poursuites (p. 62). Réduit à une telle alternative, Clément XIV renonce pour un temps à toute démarche au sujet de la restitution de ses États. Il rejette môme la condition que lui imposait Charles III de s'obliger par écrit à supprimer les Jésuites dans les deux mois qui sui- vraient la restitution. Ainsi, quoique reculant toujours, il résistait encore aux obsessions des puissances. Entre Bernis» qui ne songeait qu*à conserver sa brillante position^ et Azpuru, qu'il av^t désarmé en lui faisant espérer le chapeau,il gardaitencore un reste de liberté. Il déclarait à Bernis qu'il ne voulait détruire la Compagnie que si les preuves de sa corruption totale étaient clairement établies ; qu'autrement il se ra- battrait sur une réforme quelconque. Il n'avait donc pas alors de preuves de la culpabilité des Jésuites. Or, c'était en 1772. En aura-t-il quelques mois plus tard? Pas da- vantage. Mais voici que l'Espagne députe à Rome, pour remplacer Âzpuru, Monino, si connu sous le nom de Flo- rida Blanca. Moûino a été précédé de son portrait en- voyé par l'auditeur de la nonciature de Madrid au secré- taire d'État. Clément XIV tremble déjà. Le fiscal arrive enfin, armé d'instructions terribles (p. 208); le mot est du P. Theiner qui, n'ayant jamais peur de la con- tradiction, cherchera ensuite à transformer en agneau le farouche Espagnol, ou tout au plus en homme seulement ferme et résolu. Aussi n'accorde-t*il aucune valeur à ses premières dépêches, qui nous le représentent tout d'abord comme si terrible , et il nous renvoie aux dépê- ches de Bernis, qui nous en donnent une idée plus douce et plus favorable. Mais les faits parlent plus haut. On connaît le récit fait par MM. de Saint-Priest et Crétineatr^ Joly, de la première entrevue de Moflino et du Pape, alors que celui-ci, pour échapper à des conférences im- portunes , découvrit à son visiteur son bras malade qui nécessitait les eaux et la retraite. Rien de plus simple — 246 — * ipe cette ^tîoo, àen croire le P. Thc^n^. Pasâsiiqpi^ ï ra juger par les faits (fâ vont suivre : il seioble vr^i- meBt qoe Clémept XIY ait voulu deniauder grftçe au Susi^ «lastilldu. MoâiDOy ^ effet, iOàà]gFé la (ual^ie dii F^^ ^ iDoutre fort mécoutent de n'avoir pas d'audîeoices Ijf. 24^3) . il soy^pçoDue que le traiteoieut Q*es^ qu'up p^ texte pour lui en refuser, et il prie Ber^ de prévçouyr ^ foBtifQ (jle ses iu^mctiaos p^ressaotes et du danp^ qu'il %Wirt en résistaut. 11 veut bien cowueoc^ p%r l^es jMQyeps doux, ipais il est résok d'^ttaqi^er eflis^^ j^verte ( p. 924) : D car il a de doubles ipstfuctîoDS^: ou liiÎ3 dit 4'i^ssayer la yçie des iustaoces, pois ^e leçourif «9iu( agaces et à 1^ force. » Or> c'est vers le i&rwif B^^ qu'iuciiue le nù d'Espagne (p. 237 )• Aussi complu Ml le k la crainte qu'aux séduçtipns de Tor et de l'an^- lion, et sur les conseillers intimes de Clément XIV. Mais, védiatement ou immédiatement , la terreur n'arrivait- ^lle pas jusqu'au malheureux Pontife ? D'ailleurs, le P. Tbeiner ne dit-il pas plus loin que Monino parla au ^pe avec a grande fermeté et énergie, » que la conver- sation fut extrêmement vivei ( p. 237) ? fjt le pape lui-m^e ne se plaint-il pas à Bernis de l'imp^tiesice et de Aussi le Pape parait céder et s'explique a aiv^o » plus de clarté » au sujet de la suppression, 11 y est a dé* » cidé» » mais une seule crainte l'arrête, c'est d'être $^c-r cusé de s'être rendu coupable d'un pacte aii conclave (p. 261). Monloo le rassure et le presse en même temps avec une énergie menaçante (p. 263). La promesse de suppression est renouvelée .soKf leiceau dusecrei (p. 26$}*. Mais, avant de porter le dernier coup, Clément XIV veut « faire cesser les préventions en faveur des Jésuites, » afin de a justiûer pleinement & la demande des Cours (p. 322,323). Malvezzi reçoit donc l'ordre de visiter leurs maisons et de séculariser ceux d'entre eux qui demao* deront à l'être. L'ordre est outre-passé, et Malvezzi veu imposer à tous la sécularisation. Faut-il donc s'étonner de la résistance des Jésuites de Bologne, que le P. Thei- ner représente sous des couleurs si odieuses ? Ces reli- gieux n'avaient-ils pas le droit d'être soupçonneux en- vers Malvezzi, que le P. Theiner lui-môme, au milieu des éloges ridicules qu'il accorde à ce mauvais ange de Oiément XIV, confesse avoir ea contre eux nne antipa- thie « peut-être exagérée (p. 327)?^ D'aiUeiirSt pcMr — 248 — toute riiistoire de cette humilianle persécotion de Bolo- goe, le P. Tbeiner ne s'appuie que sur le rapport de Malvezzi. Mais Bemis avoue que la suppression oe peut s'effisctuer sans une sorte de « rigueur, » comme à Bologne fp. 33&). On avait donc usé de rigueur à Bologne. Et d'Aiguillon écrit ensuite à Bemis que les moyens em- ployés par le Pape pour préparer la dissolution, ont dû paraître c extraordinaires et violents ( p. 336). » Enfin nous touchons au dénouement fatal. Autant qu'il dépend de leurs ennemis, les Jésuites sont dés- honorés avant d'être mis à mort, etleurs amis décou- ragés. Monino triomphe, et, avec lui, tous les intri- gants coupables des Cours aveuglées. Il a remis au Pape un plan de suppression, et c'est sur ce plan que Clément XIV rédige le fameux bref Domfnus ac redemptar. Le bref est signé dans la nuit du 2& juillet 1773, et les Jésuites descendent dans la tombe que leur ont creusée tant de haine, en attendant le jour de leur résurrection. Telle est l'histoire fidèle de la suppression des Jésuites, non-seulement d'après nous, mais d'après le P. Theiner lui-même. Et maintenant, peut-on dire avec lui que Clément XIV ait traité Monino avec a dignité et indépen- « dance (p. 231 )?» quil n'ait jamais agi dans cette mal- heureuse affaire qu'avec « fermeté, loyauté et grandeur?» Peut on dire qu'il ait résisté, a comme un mur d'airain, » aux menaces, aux violences des cours jusqu'à l'heure » fixée par Dieu,» et s'écrier ensuite : a Ce spectacle est » sublime (p. 265)? » Que nos lecteurs répondent Après avoir signé le bref de suppression, Clément XIV en est-il devenu fou ? M. Crétineau-Joly l'affirme, le P. Theiner le nie avec indignation et colère. M. Crétineau s'est appuyé sur un résit manuscrit du Jésuite Bolgeni, qui lui-même tenait ses dires du cardinal de Simone, alors auditeur de Clément XIV. Mais il a d'autres autori- tés, dont le P. Theiner s'est bien gardé de faire la moin- dre mention. C'est le cardinal Calini, auquel Pie VI au* — 249 — rait dit « que Clément XIV était devenu fou, non-seule- «ment après la suppression, mais encore avant; » c'est le cardinal Pacca qui rapporte que Pie VII, dans ses tristesses de Fontainebleau, s'écriait : n Je mourrai fou « comme Clément XIV ; » c'est le chevalier Moroni qui, dans son Dictionnaire (Térudiiion, ouvrage écrit pous l'inspiration et presque sous la dictée de Grégoire XVI, a raconté, presque dans les mômes termes que M. Créti- neau-Joly, la signature du bref. Qu'on cherche à infir- mer la valeur de ces témoignages, à prouver qu'ils sont empreints de quelque exagération, dans le dessein d'épargner à un Souverain Pontife la dégradante humi- liation de la folie, à la bonne heure ! c'est un dessein louable ; mais qu'on n'accuse pas de calomnie ceux qui les répètent, et surtout qu'on n'en rejette pas la res- ponsabilité sur les seuls Jésuites. La relation de Bolgeni n'a jamais été publiée, et parmi les historiens qui « ont col- porté ces mensonges, » pour parler avec le P. Theiner, on ne citerait pas un seul enfant de saint Ignace. Le P. Thei- ner prononce le nom de Georgel ; mais Georgel, sorti de la Compagnie en 1767, depuis secrétaire d'ambassade, n'y est jamais rentré. La Compagnie doit-elle donc re- connaître Georgel comme un des siens, et assumer la responsabilité de ses Mémoires, publiés après sa mort par son neveu, avocat //6^ra/? C'est pourtant ce même Georgel que le P. Theiner invoque encore, lorsqull veut prouver que les Jésuites ont accusé de simonie l'élection de Clément XIV. Dans Pintérôt de sa cause, et même de son héros, il aurait mieux fait de citer tous les Jésuites, les vrais Jé- suites, qui ont écrit contre la supposition d'un pacte si- moniaque, depuis 1773 jusqu'à nos jours. Clément XIV a pu déshonorer ou laisser déshonorer les Jésuites, mais sa mémoire n'a jamais eu à souffrir de leur vengeance. — Le P. Theiner au moins leur laisse-t-il une gloire que ne leur ont pas refusée leurs plus violents ennemis» la gloire d'aoe rëngnalioD bât)Iqae àla senteoce do Sami-Si^ ? Non, il Ciai encore qa'il leur arrache cette caoronoer D'Aiguilloii écrit poortaot que b notificatiou do bref a é^ fBçaepareiu, « avec toot le respect et b8oqiDis»uD.C0Q« venabies (p. 386 }. » Le P. Tbeioer n'aura pas la mimt justice. Gc sont d'abord des inâouations perfides, Le P. Riod, général de la Compagnie, est emprisonné an ch^ teao Saint-Ange« Pourquoi? Le public, ditBerDi3, ne sera pas informé de longtemps, peut-être jamais, des motife de celte rigueur ( p. 389 )« Mais Louis XV est cu- rieux, il voudrait tout savoir, et d'Aiguillon écrit en son nom qu'il ne voit pas qu'on doive avoir aucun ménage- ment pour l'honneur des Jésuites. On parle, répond Ber-<- nis, d'une prétendue instruction qu'on suppose que le ci- devant général avait préparée dans le cas où son Ordre serait supprimé (p. 389). Mais le Pape ne vent pas rendre l'ancienne Société odieuse (p. 390). Tout cela pouvait être habile en 1773 ; mais pourquoi le P. Theiner, au lieu de laisser peser un soupçon sur Tbonneur des Jésuites, ne publie-t-il pas riostniction de Ricci? C'est qu'elle est de la dernière innocence (Voir cette instruction dans M, Crélineau-Joly, 2* lettre, p. 130 ). Ainsi procède tou- jours le P. Theiner. Aussi est-il souvent difficile de. le ré- futer autrement que par une pure dénégation. Car com-^ ment combattre des assertions sans preuves, et qui ne présentent aucune prise à la critique 7 Mais, malheureu- sement pour lui, il précise quelquefois ses accusations et prononce des noms propres. Par exemple (p. 470), il parle d'un P. de La Vrillière, de la famille ducale de ce nom, qui aurait prêché contre le bref de Clément XIV, le 3 décembre 1773, dans Téglisc des Missions étrangères: or, le duc de La Vrillière, successeur de Choiseul, n'a jamais eu d'enfants. Impossible de trouver un Jésuite de ce nom dans aucun catalogue de la Compagnie. Enfin, ce qui tranche la difficulté, les Nouvtiloê çcclésia$tifue$ , journal janséniste, nous nomment le prédicateur des — 251 — liiSsiQiis étrangères. C'était un nommé Corioa, prêtre se- Galier (Nouvelles êcûlésiaxtiquen.diïiïiée 177&, p. 37). AiU leors, le P. Theiner s'indigne des elTorts de Peller, ex- Jé- suite français, rédacteur de la Gautte de Cohgne, pour fendre Clément XIV abominable aux yeux du monde { p. 166, 148 et 393 ) : or, autant d'erreurs que de mots dans cette assertion. Fellér était belge, et non français, de naissance et de religion. Il ne résidait pas à Cologne, nais à Liège ; il n'écrivait pas dans la Gazette de Colo- gne j mais il rédigeait la Gazette de Luxembourg ou la Clé âee Cabinets, qu'il intitula, l'année suivante, Journal historique et littéraire. Bien loin d'attaquer Clément XIV, 3 as montra toujours plein de modération et de respect pour sa personne ( Voir Biographie universelle et le Jour- nal historique, passim). Mais ce sont surtout les Jésuites de la Silésie et de la Russie blanche, qui, se prévalant de la protection de souverains héi^tiques et schismatiques, auraient opposé aux ordres du Saint-Siège la plus opiniâ- tre résistance (p. /|92, 494 et 497). lisseraient allés jus- qu'à élire le P. Troïl vicaire-général de l'Ordre supprimé, au grand scandale de leurs amis eux-mêmes, etc. Est -il possible que nous ayons encore à invoquer ici contre le P. Theiner la gazette janséniste ? Il en est ainsi cepen- dant. Voici ce que contiennent les Nouvelles ecclésiasti- ques du 25 avril 1774 : « On avait d'abord débité que le » P. Troïl, qui vient de mourir dans la Silésie, était le vi- » caire-général élu, et ensuite ce fait a élé reconnu faux, u Nous aurions encore besoin d'une longue dissertation pour relever toutes les erreurs, toutes les ignorances, toutes les contradictions, tontes les injustices de ce mal- heureux livre. Mais il faut en Hnir. Nous ne pouvons pourtant nous empêcher de dire un mot sur la déca- dence prétendue des Universités dirigées par les Jésuites au xviii^ siècle, car c'est un des points sur lesquels le P. Theiner revient le plus souvent, et qu'il aime à en- toiiper des plus coupables insinuations, pour justifier les — 252 — mesures les plus barbares. Ainsi (t. I, p. 297), rUniver* site de Paderborn ne répond plus aux hautes exigences des sciences ; en Westphalie, le clergé séculier, élevé par les Jésuites, se trouve dans le plus profond d^;ré d'ignorance (p. f98}; en Allemagne, leur éducation ne répond ni aux besoins du temps ni à ceux de la science ( p. /i23 ) ; en Portugal, Pombal s'occupe avec intelligence à relever de leur décadence les sciences théologiques et profanes, et l'Université de Coîmbre reçoit une nouvelle forme adaptée «aux besoins du temps (t II. p. 190) » : toujours a les be.soins du temps, d mots, comme on le voit, familiers au P. Theiner, empruntés au vocabulaire philosophique, et qui <%*étonnent de se rencontrer sous la plume d'un prêtre et d'un religieux. C'est aux Jésuites d'Allemagne, qui l'ont élevé, et dont autrefois il célé- brait la gloire, qu'en veut surtout le P. Theiner, à qui apparemment pèse la reconnaissance. A leur entrée en Allemagne, dit-il (p. 404), ils y trouvent de grands théologiens, et ils n'en laissent pas un seul après eux. Pas un écrivain de quelque réputation qui soit sorti des rangs du clergé séculier confié à leurs soins. Frédéric est surpris de l'étonnante médiocrité des professeurs jé- suites de la Silésie, etc., etc. — Ainsi, pas d'accusation plus constante sous la plume du P. Theiner. A-t-il voulu jouer au paradoxe ? Vraiment, on le croirait. Qui ne sait qu'il n'est pas un écrivain de renom qui n'ait déploré la perte irréparable qu'ont faite les sciences et les lettres à la suppression de la Société de Jésus? D'ailleurs, le P. Theiner oublie donc ce qu'il a écrit lui-même en 1833, dans son Histoire des Institutions d'éducation ec- clésiastique? Les bornes de cet article, déjà si long, nous empêchent de lo condamner au supplice de se re- lire. Qu'il se rappelle au moins ces illustres évêques, élèves des Jésuites, qu'il a si dignement célébrés dans son Frankemberg (Voir notre précédent numéro, p. 367). Quant au Portugal, le cardinal Pacca, ancien noqce à I — 253 — Lisbonne^ nous faî tcoonaltre dans ses Mémoires Pombal ^ et la réforme de TUniversité de Coïmbre. a Pombal , » dit-i), commença sa carrière diplomatique en Âllema- » gne, et c'est à ce foyer du protestantisme qu'il apprit » à haïr l'Église et les ordres religieux... Après avoir » donné le premier signal de la persécution contre un I) Ordre célèbre par les services qu'il a rendus à la » religion et aux sciences, Pombal corrompit Kenseigne- » ment public dans les écoles, les Universités, et surtout » celle de Coïmbre. » £t maintenant, nous le demandons hardiment : le P. Theiner a-t-il réussi dans son projet de réhabiliter Clément XIVÎ Non, certes; et poqr tout lecteur de sens ^ et de bonne foi, ce livre nuira plus à la mémoire du pontife qu'à l'honneur des Jésuites. C'est que le P. Theiner a d'abord trop entrepris^ et qu'ensuite il a mal conçu, plus mal exécuté son plan d'apologie. Il a voulu faire de Clément XIV un des plus grands Papes qui aient gouverné rÉglise, un héros et un saint. Jamais l'homme le plus prévenu ne lui accordera des titres si pompeux, ni une place si glorieuse dans les annales de la Papauté. Pour prouver sa thèse, le P. Theiner a cru devoir mettre au cœur de Ganganelli une vieille haine contre les Jésuiteâ, que probablement, si nous en croyons presque tous les historiens, il ne ressentit jamais. Mais, pour justifier les préventions qu'on lui suppose, il aurait fallu une accu- sation en règle contre la Compagnie, un procès instruit et prouvé. Les Jésuites démontrés coupables et 4ange< reux, on aurait été en droit de conclure que Clément XIV n'obéit, en les supprimant, qu'à l'inspiration de Dieu et de sa conscience, qu'au désir de procurer le plus grand bien.de l'Église. Mais, malgré de perfides insinuations, malgré le soin qu'on a pris de recueillir toutes les calom- nies qui traînent depuis de longues années dans les Uvres d'mie philosophie anti-chrétienne, où est la démonstra-> tien de leur culpabilité? — 254 — El toatefoîs, était-il donc împoasible, sinon de former Gémcnt XIV en grand homme, an iaàtûa de voiger sa mémoire de bien des accosations feosâes on exagérées? Nous ne le croyons pas. Pour cette râiabffi- tatioo, nous ne sniTrions pas le plan qu'indiqae M. Gri- ttneau-Joly dans sa seconde lettre. U aurait (alln^ dit-il, le représenter tel qu'il ftit dans la réalité : honmie de science et de dévotion, mais fin, faux, ambitieiix, eoi^rtê de ses succès, et s'imaginant que tout lui réossinût sur le troue comme dans le cloître, pendant anmne avant son pontificat U eq>èfe bien, devenu Pape, toonier les difficultés de la question des Jésuites. M«Sy bientôt il se^ trouve aux prises avec les horreurs de sa situation; il se débat tant qu'il peut, et il cède enfin. Qui loi refusel^ un tribut de pardon et une larme de pit^? — Soiww^ nous, sa justification pourrait être plus complète. Notf lé représenterions, non pas comme ennemi convaineo m^ systématique des Jésuites, mais comme imbu contre ete' (te^ certaines préventions qu'il avait en quelque eoith- respirées dans l'atmosphère de cette malheureuse épo*- que; surtout comme victime de cette illusion, qafms apaiserait la tempête en jetant les Jésuites aux flot» it^ rites ; tel, en un mot, avant 1769, qu'est le P. Iliemer m> 1B52. Voilà quelles étaient ses dispo^Uons an momumfi du conclave. Le billet remis aux £^)agnols ne fol pekl^ un engagement positif, encore moins un pacte fàlOO^- niaque, mais seulement la solution d'un cas théokigiqii^- tout au plus une espérance. Peut-être une pensée^fatn^ Ution trav6rsa4-eUe son cœur; maôs^ à coup sftr^ ]m intrigants du conclave furent bien plus coupables qoe^lol dans son élection. C'est assez dire que cette électioii M- nous parait pas viciée par toutes les hontes qui l'ameftèA. rent, et qu'elle est à nos yeux parfaitement légitiaiëi Devenu Pape, éclairé par la grâce de r£sprit*Saânt qttil avat reçu dans toute sa plénitude. Clément XIV sastftlê^ doute naître dans son âme au sujet des MMtttl.U^'Mi — 254 — plus sur celte grande question ie certitude et la con- fiance €[ue l'illusion produit aussi bien que la vérité. H se demanda, comme le P. Theiner ne peut s'empèchèr de le faire lui-même (t. 1. p. 180), si la destruction gra- duelle de tous les Ordres monastiques n'était pas le but secret vers lequel tendaient les hommes qui gouver- naii^nt presque tous les états catholiques; si la guerre aux Jésuites ne cachait pas la guerre à la religion même, en un mot, si Ton ne voulait pas désarmer l'Église, ren- verser ses remparts, lui arracher sa milice d'élite, pour s'en rendre plus facilement maître, l'enchaîner et la dé* truire. De là les anxiétés, les incertitudes et les agitations de son âme et de sa conduite pendant quatre années de son pontificat. Mais voyant les Cours devenir plus agrès* sives à mesure qu'il résistait, dépouiller avec plus d'ar- deur l'Église romaine, attaquer tous ses droits et me- nacer avec plus d'audace de rompre le lien de l'unité catholique, il revint à ses premières illusions. D'abord^ il frappa les Jésuites pour exciter la pitié de leurs enne- mis. Mais à ces ennemis, nous l'avons vu, il fallait la mort et non pas seulement l'humiliation de leur victime. Voulant alors justiûer aux yeux du monde la terrible mesure à laquelle il se croyait condamné, il chercha s'il n'y avait pas dans ce grand corps des Jésuites quel* ques poiiTts vulnérables, et il n'eut pas de peine à y dé-^ couvrir quelques faiblesses inséparables de la nature humaine. De là, les accusations qu'il essaie de formuler dans le bref Dominus ac Redemptor : à la sentence â fallait des considérants. Devant Dieil, toutefois, et dans sa conscience. Clément XIV, suivaqt nous, n'a jamais cru que les Jésuites méritassent un tel châtiment. Ce fut par d'autres motifs qu'il se rassura lui-même. Il n'était pas nécessaire que les Jésuitef^ fassent coupables pour que, dans sa suprême puissance, îl eût le droit de les dacriOeir; c'était assez qu'il crôi leur inunolation oéces- liire au Men de l'Église. 11 le crutl Illusion latale, san» — 256 — doute, comme l'évéDemeot l'a trop proové, comme le malheureux Pontife l'a reconau lui-même; mais illusion qu'expliquent les terribles circonstances où se trouva été son ponUûcat, illusion qui diminua sa responsabi- lité devant Dieu et lui valut le miracle de sa mort, illu- sion qui doit désarmer les jugements de la postérité. Voilà notre pensée sur Clément XIV et son pontifio&t; voilà comment nous concilions le respect dû au Saint- Siège avec les droits de la justice et de l'innocence. Pour terminer cet examen, il ne nous reste plusqu^à dire quelques mots des deux lettres de M. Crétineau-Joly. Le lecteur Jes connaît déjà dans leur partie solide et sé- rieuse, car nous leur avons fait plus d'un emprunt pour tout ce qui précède. Ce qu'il ne connaît pas, et ce que nous tenons peu à lui faire connaître, ce sont les person- nalités qu'amène presque toujours une semblable polé- mique. 11 ne faut pas à M. Grétineau-Joly moins de 80 pages pour épuiser la question personnelle. Et là, que d'ironies blessantes, que d'insinuations amères, que d'allusions condamnables! Soyons justes pourtant; ce n'est pas M. Crétineau-Joly quia commencé les hostilités. 11 a été attaqué par le P. Tbeiner et par quelques journa- listes dans son honneur d'écrivain, d'honnête homme et de catholique, avec une violence qui n'explique que trop sa polémique acérée et ses mordants sarcasmes. Pour dé- fendre Clément XIV, le P. Theioer n'était pas plus obligé de jeter l'insulte à M. Crétineau qu'à Clément XIII, qu'aux Jésuites et à leurs amis. Comment excuser, par exemple, le blessant parallèle qu'il établit entreM. Crétineau et Gio- berti, et la préférence qu'il accorde à ce triste prêtre, condamné par l'Église et pourtant «mille fois moins cou- pable, » selon lui, envers elle et envers la vérité? Certes, quelles que fussent les exagérations et les erreurs de M. Crétineau-Joly, il ne méritait pas un tel outrage. Mais, tout en reconnaissant que M. Crétineau-Joly était sur la défensive^ tout en lui accordant le bénéfice de cette I — 2r)7 — position, nous ne saurions lui pardonner toutes les amertumes de son apologie, tous ses mépris pour Ctë- ment XIV, et surtout ces allusions trop transparentes, sous lesquelles il est si facile d'apercevoir la personne outragée de Pie IX. On conçoit que nous n*insistions pas sur œ triste sujet. Un mot seulement de la question re- ligieuse et de la question historique, traitées ensuite dans chacune de ces lettres. La première lettre répond au premier volume du P. Theiner. La grande mémoire de Clément XIII y est ven- gée avec noblesse et éloquence, la guerre contre les Jé- suites expliquée dans son principe et dans ses tendances, rhistoire du conclave de 1769 rétablie dans toute sa vé- rité. La seconde lettre embrasse tout le pontificat de ClémentXIVet correspond au second volume du P. Thei- ner. M* Crétineau prouve facilement que la mémoire de Clément XIV n'aura pasmoins à souffrir des indiscrétions du P. Theiner, de son intempérance de paroles et de ci- tations, que du fameux ouvrage de 1847. Lui au moins, n'avait pas voulu pénétrer dansTintérieur pontifical, pour en révéler les misères et les faiblesses, pour y montrer le chef de TÉglise entre le cordeher Bontempi^ son confes- seur, et frère François, son cuisinier, ses seuls inter- médiaires auprès des puissances, isolé des grands, des cardinaux, et ne voyant môme qu'à de rares intervalles son secrétaire d'État. Après avoir tracé le portrait de Ganganelli, M. Crétineau suit de point en point la longue négociation qui aboutit au bref Dominas ac Jtedemptor, Il discute ensuite la question de la folie de Clément XIV, il raconte la conduite des Jésuites après leur suppression, et il leur remet au front cette couronne de résignation et d'obéissance que le P. Theiner leur avait injustement arrachée. Telles sont les matières traitées dans ces lettres. Ce que nous ne pouvons rendre à nos lecteurs, c'est ce langage spirituel, incisif, éloquent, admirable en lui- 17 — K8 — iTième, plus admirable encore iorsqo'oD le compara fonnes loonies do P. Tbeioer. Ce n'est pas pomtaDl que tooty soit paifût: le style est inoorrect quelquefois par excès d'énergie, la discussion s'embarrasse et s'égare dans des longueurs inutiles. Mais malgré ces déEnIs, dus surtout à la rapidité du travail, M. Crétineau-Joty a sur son adversaire l'avantage do talent, comme, en rai, celui de la vérité. îi? PIÈCES JUSTIFICATIVES, N* 1. Extrait ie Lai^db (it^tronomie , S*" édition, ParU^ 17^1 et iè MonîocLA (Histoire des lIaAi6m«âô«M) jpcMftm(l). Sur les obserratoires occupés par les Jésuites. L'observatoire knpérii^ de Pékin^ bâti depuis plu» de «mis 8&èci«cu a été occupé par les Jésuites depuis la md^ Hé du XTii* siMe j«Ktqu'à leur suppression. Il f afiit encore à Pékin trois autres observatoires^ Tun daot la aftaisoft des Jém;âles français, le second dansl^ooUége dirigé par les Jésuites portugais, et le troisième dana k réaidenee de Saint-Joseph^ appartenant aussi aut Portu- gais. Ces différents observatoires ^ ajcmte Lalande^ OAt piocuré beaucoi^ é*obeetvations Les PP. de Fonta- ney et Ricci^ etc., et dans les derniers temps les PP. Gm- Ml, Benoit, Jaopies, Kosgier, Slaviseck, Hallerstràn, Col- iM«t beaucoup d'autrea Jésuites s'y sont distingués. Outre les observatoires de certaines villes capitsJes de rSuiiope : Paris, Londres, Berlin, etc.^ occupés par des (i) Cet eitrait n^est pas leituel ; il est ordiaaireiiwat fbrt aiNf^. QMPii J fH 4mI^^ IspivTt-ienflim^ encrt paremh^Nfc — 260 — professeurs royaux... les Jésuites dirigeaient les obser- vatoires dans plusieurs autres villes capitales de l'Eu- rope : Vienne, Rome, Lisbonne, (Madrid,) Naples, etc. A Vienne, l'observatoire de l'Université, occupé par le P. Hell, a été bâti en 1755 , aux frais de Timpératrice Marie-Thérèse. .. L'observatoire du Collège Académique, occupé depuis 1754 par le P. Liesganig, renferme des instruments modernes faits avec soin; le secteur a été fait BOUS la direction du P. Liesganig, par le F. Kamspock, Jésuite. C'est le P. Franz, professeur de physique à Vienne, qui forma, en 1735, cet observatoire, de même que plusieurs autres établissements utiles. En 1768, on a bâti un observatoire à Wurtzbourg, ca- pitale de la Franconie et résidence du prince-évèque de Wurtzbourg, sous la direction du P. Huberti, Jésuite. A Ingolstadt, le P. Grammatici dirigea Tobs^atoire pendant plusieurs années, et eut pour successeurs le P. Schreïer et le P. Césaire Amman. (Bibl, astrom- mique,) A Tyrnau, près de Presbourg, en Hongrie^ il y a un observatoire remarquable par le grand nombre d'obser- vations du P. Weiss, qui y sont imprimées depuis bien des années. A Bude, où TUniversité de Tyrnau a été transférée. Ton a bâti un bel observatoire en 1780. Le P. Weiss y a fait beaucoup d'observations, comme il en avait Mt à Tyrnau; il y est secondé par M. Bruna. ABreslau, l'observatoire était dirigé par le P. Ko- chanski. {BibL astronomique,) A Manheim, dans le Palatinat, un grand observatoire fut construit par les soins du prince Charles-Théodore, électeur de Bavière, vers 1772. Le P. Christian Mayer y a fait beaucoup d'observations, comme on le voit dans son ouvrage De noms in cœlo sidereo phœnomeniSy 1779; il était secondé par le P. Metzger. A Prague, le P. Steppling, Jésuite, fit bâtir uu obseï- -- 261 — ▼atûire à ses ù-ais, secondé parole P. Hetz^ général de la Compagnie de Jésus. A Gratz, capitale de la Styrie^ le collège des Jésuites forma un observatoire dont le P. Tirnberger avait la di- rection^ et le P. Meyr y était à la tète de dix jeunes Jésui- tes, destinés spécialement aux mathématiques. Il fut pendant deux ans l'observatpire du P. Liesganig. (Ber- nouilli le décrit, Lettres, 1, 49.) A Viina (Pologne), un observatoire magnifique fut bàti^ en 1753^ à la sollicitation du P. Zebrowky^ Jésuite et professeur à Vilna , par Elisabeth... Castellane de Mscislau. Le roi de Pologne par lettres patentes donna à cet observatoire le titre d'Observatoire Royal^ et nomma son astronome royal le P. Poczobut, Jésuite^ qui y tra- vaillait depuis 1765. En 1788^ le P. Poczobut fit con- struire un autre observatoire plus commode. A Mifan, l'observatoire qui est actuellement le plus remarquable et le plus utile de Tltalie, fut construit, en 1765, aux dépens du collège des Jésuites de Bréra^ par le zèle du P. Pallavicini, sur les dessins du P. Bos- covich, qui contribua lui-même à la dépense. Le P. La Grange y avait longtemps travaillé. MM. Reg- gio, de Cœsaris, ex-Jésuites, et M. Oriani, continuent avec le plus grand succès. A Florence, le P. Léon Ximénès avait fait construire un observatoire au collège des Jésuites et un quart de cercle mural, plus grand qu'aucun de ceux que Ton con- naît ; à sa mort il Ta légué au collège. A Parme, en 1765, le P. Belgrado dirigeait l'obser- vatoire qu'il y avait fait élever. A Brescia^ le P. Cavalli. A Venise, le P. Panigaï. A Sienne, le P. Troïli. A Rome, le P. Asclépi en avait un au Collège Romain, où il fit des observations après le P. Boscovich. En Portugal, le roi Jean V fit éleyer un observatoire — 262 — daftfi Èùù palais, à ListxHitie. Lé P. Cârteoi tt le P. Go» passe, Jésuites^ y firent diverses observatkms. DtM la même ville les Jésuites avaient fait élever un (ftMBèrva- toire dans leur collège de Saint-Antoine. ( Le P. Ëusèbe da Veiga y a fait des observations avec les PP» Beraaahd dé OliVeira et Denis Franco jucqu'en 1759^ époque oà Pombti les Munit de Portugal. ) Da Veiga oouttiliMt plus tard ses observations à Rome, et fit paraître en é^iûérides, dont parle Lalande dans sa im/i^ft^W? (MMmofniqnê auk années 1768 et 17^ (1). Dans le royaume de» Déux^Siciles, à Naplet^ le P. Glêâfipriamo. k Messine, le P. Mustara. A Marseille, Tobservatoire^ bâti pal* le P. Lavil^ a élé oQè^pé par les PP. Pezenas, La Grange et Blanehatd. A Lyon, Tobservatoire du collège fut bâti par le P* iA Si^ùt-Ronnet, vers 1684. il est très*^evéet tràs4ètu, il a été dirigé par les PP. Duiiias et Bétaud, ete% h Avignon, le P. Bônfia, Jéeklite, fitt prdM^teaekdût le foftttlteijit* dé robservatm^e, vers 16B8. Us PP. PéiiNM et Morand Toni occupé* Tableau, d'après Lalande, des JéiuUes tàùthémaHctms astronomes^ de llbO à 1773 (Bibliographie astronomi- que, p. 44è-540.) Lalande a écrit en 1800 : a Parmi les calomnies ab- <1) En Espagne, le P. Christian Rieger, Jésuite, publiait en 1761 m nbséhratlens hixe^ k robserrfttoire Impérial de Madrid (Voir €a- BALLBBO, Sufipbnuentum UMiùîktà» tùt^i^ifhm SèêieiMk Jibn^ «t BiëUég^ Mtnm. Année 1762.) — 2M — •urdes que la rage des protestants et des jansénistes tSMhsh contre les Jésuites, je remarquai La Ghalotais, qui porta Tignorance ou Tayeuglement jusqu'à dire dans SCNH réquisitoire^ quei ces religieux n'avaient pas produit de mathématiciens. Je faisais alors la table de mon As- tronomie; j'y mis un article sur les Jésuites astronomes; l^ur nombre m'étoima. J'eus occasion de voir La Ghalo- tais à Saintes, le 20 octobre 1773 ; je lui reprochai son injustice, il en convint ••• » (Voir Ànnale$ philosophiquei deJf. de Boulogne. T. I, année 1800^ p. 228). 1751. Regiomonti (Kônisberg), in-i"". Gnonomica faci- litata^ seu methodus arithmetica delineandi ho- rologia regularia et irregularia^ per tabulas recte calculatas. {Tulawiki^ Soc. Jesu.) 1751. Firenze (Florence), ia-8°. Notitia de' tempi... per rannol752, al meridiano ûorentino. Cet almanach, que je crois du P. Ximénès , célèbre astronome, n'a eu lieu que pendant quelques années. L'auteur est mort en 178d. VoyeJ^ son: éloge dans le 5* volume des Mémoires de la Société ita- lienne» } 1752. Paris, in-12. Traité sur les aimants artificiels, traduit de l'anglais par le P. Bivoire, Jésuite. 1753. BomcBf in-4'*. De lunœ atmosphœra. (P. Bosco- vich.) Le P. Boscovich est déjà cité plus d'une fois par Lalande, aux années 1736-37-41-42-43- 44-46-49-50. 1753. RorncBi in-8''. Osservazioni del' ultimo passagio di Mercurio sotto il Sole, seguito abdi maggio 1753, fatte Rom» e raccoltè dal P. R. G. Bos- covich. Ce mémoire se trouve dans le Giomale de lit' terati, mppresso ifratelli Pagliarini. 1753. FirenzCj in«12. Noticia de' tempi (P. Ximénès). — 264 — On y trouve des diM^rvatioDS et des tables comme dans la Comiaùsanee des temps qui se publie à Paris ; mais ri^éméride de Fl(»eiice est beaucoup moins ét^odue. 1755. RonuBj in-4<'. De litteraria expeditione per Ponti- ficiam ditionem ad dimetiendos duos meridiani gradus^ à PP. Maire et Boseovich, Cette ouvrage conti^it toutes les opérations de la mesure du degré en Italie^ et des recher- ches de théorie sur la figure de la terre. Il a été traduit en français et imprimé à Par» ea 1770. 1755. Romœ, in-8**. Philosopbia recentior, a Benedicto Stay... Cum adnotationibus P. Rogerii Josephi Boscovich; tomus T. Ce poème était digne des notes ou plutôt des dissertations savantes et curieuses que le P. Bos- covich a jointes aux vers charmants de son ami. Le 2* vol. a paru en 1760. 1755* RonuB, in-4<'. De lentibus et telescopiis diopfricis dissertation auctore P. R. Boscovich , Societatis Jesu, publico matheseos professore in Collegio Romano. — 58 pages. 1755. Avignon^ in-4*'. Mémoires de mathématiques et de physique, rédigés à Tobservatoire de Marseille; année 1755. Première partie. On y trouve un grand traité des instruments propres à observer en mer, et de Thélionètre ap- pliqué aux télescopes, par le P. Pézenasy Jésuite, directeur de l'observatoire de Marseille. A l'année 1775, Lalande ajoute ce qui suit : Avignon^ in-8*. Histoire critique de la découverte des lon- gitudes, par l'auteur de l'astronomie des marins {Pézenas), 164 pag[es. On y trouve aussi beau- coup de problèmes à Tusàge deis marins, * et — 265 — Annéei. d'exemples pour la méthode des longitudes. , C'est ici le dernier ouvrage d'Esprit Pézenas, né à Avignon le 38 novembre 1692, mort dans la même ville le 4 février 1776, à l'âge de 83 ans. Il s'était distingué par plusieurs observa- tions et par de bons ouvrages, tels que son Traité du Jaugeage en 1742 et 1749, les mémoi- res rédigés à l'observatoire de Marseille en 1755 et 1756, l'Astronomie des marins en 1766, etc. C'est à lui que 1 on doit une des deux traduc- tions de l'optique de Smith, 1767, celle de Des- aguliers, et Tédition des grandes tables de lo- garithmes de Gardiner, imprimée à Avignon en 1770, et préférable à plusieurs égards à celle que Gardiner avait donnée à Londres en 1742. Il rétablit l'observatoire de Marseille et le rendit utile. Voyez la notice de ses ouvrages dans le Journal des SavantSy l''79, page 569. Ses obser- vations de 1729 et années suivantes sont au dé- pôt de la marine à Paris. 1755. FlorenticBy in-4**. Dissertatio de maris aestu, ac prœsertim de viribus lunae solisque mare mo- ventibus, auctore Léon Ximenès, 58 pages. 1756. jRomœ, in-8°. De inœqualitatibus quas Saturnus et Jupiter sibi mutuo videntur inducere, auc- tore P. Rog. Jos. Boscovich, 1756. Avignon, in-4«. Mémoires rédigés à l'observa- toire de Marseille, année ] 756. Ce second volume a été le dernier. On y trouve des réflexions sur diverses manières d'observer les passages du soleil par les points équinoxiaux et solsticiaux que je crois du P. Pézenas ; des observations du P. la Grange, Jésuite, qui fut appelé à Milan , en 1763, et y resta jusqu'en 1777. Il se retira à MA- — Î6« — AiDéei. OOD, sa patrie^ où il mourut le 25 août 1783. 1756. VimmŒf iaS: Ephemerides astronomie^ amii 1757,admeridiânum VindoboneiisemjussuAu- gustorum calculis definitae^ à Maximiliano Bell y e Soc. Jesu^cssareo-regio astronomo^ et meeha- nioes experimentalis pntfessore publico et ordi- nario. Ces Ephémérides ont paru chaque amiée; elles forment un recueil précieux pour l'astronomie. Dans le second volume^ qui est celui de Tannée 1758^ on trouYe un rec4ieil d'obsenrations astro- nomiques ùutes en 1757. Le P. Hell a ajouté successivement beaucoup de dissertations et de tables astronomiques. MM. Triesnecfcer (ex-Jé- suite), et Bui^ continuèrent avec encore plus de succès^ comme on le verra dans la suite de cette biMiographie. Le P. Hell est mort le 14 août 1792. Voyez V Histoire de FAstrononue. 1757. Firenze, in-4*. Del vecchio e nuovo goomone fio- rentino^ di Léon Ximénès. Ce grand ouvrage contient Thistoire et la des- cription de la plus grande méridienne qu^il y ait jamais eu. (Ast. art. 2285.) 1757. Viennœ, in-4o. Clarissimi viri D. de La Caille Lectiones astronomiae, traductœ à G. S. e S. J. (Charles Scherfer, Jésuite.) L'auteur avait aussi traduit Toptique; et le P. Boscovich y ajouta un mémoire. Ch. Scherfer^ né à Gmunden (Autriche), le 3 novembre 1716^ est mort le 25 juillet 1783. 1758. VienruBy in-i". Philosophis naturalis theoria re- dacta ad unicam legem virium in natura exis- tentium a P. R.-J. Boscovich^ Soc. Jesu. La 2< édition à paru à Venise, en 1762; la3« — 2«7 — AfliéM. à Vienne^ en 1764. On avait commencé de tra- duire ce livre en 1779, à Paris. L'auteur pense que l'attraction se change en répulsion à une certaine proximité, n y a de belles idées dans cet ouvrage. 17Sè. Tymaviœ (Tyrnau), in-4«. Observationés astro- nomie» anni 1758, in observatorio collegii aca- démie! Socîetatis Jesu Tymaviœ in Hungaria habitœ. Ces observations du P. Weiss ont été conti- nuées chaque année et imprimée^ depuis 1756 jusqu'en 1771. L'auteur naquit à Tymau, en 17n le 16 mars; il ^e fit Jésuite en 1733 ; il fut fait professeur de mathématiques en 1753. Le P. Kcri ayant fait faire un observatoire à Tyr- nau, le P. Weiss commença en 1756 un cours d'observations qui n'a point été interrompu. L'Univertité avant été transférée en 1777 à Bude, le P. Weiss y a pris la direction de l'observa- toire, et y a continué longtemps ses utiles obser- vatons. 1780. Parts y in-l2. Amusements physiques sur le sys- tème newtonien. €et ouvrage, sous le nom du P. (tHanteccurt, est du P. Desmarais, lésuite, qui n'y entendait rien. IfSD. l/mdini, in-4^. De solis ac lunœ defectibus libri quinque P. R(^rii Josephi Boseavichy Soc. Jesu, adregiam Societatem Londinensem. Réimprimé à Venise, en 1761, in-8». On trouve dans ce poème ingénieux Tabrégé de l'as- tronomie, la théorie de la lumière et une partie de la p&ysique en très-beaux vert latins; on l'a iittpHmé à Paris, eu 1779, «vec sa traduction {MU* M. Biflruel,etde8 angtiientatioât de l'auteur. — 268 — Aimées. 1760. Bordeaux, in-4°. Dissertation sur la question : La lune a-t-elle quelque influence sur la végétation et sur l'économie animale? par le P. Béraud, Jésuite^ à Lyon. 4761. Fin^/oèone», in-4<^. Maclaurini expositio philoso- phie neutonianœ in latinum conversa a G* Falck, Soc. Jesu. 1761. Tijmaviœ, in 4". Observationes astronomie» anni 1758, in observatorio coUegii academici Soc. Jesu, Tyrnavi» in Hungaria habitœ, aR. P. Francisco Weiss e Soc. Jesu. 1761. Firenze, in-4*. Léon Ximenès osservazione di pas- sagio di Venere, 8 pages. M. Bernoulli cite une dissertation sur le pas- sage de 1761 faite par le P. Sleppling, Jésuite, qui avait rétabli l'astronomie à Prague et avait meublé Tobservatoire bâti auparavant par le P. Retz. Le P. Steppling est mort en 1778. Ber- nouilii, Nouvelles littéraires, 6^ cahier, page 65. — Wydra Hist, math, in Boh, et Mor.j page 83. Il y est aussi parlé du P. Sonner qui-aidait le P. Steppling dans les observations, et qui est mort en 1776. 1762. Viennœ y in-4". De emendatione telescopiorum dioptricorum recens a DoUondo inventa, a P. Se fier fer. 1762. Vindobonœ , in-8*. Maximiliani JJell observatio transitas Veneris, adjectisobservationibus a va- riis, etc. 1763. Manhemiiy in-4°.Basis Palatina anuo 1762 bis di- mensa, hoc anno 1763 novis mensuris aucta et conûrmata a Christiano Mayer. Le P. Christian Mayer, Jésuite de Manheim, né le 20 août 1719, mourut le 16 avril 1783. Voyez les ^ouvellea de la république des iet- — 269 ~ AuDéfs. treSj de la Blàncherie, 18 juin 1783, et les Mémoires de l'Académie de Manheim, 1789, tome VI. 1763. Viennœ^ in-4^ ZTe/ZEphemeridesanni 1764. On y trouve les Tables du Soleil de La Caille et de la Lune de Meyer que j'avais mises dans la Connaissance du temps de 1761. Hell y a ajouté plusieurs autres tables relatives à la Lune. 1764. Viennœ, in-4°. Philosophiae naturalis theoria re- dacta ad unicam legem virium in natura existen- tium, auctore P. Rogerio Boscovich, 1764. Romœ, in->4*'. De menstrua solis parallaxi Senis observata exercitatio astronomica habita in GoUegio Romano ( P. Asclépi). 1764. Lyon, in- 12. Mémoires sur les éclipses annulai- res, et principalement sur celle du 2 avril 1764^ par Tabbé Béraud. 1764. jRomœ, in-4<^. Solis defectus observatus in GoUegio Romano a PP. Societatis Jesu, 8 pages. Gette observation fut faite principalement par le P. Asclépi. 1764. ManhemUj in-4''. Solis et lunaB eclipseos observa- tio facta Schwetzingae in specuU nova électoral! anno 1764^ 17 martii etl aprilis^ aCbristiano Mayer, 1764. ViennoBy in-8». BelL Ephem^rides anni 1765. 1765. VienncBy in-8«. Hell. Ephemerides anni 1766. On y trouve une dissertation sur le prétendu satellite de Vénus, que Tauleur démontre être une illusion d'optique. 1765. RomcBj in-4^ De objectivi micrometri usu in pla- netarum diametris metiendis exercitatio, optico- astronomica habita in GoUegio Romano (P. Asclépi ). On y trouve des observations des diamètres du — î?0 — ▲■B4ii. Soleil y. d^ Vénus ^ de Mars ^ cjoi difiërenU temps. 1766. Manhemiiy m-4<*. Altitudo poli speculie electoçâ^- lis astronomicsB qus esl Sch^^teingttiaaroeafr- reni8simi> etc. a P. Chtistiano Moffer. Cest un petit observatoire que rélecteur Pa- latin avait fait bâtir dans un de ses châteaux^ et où le P. Mayer observa en attendant la construc- tion du grand et bel observatoire de Manbeûp* HM. Vi^mc^j iûrS^. iTetf . Epbemerides, anni 1767. On y trouve Téloge de Pierre Xiàkk^ paysan du Tyrol^ que le P» Weinhar t avaât aidé ^ qui avait fait des progrès surprenants da^ les arts» la géométrk et l'astronc^nie. U jaoourut en 1766. 1766. Avtgpwn. Astroaoraie des marins. (P. Pézenas.) Cet ouvrage, plus élémentaire et plus étendu que celui de Maupertuis, C(H)tient de loèm^ dos formules analytiques pour résoudM tous les problèmes de kl sphère. 1766. Vienne. Ânfangsgruende 4er piiysicalisclien Astronomie, von iMdwig MUterpmsker (Sk^. ^esu). fWT. Avigmny 3 yoL iBr4^. Cours eomplelé'i^ptique de Smith^ traduit de Tanglais^ par le J^>, Pézenas, avec des addition^ sur les nouvelle» déocuveiteB. L'édition angiaise était de 17Bê^ 1767. Ingoistadii, in-4*. De aititudine peliobservatorii ingblsIadieniÂs dissertatio : aecedont propositio- nés de invenienda figura telkuâs. Ces ^èses soutenues par le P* Mmlimger joat du P. Amman. 1767. Viennœ, in-8^ HelL ]^^meri(tes aiiâi 1768. On y trouve beaucoup d'obser^^alîM^ de War- gentin^ Messier, IHngré, Heit (Jésuite)^ Gar- — J71 — vTQiisky , Tte&him««r (J^uite), Bugge^ des deux May^r {iqn\ Tun^ ChristUn^ était Jésuite)^ de Rohl, Seh^il^^l, FUmUla^r (Béaédiotin), Wolff, Barlet (Jésuite), La Graoge (Jésuite)^ Weiss (Jé- suite), Sainovits (Jésuite)^ Tiernberger (Jésuite)^ Poczobut (Jésuite)^ Hoffman. Cela fait voir corn- tMea le P. Hell étendait sa correspondance^ et combien l'astronomie était déjà cultivée en Alle- magne. 1767. Romœ, in-4'*. Jos. Asckpiy de nova et facili me- thodo elevandi mercuriumin tubis ad altitudi- nem consuetam majorem. t797. Mesure de la terre du P. Liesganig, en Autriche, et du P. Beocaria, en Piémont; Journal des Sa- vante. Ces mesures ont été détaillées ensuite dans deux ouvrages séparés. Joseph Liesganig naquit^ à Gratz en Styrie, le !24 juin 1735. 11 était à Lemberg en Gallicie (Po- logne; autrichieime)^ où il était directeur des bâ- timents et de la navigation, ilestm(Mrt en 1799. Lettre du P. Beraud sur le passage de Vénus qu'il avait (dMervé à Lyon en 1761. Le P. Beraud habile prctfesseur d'astronomie> est mort en 1777. A rannée 1780, Lalande écrit : a Laurent Beraud^ professeur de mathémati* ques au collège des Jésuites de Lyon, était né dans cette ville^ le 5 mars 1703 ; il y mourut le 26 juin 1777. Nous avons de lui diverses obser- vations d*éclipses^ de comètes^ des passages de Mercure; des observations faites en correspon- dance avet La Caille qui était au cap de Bonne- JSfif^Ar^Màt pour déterminer l^a parallaxes de Mairs et de Vénus doqt il donna lui-môme les — 272 — Ce fut à ses leçons, en 1746, que je pris le goût de l'astronomie, dont je me suis occupé toute ma vie. Montucla , Bossut , Fleurieu et plusieurs autres élèves distingués dans les ma- thématiques déposent du mérite de cet habile professeur ; mais le collège de Lyon était à tous égards un des meilleurs que j'aie jamais con- nus. Le P. Beraud fit aussi des dissertations de phy- sique qui remportèrent des prix à l'Acadéiïiie de Bordeaux; des mémoires et des observations météorologiques qui sont dans les cartons de TÂcadémie de Lyon, dont il était membre de- puis 1740; plusieurs dissertations sur les anti- quités, dont il s'était aussi occupé; car il avait à Lyon la direction de l'observatoire et celle du cabinet des médailles, qui étaient dans le même collège. Son éloge a été inséré dans le Diction- naire de physique de V Encyclopédie méthodique. Le P. Beraud est cité encore à Tannée 1777. 1768. Viennœ^ in-4<*. Observaliones astronomie», ab anno 1717, ad annum 1752, à PP. Societatis Jesu, Pekini Sinarum tribunalis mathematici prœside et mândarino, collectas, atque operis editionem ad fidem autographi manuscripti curante PP. Maximiliano HelL Les Jésuites auxquels on est redevable de ces observations sont les PP. Pereyra, Kœgler, Hal- lerstein, Slaviseck, etc. Le P. Hallerstein s'est fait un plaisir d'enrichir sa patrie de ce manus- crit, et il Fa envoyé, en 1754, écrit de sa main, à la bibliothèque du collège de Vienne, d'où le P. Hell Ta tiré pour le 'publier. -^Le P. Slavi- '^ seck, Jésuite de Bohème, mort en Chine, le 24 août 1735, à 57 ans, avait fait une grande suite — 273 — Années. d'observations sur la libration de la lune; il écrivait à ce sujet à Bayer, en 1734, et lui pro* mettait pdur de Tlsle un cours entier d'observa- tions et de doctrine sur la libration ; il travail- lait k faire graver une figure sur la lune ; mais sa mort a fait perdre tout ce travail. 1768. Tymaviœ y in-8<>. iJbservationes astronomicae , annis 1768, 1769 et 1770 in observatorio collegii académie! Societatis Jesu, TyrnaviaB in Hungaria a Fr. Wem, Soc. Jesu. (Cité encore à Tannée 1775.) 1768. Avignon^ in-4'. Nouveaux essais pour déterminer les longitudes en mer par les mouvements de la lune et par une seule observation (P. Pézenas), 28 pages avec un appendice de 6 pages. L'auteur proposait une méthode qui exigerait la résolution de beaucoup de triangles. 1768. Viennes j in-8°. Ephemerides astronomicae, anni 1769, nomini et methodo P. Hell definitae, a P. PUgratHy Soc. Jesu. Antoine Pilgram naquit à Vienne le 3 octo- bre 1730, il y mourut le 45 janvier 1793. 1768. HeidelbergcBy in-4". Directio meridiani Palatin! per speculam electoralem arcis aestivaeSchwetzin- gensis ducti, observationibus et calculis definita, a Christ. Mayer, Soc. Jesu. 1768. Milanoy in4«.Esercitaz!one matematica sulPaltezza del polo d! Milano. L*auteur est François Zutnt, ou LuinOy Jé- suite, né à Milan le 21 mars 1740, professeur de mathématiques à Milan en 1769, à Pavie eh 1773, à Corne en 1778. 1768. Romœ, in-4<*. De annua fixarum aberratione^ éxer- citatio optico-astronomica habita in CoUegio Romano. (P. Asclépi.) 18 >. — 274 — 17G9. Viennœ, in-8*. Pilgram, epbemerides anno 1760 et 1770. Oo y trouve plusieurs tables auxiliaires utiles dans l'astroDomîe ; entre autres toutes celles qui servent au calcul des projections pour les éclipses. 1769. Petropoli, in-4'*. Ad Augustissimam Russianim omnium imperatricem Catbarinam D Alexiew- nam^ expositio de transitu Veneris, ante discum solis die 23 maii 1769^ a Christiano Mayer, 355 pages. Ce livre contient presque des éléments d'as- tronomie^ à l'occasion du passage de Vénus. 1770. Viennœ^ m-A*, Dimensio graduum meridiani Vien- nensis et Hungarici^ peracta a J. Liesganig (Jésuite). Cet ouvrage contient la mesure de la terre exécutée en grand dans FAllemagne. 1770. Paris j in-4*. Vovage astronomique et géographi- que pour mesurer deux degrés du méridien par les PP. Maire et Boscùvich. T^uit du la- tin, par le P. Hugon ou Châtelain, augmenté par le P. Bosoovich lui-même. Hugon était un Jésuite qui prit, à Paris, le nom de Châtelain pour être plus inconnu. i770. BoMniœ (Copenhague), in-4^ Observatio transi tus Veneris ante discum Solis , die 3 jumi anno 1769, WaidoShusii , auspiciis potentissimi ac clementissimi régis Dani» et Norwegis Chris- tiani Vn facta et Societati régis sdentiarum Haf- niensî prxlecta» a R. P. Haximfliano|^tf0, e Soc. Jesa, astronomo Caesareo. 1770. ViamŒf in-8*. Piigram. Ephemerides astrcmomi- esd.Onj trouve l'observatimi du passage de Vénus, faite par Hell, à Waidlius. % — 275 — Années. 1770. Avignon, in-fol. Tables de logarithmes de Gardi- ner.— Nouvelle édition, augmentée des loganth- mes, des sinus et des tangentes pour chaque se- conde des quatre premiers degrés. Cette édition, «dont on avait besoin depuis longtemps, est due aux soins du P. Pézenas^ du P. Dumas et du P. Blanchard; les quatre pre- miers degrés eu seconde ont été tirés du manu- scrit de Mouton, qui est dans la bibliothèque de l'Académie des sciences, et que je leur envoyai pour cet effet. L'édition est plus belle et plus correcte que celle de l'Angleterre ne Pétait dans le principe avant que Fauteur eût corrigé les fautes à la main ; j'en ai donné Terrata dans la Connaissance des temps de 1775. — Sur le P. Dumas, habile géomètre de Lyon et mon premier maître, voyez le Journal des Savants^ de novembre 1770. 1770. Aug. VindeliCy in-4®. Qviadrans astronomicus novus descriptus et examinatus in speeula uranica Ingolstadiensi a P. Caesario Amman, Soc. Jesu, Mathesis et S. ling. P. P. 0« 1770. IngoUtadii, in-4o. De altitudine poli obsecv^^rii astronomici Ingolstadiensis, in collegio. acade- mico Societatis Jesu ^ dissertatio. Aocedunt pro- positiones géographie»^ de invenienda. figura telluris , quas publice disGutiendaa proponet Josephus Ballinger, R. Soc Jesu. 1770. Milano, in-4<^. Descrizione d'un nuovo pandolo a correzione, del P. Boscovichk 1770. Petersbourg^ in-8^ Nouvelle Méthode pour tever, en peu de temps et à peu defrais^ une caria gé- nérale exacte de toute la Russie, approuv<ée. par TAcadémie impériale de Saint-Pétersbourg^ j par Christian Mayer. — 276 — L'auteur propose de se servir d'une montre marine. 1770. Ingolstadii, in-4». De lumine etvisione, de deter- minatione systematis planetarii , exercitationes mathematic» in aula acad. catholicœ clectora- lis Univers. Ingolstadio^ respondente Bemardo Mercky R. Soc. Jesu. 1770. Romœ^ in-4*. P. Asclepi. De cometarum motu exercitatio astronomiea habita in Collegio Ro- mano. On y trouve les observations et les calculs de la belle comète de 1769 (Voir la suite en 1772). Les calculs sont très-détaillés et les éléments très-bien discutés. J771. In Milanoy in-8<>. Memorie Sulli cannocchiali diottrici^ del P. Ruggiero Giuseppe Bùscovich. Ce sont des éléments de dioptrique relatifs aux lunettes; on y trouve même quelque chose sur la théorie des lunettes achromatiques. 1771. Milano^ in-4^. Descrizione d'un nuovo pendolo a correzione^ del P. Boscovich. Cité encore aux années 1774, 1777, 1779, 1785 et 1789. 4771. Vtennœ^ in-8*. HelL Ephemerides anni 1772. On y trouve les tables de Mayer, publiées en 1770, où le P. Pilgram avait rendu toutes les équations additives. 1771. Romœ^ in-4^ De squilibrio aeris cum mercurio (P. Ascfépi.) 1772. Eeidelbergœ, in-4*. Tentamen geographicum in usum mappae Palatins sistens seriem aliquot triangulorum qu» cum base Palatina ad Aus- trum et Boream connexa sunt, auctore Christiano Mayer. Ce sont des triangles liés avec ceux de la — 277 — AnDéei. France, depuis Durlach jusqu'à Francfort, sur une longueur de près de cinquante lieues, pour servir de canevas à une carte du Palatinal. Le P. Mayer et le P. Metzer s'en sont occupés avec zèle. Le P. Mayer est cité encore aux années 1775, 1778, 1779, 1780 et 1786. 1772. Dilingœ, in-4®. De micrometris quaefilis constant in angulum coeuntibus dissertatio , auctore P. Ignatio Pickely Soc. Jesu. 24 pages. 1772. Viennœ, in-8^ Deparallaxi solis et observationi- bus transitus Veneris anni 1769, a P. Maximi- liano HelL Soc. Jesu. Astronomo Caesareo-regio. Le P. Hell est encore cité aux années 1775, 1776, 1777, 1787 et suivantes, et page 721. 1772. Avignon y in-4®. Manière de réduire en tables la solution de tous les triangles sphériques. {Pé- zenas.) 1772. Siena, in-4^. Atti dell'Academia délie Scienze di Siena, t. IV. On y trouve une histoire des comètes depuis l'ère vulgaire jusqu'en 1577, par le P. Trotlt) Jésuite. Ce Père est cité encore en l'année 1774. 1772. Romœ, in-4®. De coraetarum motu addenda ad exercitationem habitam in collegio Romano, anno 1770. (P. jésclipi.) L'auteur essaie de déterminer la période de la comète de 1768 par les observations d'une seule apparition. Asclépi est mort au mois de juillet 1776. C'est ici le dernier ouvrage de cet astro- nome qui soit venu à ma connaissance. 1773. Cette année devait paraître le !•«• vol. in-folio du voyage du P. Hell en Laponie, suivant le pro- spectus, publié en 1771, et le 3« vol. en 1774. — 278 — ▲nnéei. Mais il n'a rien paru, si ce ne sont quelques fragments dans les éphémérides de Vienne. 1773. Fieniwp, in-8*>. iTie//. Epliemeridesannil773. On y trouve une collection d'observations du passage de Vénus sur le soleil le 3 juin 1769, une dissertation sur la parallaxe du soleil qu^il trouvait de 8" 7, et une réponse aux reproches que je lui avais faits d'avoir envoyé son observa- tion de Ward'hus après que j'avais publié le ré- sultat des autres. 1773. Viennes^ in-8*. ffell. Ephemerides astronomie» anni 1773. Ce volume contient une grande dissertation sur la parallaxe du soleil que le P. Hell trouvait [ de 8" 7, et une du P. Pilgram sur ce sujet. 1774. Uilano, in-8°. Effemeridi astronomiche per Tanno 1775, calcolate pel meridiano di Milano^ d'air abb. Angelo de Cœsaris, ex-jésuite. Un aggiunta di altri opuscoli. C'est le premier volume d'une collection im- portante d'éphémérides qui ont paru sans inter- ruption jusqu'à ce jour, les additions contien- nent un mémoire français sur l'opposition de Saturne en 1773, que je crois du P. La Grange ^ qui resta à Milan jusqu'en 1777, et un Mémoire italien sur l'anneau de Saturne, par Fr. Reggio (ex-jésuite). 1774. Gnerfant (Dantzick), in-8®. Prodromus physico-as- tronomicus pyrotecfanici systematis vorticorum, operâ P. lac. Kylian. Cet auteur était Jésuite, il mourut en 1774. — Bemouille, Nouvelles littéraires, 6« cahier^). 66. En résumé, ce tableau contient 42 auteurs et 87 ou- vrages. — Il nous serait facile de dresser une pareille — 279 — liste d'écrivains Josuites dans les différents ordres des connaissances humaines, sacrées et profanes. En preuve de cette assertion, nous apporterons un seul témoignage : le P. Theiner, dans son Histoire des Institutions (Tédu- cation ecclmastiquCy tome I, page 70 (édition de Paris, i841), cite le passage de Lalande, que nous avons mis en épigraphe en tête de ce tableau, et le fait précéder de ces paroles très-significatives : « Le choix de mon travail lit- téraire, .dit-il (page 78),, a eu pour moi l'avantage de me faire connaître la Société de Jésus, précisément du côté où elle présente des monuments impérissables de sa gloire et de sa grandeur. Je me suis trouvé dans la même position que le célèbre astronome Lalande... En corapo- sant.mon ouvrage sur les séminaires, je n'ai cessé d'ad- mirer les efforts incroyables des Pèreis de la Société de Jésus, et plus encore les résultats magnifiques dont ces efforts ont été couronnés. Dans un tempst où le mensonge audacieux peut se livrer impunément à ses plus grands excès, il est du devoir de tous les amis de la vérité de rap- peler à ces calomniateurs Tinfamie de leur conduite, etc.» N» 3. Tablbau des principaux théologienSytxégètes^camonistes^ orateurs^ ascétiques ^ savants^ littérateurs^ historiens, de la Compagnie de Jésus, vers le milieu du dernier siècle y avec indication de ia daie de leur naissance et de leur morlf et de leur âge en 1773. THéoloi^teas. ALLEMANDS. AMMÉB AGI «OMS ET PRÉNOMS. ^ ^ ^ m ^ •■ «•UMlmiw. liUMrt. mi. HermaDD (Georges) 1093 1766 m. Seedorf (François) 1692 1758 » Pejasotvi4'l]^oiiPia-cevIoh(Fras^.-X4iv.). 1707 » 66 Reuter^Jeau) 1680 1762 » llntifdau (Tbomni). N«il..uer (lp,.c). Voil [Edmondl. . S«'.)aKna (Cbarias] ITOT WiJmiUD (JoM-pb) 17» DE DIVERSES NITIORI. Oraiiiu (jDieph-Mnrie). ..... 1703 faiiiD (Jein^Baplitle 1702 Alègra (FniD^il- Xavier), ■mèricab. . 1739 l.Rwri (Wm») 1710 AlliciMi Laiirenl 1889 Augm Jarqiieil. 1700 Onsniao (Alexandre), portugaii.. A™«k>(Fi.usli..),«p»Si">l. . . Bolgroi (JeanViDconl). . . . luiringa (Enimanuel), Slni'liini (Hjacinihp). , 1704 I73S relli (Al .ej.. Navurro (Juachitn], uplgDol. Fiicnsillda (Diègo-Jot.), Alod (ffiégo), Wiilliiria (Joieph), 1705 ViJ*nhofer (Frinqois-XaTicr). . Coldhagen (Hcrmaon). . . . Wttissïmbach (JoKpb- Antoine } . Weilenauer (IgoaceJ Hnclbaurr (François}, . . . Veilb (Laureat-Franfoii-Xavicr], ■*d5 m. 1794 bi 1S0I 37 ITlUEnS ET BSrAGHOtS. Cnni (Pierre). , . . licliei' (lenn-baplute}.. >kulaï (Alphonie). . 171! 1763 Vaii«nl>t«*. ALLEIUNDS ET ITAUBNS. .A* — 281 — ÀNNÉB AGB :iOMS ET PRÉNOMS. m ^ » ItllMlmBM. 4«UMrt. 1171. ZalUnger (Jean-ÀDloine) 1735 1813 38 Zech (François-Xavier) 1092 1772 a Slefaniicci (Horace) 1706 1775 67 Gtiarini-Lascaris (Jean-Baplisle. . . . 1719 1779 64 Widroann (François de S.) 1711 1775 40 Controirerslsies, Apologistes, PolygrapUos. DE DIVERSES NATIONS. Sialller (Benoît). . 1728 1790 45 Manharl (François-Xavier) 1696 1773 77 Keusch (Guillaume) 1702 1778 71 Meri(Aloy8) 1727 1792 46 Schœnberg (Maihias) 1732 1792 4o Para du Phonjas (François) 1724 1797. 49 Guénard (Antoine) 1726 1806 47 La Marclie (Jean-François, de). . . . 1700 1762 » Champion de Nilon (Charles- François).. 1724 1794 49 Champion de Pontalier (François) . . . 1731 1812 42 IN onnotte (Claude-François). ., . . . 1711 1793 62 Malsiner (Joseph). . ...... 1743 1780 30 Noghera (Jcan-Raptiste) 1719 1784 54 Barruel (Augustin) 1741 1826 32 Ghesquière de Raemsdouk (Joseph, de). 1736 1804 37 Mutschell (Sébastien) (1) 1749 24 FillerfFrançois-Xavier, de).. . . . 1785 1802 38 Zaccaria (François-Antoine) 1712 1786 61 Mozzi (Ixîuis) 1746 1813 27 * Prédtcatenrs. FRANÇAIS. Neuville (Charles, Frey de) 1G93 1774 80 Marolles (Claude, de) 1712 1792 61 Perrin (Charles-Joseph) 1690 1767 • Papillon du Rivet (Nicolas) 1717 1782 56 Eoissani (Nicolas) . . 1708 » 65 Bulonde (Henri, de) 1718 1772 »• Richard (Jean-Pierre) 1743 1820 30 (1) Dans une leUre|découTerte parmi les papiers de Villuminiitê Blau, et envoyée par les officiers de la Justice à IVvèque de Spire , on Ut : n Pour mieux cacher encore tout objet secret, il faudrait spécialement en- gager tous les savants Jésuites, par exemple : Stattler, Sallcr, MutscheU, et les autres savants religieux orihodox es...— H faudrait même faire annoncer rétablissement de notre Académie, non par un de nos adeptes, mats si on le pouvait par un Jésuite. » La dépèche est datée du 9 juin 1799, époque où la coalition des princes menaçait le jacobinisme. (Voir page 294). - 282 Dupleuis )FiBiiçoii-Xaïier). . . . Chapelsia [Charles-Jeïn-Bsplisl'!, le). Seauregiril rNicolas) Bùre (Josi'ph) leabDl ou LtôftDt (Aleiwidre).. . HiTIOKS. Neuiiu;er(Pran^) 1697 TiDiai (AnloiiieJ 1731 ■Vor»([go««) J731 UiuKo (r.iii[iaumc) 1710 CiUlayuil (Pierre, de) I«89 7.ui:coai aouig] ISBS SaraciDelii [ADiDior] I73S Giorgi (Jead-Vin-Tiit) I73fl Trenm (Jérôme) I7U 1718 TcDim 1711 Aseéllqne*. M DtVBUSIS HATIONS. Pinimaai (Louii) 17W Dtpiel (Pierrq) 1707 Budirdi (Cbarki) 1713 Uutsl (Gabriel) 1680 GriRM(Hcari). lass ïsudraDil (Barihélem}) 1731 Beauvaia (Gillu, de) 1693 Coururier (Jean) 1730 Belleciiu f Louis) 1704 TarUEQ' (Jean-Baptiau) 173S Grou(Je«D) (723 Stark (Jaacph) 17S0 Berihicr (Guillaume) 1704 1784 17»» 1778 177S ISIl I76S Hanai (UuranI) 1735 Exinieno (don Auloîne) 173» £U (Emmanuel) 1746 tiiDipnTTer (Ijoire) 1733 Znxi'oiul (AuLoiae). 1733 Marquci (PierrtsJut.) , tmérieun. . . 1741 nurri (François;, Id. . , . 17IS 1801 1867 1796 1603 a nyttuout. Cabrai (EtieiiM) 1707 HoDisiro (Ignace) ITM Da Teigi (BuiAba) 17IS Carbooi on Ciibooe (JeiD-BàpUite . CoptiH I iittdi.nn le mi XTiii° litelt. J.-Ik Carbone était ceclmir à LiilwuDt en rRAHÇjUS. Chatelard (Jean-Jacques, du). . . . t6B3 I7I>7 l4igrac«e (LonU) 1711 1783 ADdrf(T™). IB7i 1764 TaUùi (Tra, de) 1691 t. I7B3 Casiel (Loiiis). 1688 I7&7 Pand (Aleuiulre) 1899 1777 Béraud (UurcDt) 1703 1777 ILiToin (A.iiloijK) 1709 178B Ta utrin (Hubert) 1743 1832 Du Tertre (Radalpbe) 1S77 1763 Paulian (Aimi-Henri) |731 1803 P^ienai (EiprItJ leos i;76 IIAUBNS. Lecdiî (Jean-AMoÎDe) 1701 177S Beggio (Prançtit) 1741 IBOi Aulépi (Jo«epb) 1706 1778 SannlBli (Fridèric) t70t 1701 Gianella (Cbarlei) 1738 • LuÎDO (Francis) 1740 1791 DeCxsaris (AhecId) 17t9 u Ximeuès (Uod) 1716 1786 BelEnido (Iicque») 1704 1780 BeDTCWiti (CharEet) 1718 1789 Troïli (Dominique) 1733 • aitcali (VincenI, de) 1707 1775 BoKonicb (Roger) 1711 1787 Todetini (Jean- Bapt laie) 1718 1101 Paniga; (Ban béUm; ] . .... 1730 ' Odética (G. Louù] 1735 It03 MorceJli (EticDDe) 1737 1831 UXliUms. KbeU (JoKph) 1714 lT!i Fralidl (Eraimi) 1700 1748 — 284 nous cT ri£Hoiis. Erkhel (JoMpli] Schnnwisner (Élienue) Pilgram (Aoloine) Saïnoiili (lem) ...,., Hako {hul, de) Hortalh (Jcan-Bapti. FÉraud (Jegn~FrBiicjoii) 1735 LeliruQ (Guillaume) 1674 yuerljeuf[Y%e-.de) 17afl Paul (Armand) 1740 Jacquet (LouU) 1733 1780 17St 11934 — 286 — ROMS tT ntMOHS. i - i . ■■ Gir(iide*u(B»T M Boulb (BmMrdJ 1695 17M ■ Pdd^I [Henii, Aniqurrile) 1730 1783 «3 Bro(i«r (Gibriel] 1713 I7S« 50 Pipillondu Hivd (NicoUi) t717 I7M » DeibillaBi (Fiuiçab-JoMph.Tertaue]. , 1741 17Bft 03 Berthoud (r.uilUame) 1733 iSlf 60 . [HUIorleiM. P0HTDGAI9, AldHICAINS, IIC ' Nowi {Jow^, àf) 1736. . 37 CliVigero (Frarnoit-XaTier) , Méxiettn. 1730 1793 53 Holioa [Jui. Ignace), Dé au Chili . . 1740 1815 3S POLONAIS. Naruiifniri (Slaiii*l»i) IÏ33 1798 40 RzaqiDidii (Franfoii) 1718 u 57 HLIRIBNS. FvUti (Oftoitl} 1690 1773 83 BILGE9, rlALIBNS, SaPAGNOLS, Walitelrin (Cliïrlei) 1695 1783 78 Giut* (Frinçoii) 1744 « 2» CoT^m {J^its), ut lu/iri . .... , Laœri (Pierre) lïlO . 63 Calini (FerdiDaDd] 1713 » 60 Murriel (Dommique) 1718 1795 55 Burriel (André) 1719 l78I . Maidïu (Je"n-F"i«ioi«) 17*0 1817 33 DeClè(Jean). . .1 / 1733 1800 SI De Bye (Cor»eU«) B^,,„ji^,^ \ 1727 1801 4S GhcHiiiiera, uliupra. ( \ 1736 18*4 37 Di Bue (iacquM. . | \ I73S ISOS U PUSÇUB. Legmid (TAuiij (Jean-Baptiilej. , . 1737 ISOO $• 'B«rlbier (CuilUume) , u( lupri . . , Bemija (iMtc) loil lia > — 287 — nous ET NtnOHI, Ligiif (Fr*D9>», de) 1709 Gdcrio du Kudier (Piwre) .... 1731 Cbaileroix (Prin^ia-Xaiier, de). . . IflSS Laugier (Marc-ADloine) >7I9 Uillol (CtotideJ 173» Oriffet (l(«Dri), ni luprà ALLEKUiDS. Prilesiki (Jcan-Bapliste) 1709 Daude(AdrKo) 1707 Kéri (Franco» Borgia) 1701 Scbmiih (Nicolas^ £Z5': linecL (Mail Hantiii (Max.).' 1683 i70o Hartzkeim (Joi«p1i) test 1703 Srhull (Ucrmans} t7D« 1768 Neiistn (Cillei) 1739 Haiden (Jean) I71« » Muuka (Nicolaa) 1716 1780 Pelerm (Cbarles) 17IS 17t* Kaprinii [Etienne] l'M 1786 Prij (Georgea) 1733 1801 Katou (EtieDoe) 1713 I7S8 Savants MlMlonnalre». FRAnÇÀlS, BBFACnOLS, FOATCGtlS, ETC. Cibol (Kerre) 1737 1780 Amiot [Jmeph) 1718 1794 Mailla (Joipph, di) 1670 17*8 Benoit (Micbel) 1715 177* Gauhil (Anloiae) 188!) ITBl Leiralwfkoïen (Godefroy),*!. It iMtii lâ 1 773 » 1 787 Kepler (Ignare) 1680 17*6 lUIlenlfrii (Augnilin) 1697 I77S DobriihoffïT (Mertin) 1718 < SienlitaDiji (EliBCnr) I73S Tietfeolhaler(Joippb), ("T. «Mj" '■P*'- 17*1 » Sanrbra Labridot (Joseph] .... 1717 1799 Quiroga (Joai-pli) 1707 171* Sieiai (Jegn) ...•,... 1 Toui i Rocbi [Kélii, d*) ■ (?''*î' Pr?,r'"T.,'™ ""Slï _..*,,'■( Jbreidu tribunil det natb* EipiDba (Jojeph) • ( nuliqun k Prtio, Ion di Rodlijuu (Audré) | miiaMlun d« leur Ordre. — 288 — Résumons ces listes et prenons les noms les plus connus : ceux de Neuville, Berthier, Brotier, Gaubil, Amiot^ Pézenas, pour la France; d'AzeveJo, Cabrai, Is- la, Eximeno, Andrès, Aimerich, Feller, pour le Portugal, l'Espagne et la Belgique ; de Goldliagen, Zallinger, Kil- ber, Veith, Kaprinai, Pray, Steppling, Hell, Eckhel, Michel Denis, Naruzewiecz, Poczobut, pour TAllemagne et la Pologne; de Zaccaria, Lazeri, Faure, Tiraboschi, Morcelli, Ximénès, Riccati, Boscovich, pour Tltalie ; et nous trouverons que sur ces 32 Jésuites illustres, — 5 exceptés : Andrès, âgé seulement de 33 an^ Mor- celli , Eckhel , de Feller et ZalUnger , dont les deux premiers avaient 36 ans et les deux derniers 38 en 1773, lors de la suppression de la Compagnie, — tous les autres se trouvent renfermés entre 40 et 80 ans, •ur lesquels deux ou trois seulement sont au dessous de 50. De quel droit maintenant vient-on nous dire que ceux d'entre les Jésuites qui se sont, vers la fin du siècle passé et au commencement de celui-ci, distin- gués dans le domaine de la science, se sont formés presque tous après la suppression de leur Institut? Du reste , la Compagnie de Jésus eût encore été plus à plaindre, et à juste titre plus inutile , si, outre les savants déjà formés, elle n'eût eu alors dans son sein un grand nombre de jeunes gens de talent, la semence de ses savants et de ses professeurs futurs^(l). (l) Pour compléter ce travail, on aurait, si le temps Tavail per- mis, ajouté deux autres tableaux, Tua comprenant les Ex-Jésuites, qui, peu après Textinction de leur Ordre, ont été élevés en grand nombre à des dignités ou à des fondions importantes ; l'autre, des jeunes disciples de Tlustitut, non -prêtres encore en 1773, qui, dans la suite 2 ont acquis un nom ou une position liunorable dans le monde. On aurait été ainsi plus à même d'apprécier ce que la Com- pagnie de Jésus, au moment de sa suppression, possé lait d'hommes remarquables dans le présent, et ce qu'elle avait droit d'atlenJre dacs rayenir. — 289 — N»4. Quelques professeurs dans les Universités allemandes, de 1755 a 1773. imivBRsiT^ DB viBime (1753-1773). NoTÀ.t— C'est en 1753 qu'eut lieu ta réforme de Stock, et que les chaires de théologie et de droit canonique furent en- levées aux Jésuites : ne nous étonnons donc pas de trouver dans le tableau suivant peu de professeurs de théologie. ANRÉB AGE ROMSi PKNOliS IT QUALITES. ' deU ^ d^ta ' *" naîMancc. mort. 177S. Frœlich(Era8aie),bi8(orien,Duinisma(e, archéologue. 1700 1758 m. Muuka (Nicolas), théologien et h istorieo distingué.. 4715 4780 58 Haiisilz (Marc), historien ecclésiastique 4683 1766 » Franz (Juseph), physicien, linguiste 4703 4776 70 Khell (Joseph), exégète, numismate 4744 4773 •< Denis (Michel), çrorebseur d*doquence, savant biblio- graphe, écrivain et poète allemand distingué. . . 4729 4784 44 Noghera- (Jean-Baptiste), professeur d'éloquence sa- crée 4749 1800 84 HeU(Maximilien), maihématicieB-tstronolDe(4).... 47i0 4703 58 Eckhel (Joseph), célèbre numismate 4737 4798 36 Walcher (Joseph), professeur de mécanique, direc- teur de la navigation et conseiller auiique 4749 4803 54 Wûlfen (Prançois-Xavier), professeur d'histoire na- turelle 4728 4805 45 Cari (Joseph), professeur distingué 4719 54 Liesganig (Joseph), directeur de Fobservatoire de Vienne 4749 4800 84 Scherffer (Charles), professeur de mathématiques. - Il » aida Liesganig a tracer le méridien de Vienne. . 4716 4783 57 HerberU) (Joseph), professeur de physique générale. 4725 4794 48 Poil ou Pohl (Josepn), professeur d'histoire ..4714 » 63 Schez (François-Xavier), professeur de belles-lettres et de philosophie 4701 4774 72 Pilsram (Antoine), géomètre-astronome 4730 4793 43 Mako (Paul, de), profe&seur de logique et de méta- physique 4723 M 50 Storken^u (Sigismond), philosophe, niéia physicien distingué 4784 » 42 (1) Hell eut pour suceeueun dans sa charge d'aitronome impérial et de direeieur éf lX)i>iervatoire troinde ms éièfea qui afalenl été auMÏ Jésuite* : Praiiroia de Paule Triea- uecker, dont Lalandr fait un ftraiid rluge, Ignar*; baron de Bain, et Françnia Gutniaim. BiMUgr, oêtronoitu^tie, p. 645, 66S «I paatim.) Ce dernier a publié un ouvrage ettimé Mir lea nneitm Zûiiinquft île rtir*pla ** 1802 ], 19 — 290 — ^ÀNNÉB Ad NOMS, PtÉNOMS ET QUiLLlTÉI. j^ |, ^elt •* naifoinee. mort. 177S. Nekrq>p (Jean de Dieu)« directeur dé TAcadémie des langues oneotales (1) Schiifermiller (Ignace;, professeur d'architecture ci- Vile et militaire; conseiUer impérial après la sup- pression 47*27 M 46 Mitterpacher (Louis), professeur de j^yiiqneet d'his- toire naturelle -, après la suppression, professeur d'économie 1734 » 39 GrOber (Gabriel), professeur de langues orientales et d'histoire -, plus tard, général de la Compagnie en Russie 1740 1805 SS 1x20 (Jean-Baptiste), profesMor d'architecture etdede»- sinliuéaire • 4721 » SS Engstler (Jos. Blatthias), professeur de langue bé- bralcpie 4725 » 48 ^ II. Outre l'Université de Yieniie, il existait plusieurs autres Universités dans la province d'Autriche : celles de Tyrnau, de Bude, de Gratz, etc. ; indiqaons-y quelques professeurs : Pejascewich (François-Xaner), docteur eu théologie, chancelier de l'Université 4707 Biwald ou Bibald (Léopold), profeaseur de philosophie aGralï 4731 Horvath (Jean-Baptiste), professeur de philosophie a Tyrnau. et après la suppression, professeur pu- blic à rUniversité de Bude. Sa philusuphie im- primée plusieurs fois après sa mort, a eu éditions deson virant 4732 Prileiki (Jean-Baptiste), professeur de théologie et dliistoire ecclésiastique à Tyrnau .....e 4709 Kéri (François de Borgia), professeur et recteur à runiversité de^Tymau 4 4702 Kaprinai (Etienne), professeur de théologie et d'his- toire ecclésiastique à TUniversité de Cassaw 4744 Wagner (Charles), professeur d'éloqueuce et d'histoire sacrée à Tyrnau 4732 Katona (Etienne), professeur d'histoire a Bude. ..... 4732 Klaus (Michel), professeur de philosophie et de droit canon k Presbourg 4749 Pray (Georges), savant historien 4723 Weiss (François), astronome à Tyrnau et à Bude 4747 Sainovus (Jean), professeur de mathématiques à Tyr- nau, (le la bucieié royale des sciences de Copen- hague 4733 Jaszlinûki (A.udré), professeur d'histoire ecclésiastique et d'Ecriture sainte a Tyrnau 4747 -Poda von Neuhans (Nicolas), naturaliste 4724 Bardar^ni (Joseph), théologien, à Gratz 4 708 Loscani (François), philosophe, ibid 4732 Keficzki (Antoine), professeur d^histoire ecclésiastique et de mathématiques à Tyrnau... 4723 » 6t> » 42 » il 1» 64 4769 u 4786 59 478T 4798 41 44 4775 4804 84 60 56 » 40 4770 56 4» 63 44 m iO (1] Catdogue de la prorince de Vienae pour l'année 1770 DniVBIMITi DI PRAGUE. """IS'."" fP^ntoi»). «."ni orlnuUde, pnitMUUT , d%«breu rt ntaèl». I«JT nst HiMMi (Jein), pralcneur diiUngu^ de ùmnet Hinicea ITia ITW HtONhbcrftr (Lteiiold}, IhiViInBieii el nhllowpbe... ITIB » Uatfk (Hilblai), protesiieur de Ihéolonie. dtilinguit pilrMidiin™aBl'>ntiqu1lécMléilisliiiuB )7*î Suppling (JoHph), rnlaurileur dct Ktnias euda à Pfipi». itlronomB 1718 «78 «gner (Giip»!), nrurmeur de phil^m)n^i8. resliur»- i™tdiel.i.hl!D»oiihlB» PriBUfl,dBl7e8»mï. inwli (L*flpold),(irnfMiHirds langue» «lucei, >uc- , ««d* i rfmifeiùBr : iomh (Phillppi.). ehUoiopho nn )7M «oomUd (Prançaii). prareueur d« lilMralnTe et de pBilosophJE, pli» lanl doyen de Beicbilidt ms ITM lesnneck (Jesn), géomNi*. ««gMe, praftUniT rofil de nuUumiuquH eu 1770 IV. UNITERSllé 1>B DILLINUKN. ZeUinger'dicquei-AiiMiiH). (Clbbre pmteiseur de droil fcclMisiiitiue 1731 UK Wriwmbtch (Joieph-AnLalne), a^Ht ITM tMH Pickel (Ignace), proFeweur de mathémaliquei f t lin- Siiile,. 1738 o(Thaddi>e), proreweur de droit c*non <7(U ITTS ' ReiM (Jean), proFeiiieur de rûtoiique <73i IMU UtlIVSnSlTE DB COLOGNE. Coulitn (Adam), profeiieur de philomi CaiTtdi ()««n), Ih^ologien. - Un de» , . Tentlrei de Fébrnniuo; tfrin la tuppr«ulon, Haiiibeïn (]«SPphl,profei»eur d'Ecriture-Siinle 46M I7« Schotl(HcrmBnn),.lhitlarieni el roUfdcun deif ITM IT» Neituen IGill»), ) conclln de Cernianie i t7«« f flm'ler (JoMph). nroreiieur de Ihtolosie ITM I7T0 RaiSïBiberK (FMMiic de] proteiiear 3e lingu* grec- que,... ,' n« ITM Beker (CIMien)), profetieur de IbMogle entTTSk 292 — 177S. t'5IVEKSfTéS DE TlimB KT DB HATKKGE. GoUteces^HeranaD),eiéfèie...l.if.-^^ ( f 71 1 fTM S5 «îè»(DMi«l),prafoM«irdliébr«i. I***^*""* I #7*3 » It llcatcr f Jet»), frofeM««r de Ibéolofie a Trèrec IGM ITiS » T«fp (AvkHse), profeMaur d'imiaire ecdéÛMliqve d de Itofse freeqae a Treret 1711 I7B3 32 CNIVSBSiré DB HEmELBERG. SduDidt (Antoine} , profeMeor de droit canon, — Adrenaire de F^ooias ; tprèc la sappresfion, érèoiie Miffragaot de Spire 1734 » ?9 Zinifb (Nieolas), profeMeor de langnes orientales. . . 1746 • 97 Boil (François -Xarier), profestenr d'histoire ecclé- fiaitiqne et de droit caoou, pendant s6 ans fTlO 1784 53 Kkiner (Joseph), théologien. -^ Adversaire de Fébro- vios 1715 ^ 4« Mater (Christian ), ((éomëtre, astronome 4719 1783 54 Rnpp (Jean- Btpliste), théologien 1700 I76C » Gallade (Pierre), professeur de langue hébialque et de droit canon Jnog (Jean) , professeur de philosophie 17S7 nn 1768 » UNIVERSITÉ DE WURTZBOURG. Tidonhofer (François-Xavier), exégëte et professeur de langues sacrées 1708 1765 » Daade (Adrien), historien et professeur d*hisloire ec- » clésiaslique 1707 1775 Voit (Edmond), professeur de th(^ologie morale 1707 1775 66 Neubaucr (Ignace)/ de Wurtzbourg "| ^^^ ^ ^^ Vogt (Antoine), professeur de droit canon 1727 » 46 Burkauser (Nicolas), professeur de philosophie 1733 m 40 Hubert! (François), géomètre, astronome 1715 » 58 Egel /Ambroise), professeur de physique — Il pro- fessa la physique expérimentale depuis 1771, et fut, plus tard, membre de la société des sciences nalurelles de Berlin, de l'Académie de Man- heim (Bœnike, Histoire de l'Université de /furtzéowr^, p. 323) 1732 » 41 UNIVERSITÉ d'INSPRUGK. Minharl (Xavier), lavaut théologien . 1696 177 3 77 ^ 293 — ANNÉE AGE NOMS, PRÉNOMS ET QUALITÉS. j,|, ^,1, •« iiaiiMiict. mort. 177S llichacler (Charles), professeur d*hi8(oire sacrée 4735 » 88 Biner(Juseph), professeur de droit canon, depuis 1750. » 1778 » Weiteuauer (Ignace), exégèle et professeur ae langues sacrées 1709 4784 64 Weinhart (Ignace;, (professeur de mathématiques. . . . 1705 4787 Oft Zallinger (Jean-Baptiste), professeur de physique et d'histoire natureUe 4734 4785 49 Lachemayr (Charles), professeur de philosophie et de théologie 4748 4788 58 Stadier (François de Sales), professeur d'histoire na- turelle 4785 4788 88 Gassmayr (Sébastien), professeur d'éloquence, d'a- près le catalogue de la province de la Germa- nie supérieure de 4757 , » 4768 » X. UNIVERSITE DE FRIBOURG EN BRISGAU. Steinmayer (Philippe), professeur de mathématiques et de théologie 4740 » 68 Unterrichter (Joseph), professeur de théologie et de droit canon 4734 » 49 Widmann (Joseph), professeur de théologie 4735 w 46 Zammer (Ignace), professeur distingué de mathéma- tiques et controTersiste 4755 » 48 Mayer(Thoma8d'Âquin), théologien, loué par Pie VI. 4718 » 88 * DNIVERSITÉ d'iNGOLSTADT. Beusch (Guillaume), théologien et canon iste distingué. 4703 1778 71 Zech (François-Xavier), célèbre canoniste 4693 4773 m. Schwartz (Ignace), professeur d'histoire. . 4690 4763 » Kratz ou Gratz (Georges), professeur renommé de mathématiques 47t4 4766 » Schûz (Henri), professeur d'histoire ecclésiastique et générale, 4744 4768 >. Hermann ((Georges), théologien 4693 4766 >• Veith (Laurent), théologien et savant exégète 4725 4796 48 Amman (Césarius), astronome et mathématicien.... 4727 4793 46 Mangold (Maximus), théologien et philosophe 4723 4797 54 Mangold (Joseph), a introduit ë TUuiveftité d'Ingols- tadt la philosophie de Descartes ; après la sup- Ïtression, recteur k Augsbourg 4716 4797 57 er (Benoit), professeur de théologie et écrivain célèbre 4728 » 45 Saller (Michel), théologien, élève de Staltler, après la suppression, évèque de Ralisbonne 1754 4833 33 Parmi les élèves de rUniversité d'ingostaldt. Ton peut encore signaler deux jeunes Jésuites qui, après la sup- pression de rOrdre,se distinguèrent, quoique dana(lçux à — 294 — eamères dilEirentes : M aximilien Holl, qui de professeur de littérature et d^élère de théologie à f ngostaldt, devint^ plus tard^ un professeur très-célèbre de médecine et con- seiller aulique à Vienne; et Sébastien Mutschell^ théolo- gien et controYersiste^ qui avec Stattler et Saîler forma le triumvirat théologique opposé aux ennemis de la reli- gion en Bavière. !.es Flluminés allemands^ qui ont eu pour chef Adam Weishaupt, élève aussi et professeur d'Ingostaldty tâchèrent, mais en vain , de s'affilier ces trois redoutables adversaires. Préface des Mémoires sur le Jacobinisme, par Barruel (édit. de 1819^ p. xiii). Nota. — On demandera.peut-être pourquoi tant de profes- seurs et de gavants , dont plusieurs sont d'un grand mérite, ne sont pas connus en France? A cette question on pourra répondre que cette ignorance a pour cause : i* le malheur des temps; 2* les Jésuites supprimés, on s'est peu oc- cupé des savants que leur Société possédait au moment de son 'extinction ; 3» en ce genre de travail bibliogra- phique, autant les protestants sont zélés et actifs pour pu- blier les cat^ilogues de leurs écrivains et donner à ceux-ci des éloges souvent exagérés , autant les catholiques ont en général peu d'ardeur et de courage pour ces travaux pénibles; ils se contentent la plupart du temps de faire des emprunts aux .bibliographes d'outre-Rhin, presque tous protestants; d'où il arrive que dans nos dictionnaires historiques ou bibliographies on voit une foule de savants et de théologiens luthériens et calvinistes environnés d'une auréole de science et de gloire, quelquefois très-peu méritée; tandis qu'on n'y trouve pas même le nom de beaucoup d'écrivains et de savants catholi- ques très-dignes d'être connus: TABLE DES MATIÈRES. INTRODUCTIOIf. PigM. I. Histoire du Pontificat de Clément XIF, — Accueil que lui a fait la presse catholique I II. Peutée-mère de Touvrage. — Jéiultti accuiéi daut leur science el daus leur enseignement •• I III. Citations qui renferment raccusation 7 IV. Réponse i)r<}alable SO V. Plan de cette brochure Il CHAPITRE PREMIER. — les jésuites en portlgal. I. Coup d'œil sur le Portugal S9 II. Les Jésuites au milieu des événements de cette époque 81 m. Causes générales de la décadence du Portugal 89 IV. Examen spécial de la décadence littéraire et scientifique 47 CHAPITRE SECOND. — les jésuites en allemagmb. I. Etat de TAllemagne à Tarrivée des Jésuites 81 II. Ce qu*il8 y ont fait 61 m. Eu quel état ils Tout laissée 88 IV . Littérature nationale allemande au xviiie siècle 88 CHAPITRE TROISIEME. — réforme des universités, SES CAUSES ET SES SUITES (17ft3— 1798). I. Réforme de TUniversité de Coimbre 104 II. Réforme des Universités d'Allemagne et ses causes 111 III. Ses suites 489 CHAPITRE QUATRIÈME. — état scientifique des jésuites ET DE LEURS ÉCOLES AU MOMENT DE LEUR SUPPRESSION. PREMIERE PARTIE. ^ Etat scientifique des Jésuites, . Position des Jésuites au milieu du iviii*" siècle 445 L Les Jésuites dans les sciences sacrées •• , 449 — 296 — III. Les Jéfuiles dans les sciences iiuilhéinatiqaes,phynqaes et nalarelles. IS7 IV. Les Jésuites daos la philosophie et la littérature 177 V. Les Jésuites dans les sciences historiques 184 VL Les Jésuites missionnaires 488 Vil. Les Jésuites dans les travaux da saint ministère 190 Vin. Tous ces Jésuites s'élaient-ils formés avant ou après la suppression 7, 194 SECONDE PARTIE. — Etoi KiefU\ftque des écoles des Jésuites. I. Qualités du professeur.— Les Jésuites les réunissaient 199 Jl. La question résolue parles témoignages de leurs rivaux et de leurs adversaires SOO \\\. Objections tirées du la conduite de Frédéric II et de Marie-Thérèse. . 210 IV. Etat véritable de l'enseignement des Jésuites au milieu du XTiiie siècle. — Leurs Universités, leurs collèges, leurs principaux pro- fesseurs 317 APPENDICE. ExauEn céhéral de VUistoire de Clément XT^, du P. Theiner.. . . . 219 Pièces justificatives, N« 4* Tableau, d'après Lalande et Montucla, des observatoires fondés ou dirigés par les Jésuites 259 N» 2. Tableau, d'après Lalande, des mathématiciens, astronomes Jésuites et de leurs ouvrages, de 1751 à 1773 260 Ko 3. Tableau indiquant Tannée de la naissance et l'âge, en 1773, des principaux savants de la Société de Jésus au xviii* siècle 279 ^*' 4. Tableau des principaux professeurs Jésuites dans quelques Uni- versit(^ allemandes, au moment de la suppression ... 289 FIN DE LA TABLE. ERRATA. Pag*: Au 77 110 Ul 141 157 167 176 189 SS5 161 980 S88 S84 985 986 987 988 990 994 999 Lignn. titre. 91 99 ' il 48 i 4 16 90 dernitee 4 93 18 84 dernière 9 17 33 37 7 46 31 16 I 48 Au /ms d» Clément, XIV Cardona De Yeiga Meyer Weissenlmch XTIlIe Sitrck Scherfer PAnigiy Rocha Joseph Masder deCoBaris WaUarta OdéTlCO Uskiot Lasala Wastelein SzenliTaniyi Siexas IU$» : Clément XIV, Scardont Da Veiga Ifaycr Weissembach XVIll» Strark Scherffer Panigal Rocha, Joseph Bemardo Masdeu daCiiarls ViMi Odërico Lotkina Lasiala V^astelain. SzeDtmarionyi Seixas Naruszewicx Poda YOD Neahaas Harlitheim Naruzewiecr Poda Ton Meuhans Harzthein Gallade (Pierre), protoss. de laogoe hébraïque et de droit canon •Joutn.- 1708 Jung (Jean),..., 4797 ¥.4768, Usez: Jung (Jean) , prof, de philosoph. 4727 année d« la uatM. tul77S 69 46 *